Sicile - Messine : de Charybde en Scylla, et une horloge

Je l'avoue : le titre de cet article est racoleur car, en réalité, je n'ai couru aucun danger lors de mon voyage.

Si j'évoque Charybde et Scylla, c'est parce que ces monstres de l'Odyssée auraient été situés ici, de part et d'autre du détroit de Messine, entre la Sicile et la Calabre, qui relie la mer Ionienne, au sud, à la mer Tyrrhénienne, au nord.

Sa plus petite largeur est de 3,3 km et les courants y sont violents par endroits.

Un projet de pont routier et ferroviaire, longtemps envisagé,  a finalement été abandonné, d'une part pour préserver l'économie des ports et d'autre part parce que l'affaire était entachée de liens avec la 'ndrangheta.

En raison du terrible tremblement de terre de 1908 et du bombardement de 1943, de nombreux édifices construits au fil des siècles ont disparu.

La ville reste la troisième plus grande ville de Sicile, avec un important port et une grande université mais je n'ai pas pu m'attarder car ce n'est qu'une étape sur le retour à Palerme.

Le monument principal est la cathédrale, dédiée à la "Madonna della Lettera".

Selon la tradition, Saint Paul vint à Messine pour prêcher l'Évangile et en 42, alors qu'il s'apprêtait à retourner en Palestine, une délégation de Messine l'accompagna avec une lettre professant leur foi et demandant la protection de Marie.

Marie les accueillit, écrivit une lettre en hébreu et l'ayant roulée, l'attacha avec une mèche de ses cheveux. La délégation revint à Messine le 8 septembre 42 portant la lettre dans laquelle Marie louait leur foi, disait qu'elle appréciait leur dévouement et les assurait de sa protection perpétuelle.

La mèche de cheveux est conservée à la cathédrale de Messine et exposée le jour du Corpus Domini sertie dans le mât du Vascelluzzo un navire d'un mètre de long, en bois recouvert de feuilles d'argent, qui aurait environ 300 ans.

Le magnifique clocher astronomique, haut 90 mètres, est décoré à chaque étage de sa façade de statues allégoriques et c’est la plus grande horloge astronomique au monde.

Grâce à une mécanique complexe installée en 1933, les automates en bronze s’animent tous les jours à midi, créant un spectacle de 12 minutes au son de l’Ave Maria de Schubert.

Les personnages en action évoquent des scènes de la guerre des Vêpres siciliennes de 1282, opposant les Siciliens aux occupants angevins.

Le lion du sommet représente le peuple sicilien victorieux de Charles d’Anjou :

Dina et Clarenza sonnant les cloches sont les héroïnes de Messine qui ont aidé les hommes à défendre la ville, et le coq représente l’armée franco-papale.

Ensuite, en descendant, des fenêtres montrent des systèmes animés :

• défilé de scènes bibliques, 
• apparition de l'église de Montalto,
• défilé des âges de l'homme (enfant, jeune homme, homme mature, vieillard),
• défilé des jours de la semaine représentés par des chars guidés par le dieu correspondant (Apollon pour dimanche, Diane pour lundi, Mars pour mardi, Mercure pour mercredi, Jupiter pour jeudi, Vénus pour vendredi et Saturne pour samedi). 

Pour voir les sujets en action, voici une vidéo :

Sur le côté, une boule tourne pour indiquer la phase de la lune en cours puis un cadran représente le zodiaque. 

En-dessous, un ange indique sur un calendrier perpétuel le jour, le mois et l'année.

La cathédrale fut érigée sous Justinien, transformée en mosquée sous l’occupation musulmane, reconstruite sous les Normands de Roger Ier et consacrée de nouveau en 1197 en présence de l’empereur Henri VI.

Après un incendie elle fut progressivement reconstruite aux XIVe et XVe siècles, mais fut rasée par le tremblement de terre de 1908.

Sa rénovation dans les années 1920 a restauré sa beauté, en récupérant certaines des anciennes œuvres.

Le magnifique portail avec ses torsades et motifs est attribué à Polidoro da Caravaggio.

Je n'ai pas pu m'attarder car une célébration rassemblait un grand nombre d'hommes en uniforme qui prenaient place, et j'ai dû aller trottiner ailleurs.

Voici, par Andrea Carrara Calamecca,  la statue de Don Juan d'Autriche, fils illégitime de Charles Quint. 

Il est représenté écrasant sous son pied la tête d'Ali Pacha car il triompha de la flotte turque lors de la bataille de Lépante en 1571.

Pour l'anecdote, il avait sous ses ordres, Miguel de Cervantès,  le futur auteur de Don Quichotte,  qui  perdit l'usage de la main gauche, ce qui lui valut plus tard le surnom de « Manchot de Lépante ».

Alors que je regarde distraitement un bâtiment plutôt moche, je réalise avec horreur qu'il y a juste derrière un de ces abominables paquebots de 3000 passagers qui sillonnent la Méditerranée, déversant des hordes de touristes en une seule fois, comme des nuages de criquets. 

C'est à La Valette que j'avais fait la triste connaissance du phénomène.