Naples - L'horrible rite de la "scolatura" dans la crypte de Sant'Anna dei Lombardi

En 1798, le roi Ferdinand 1e expulsa l'ordre olivétain de l'église du 15e siècle Santa Maria de Monte Oliveto et la confrérie des Lombards prit sa place. Peu après, l'église s'effondra, par suite d'un tremblement de terre, détruisant  notamment un tableau du Caravage, La Résurrection du Christ

Le complexe religieux fut pour un temps l'un des plus grands monastères d'Italie.

La rénovation urbaine des années 1930 contourna l'édifice, Ainsi le bureau de poste principal de Naples se trouve à l'extrémité ouest de l'ancien monastère dont l'édifice a été simplement incorporé à l'arrière.

À l'extrémité est, l'église est toujours en service, mais le local et la cour du monastère adjacents sont devenus une caserne pour les carabinieri. 

La nef n'a pas de transept mais offre une disposition rectangulaire linéaire flanquée de dix chapelles latérales. J'en mettrai quelques images à la fin, limitées à cause des contre-jour ou de la pénombre. 

Je préfère commencer par le plus saisissant, qui se trouve dans la crypte derrière l'autel (j'en ai encore la chair de poule, accrochez-vous). 

Une guide de l'église m'a abordée en me proposant de passer derrière l'autel pour visiter la crypte fermée à clé. J'ai accepté par politesse, pensant y voir quelques sarcophages et autres gisants. 

Oh que non !

La crypte n'a rien de ce à quoi je m'attendais et son usage était pour le moins étrange : on y pratiquait la "scolatura". 

Le drainage des cadavres était une pratique funéraire ancienne, répandue dans le Royaume des Deux-Siciles et en particulier à Naples.

Sur le mur face à l'escalier, qui correspond au tabernacle avec ostensoir de l'église, et donc à l'espace le plus sacré, se trouve un putridarium, avec des niches appelées scolatoi au fond desquelles se trouvent une bassine dite cantarella.  

La voûte au-dessus des niches représente la scène du Calvaire avec la Crucifixion.

La pratique était liée au culte des morts et à la croyance que le corps, purifié des liquides, atteignait un nouvel état dans l'au-delà.  

Les cadavres encore impurs étaient acheminés dans crypte par une chute latérale, pour ne pas souiller le tabernacle.

La rénovation urbaine des années 1930 contourna l'édifice, Ainsi le bureau de poste principal de Naples se trouve à l'extrémité ouest de l'ancien monastère dont l'édifice a été simplement incorporé à l'arrière du bureau de poste de sorte que le monastère semble sortir du bâtiment moderne.

À l'extrémité est, l'église est toujours en service, mais le local et la cour du monastère adjacent sont devenus une caserne pour les carabinieri. 

Les corps étaient assis dans les niches, maintenus contre le mur par une chaîne passée sous les aisselles.  

La cantarella, recueillait les liquides issus de la décomposition.  Le drainage était aidé par un employé, le schiattamorto ("crève-mort"), qui perçait les cadavres pour accélérer l'écoulement des liquides et la scolatura (décollement des chairs)

Les chairs et fluides étaient jetés dans la fosse souterraine, au centre de la crypte et couverts de chaux vive, symbolisant la disparition de la partie charnelle pour libérer l'âme. 

Je n'ose imaginer la puanteur des lieux et même celle du tabernacle car la grille d'aération donnait directement derrière l'autel !

Lorsque j'ai interrogé la guide sur la possibilité d'un traitement des corps avec des baumes odorants, elle m'a assuré que rien n'était ajouté pendant le processus. 

Le putridarium avait une fonction spirituelle car les moines venant y prier pour l’âme des défunt méditaient aussi sur la fugacité de la vie et la nécessité de se préparer à la mort. 

Les fresques symbolisent la transformation du corps et l'élévation de l'âme de la terre vers le ciel, avec des racines peintes au pied des niches, et des arbres au plafond. 

Le squelette desséché était ensuite déposé dans un ossuaire ou une tombe. 

Pour les défunts les plus importants, le crâne et les os longs étaient exposés dans une châsse portant leur nom,  afin de perpétuer leur mémoire 

Propre à l’Italie du sud, la scolatura était courante dans le Royaume des Deux-Siciles et a disparu au début du 20e siècle en raison des réformes sur l'assainissement qui ont interdit ces pratiques. 

Le souvenir de la scolatura survit dans l'expression napolitaine de mauvais augure  « Puozze sculà! », qui signifie en substance « Va te faire drainer ! »... 

Je sors de là passablement écoeurée, avec l'impression que c'était pire que la momification pratiquée par les Egyptiens. 

Voici quelques images de chapelles, pour égayer la visite. 

Le Michel-Ange annoncé s'avère être... une oeuvre de jeunesse,  le minuscule angelot en haut à droite de cet autel 😄

J'ai été passablement stupéfaite par le Jésus en technicolor !  Il jure avec le reste.