John Singer Sargent (1856 – 1925) est, avec James Whistler, l’artiste américain le plus célèbre de sa génération. Adulé aux États-Unis, il est célébré au Royaume-Uni où il a effectué la majeure partie de sa carrière mais moins connu en France, alors que c'est à Paris qu'il a développé son style et son réseau d’artistes.
En partenariat avec le Metropolitan Museum of Art de New York, l’exposition retrace l'ascension de Sargent de son arrivée à Paris en 1874 à l'âge de 18 ans pour étudier avec Carolus-Duran jusqu'au milieu des années 1880, quand il s'installe à Londres après le scandale suscité au Salon par le fameux portrait de Madame Gautreau (Portrait de Madame X)
Pendant cette décennie, Sargent forge son style et sa personnalité dans le monde de l'art, marqué par le développement du naturalisme et de l’impressionnisme et la montée en puissance de Paris comme capitale mondiale de l’art.
Dans certains tableaux (je n'ai pas pu tout photographier), l'utiisation du blanc pour les effets de lumière m'a parfois fait penser à Sorolla. Pourtant, bien que contemporains, ils n'étaient pas en lien étroit.
C'est dans le portrait que Sargent s’imposera comme l’artiste le plus talentueux de son temps, égalant les grand sartistes du passé.
Son habileté technique, le brio de sa touche, le chatoiement de ses couleurs et l’assurance provocante de ses compositions troublent le public et séduisent les critiques qui voient en lui un héritier de Velázquez.
Les répétitions gratuites des concerts classiques dirigés par Jules-Étienne Pasdeloup étaient très populaires.
Pianiste et mélomane, John Singer Sargent assistait à ces représentations depuis les sièges supérieurs pour l'angle intéressant de la vue plongeante, puis peignait en utilisant des techniques impressionnistes pour représenter ce sujet urbain moderne.
Constamment en quête de nouvelles inspirations, Sargent dépeint peu la « vie parisienne » mais profite de son ancrage dans la capitale française pour effectuer des voyages en Europe ou en Afrique du Nord. Il en ramène de nombreux tableaux alliant exotisme et sensualité.
A Paris, Sargent trouve des soutiens auprès d’autres expatriés mais s’intègre aussi avec brio à la société française en forgeant des liens avec un cercle d’artistes, d’écrivains, et de mécènes éclairés.
Les nombreux portraits que Sargent a laissés de ces personnalités donnent à voir une société en pleine mutation, très cosmopolite, où l’ancienne aristocratie européenne côtoie les jeunes fortunes du nouveau monde.
Pour mettre en valeur les modèles de ses portraits, Sargent a l’art de la mise en scène.
Dans les commandes de la bourgeoisie parisienne, il dirige et ajuste, allant jusqu'à choisir le tissu des vêtements dont il peut aussi modifier le tombé, ou les détails d'ornement.
Au-delà, du portrait, il veut faire de ses modèles des icônes, préparant de nombreux croquis pour scénographier le corps, positionnant une main, un bras, un profil…
Son exigence va même aux enfants puisque pour les malheureux Edouard et Marie-Louise Pailleron durent accepter 83 séances de pose...
Madame Subercaseaux était l'épouse de Ramón Subercaseaux, diplomate chilien, consul à Paris et artiste amateur.
Après le succès de Sargent au Salon de Paris de 1880, les Subercaseaux lui commandèrent le portrait d'Amalia qui remporta une médaille au Salon de 1881.
Au moment de la réalisation, Sargent avaut vingt-cinq et Amalia Subercaseaux vingt ans. D'après son journal, elle jouait pour Sargent pendant qu'il peignait son portrait.
Ce qui m'a frappée, c'est que la main posée sur le clavier paraît avoir des doigts d'une longueur exagérée.
Le Dr Samuel Pozzi était célèbre, connaissait le Tout-Paris et avait un faible pour les femmes. Excellent chirurgien, il encouragea le port des gants au bloc opératoire, pratiqua pour la première fois la gastroentérotomie et la cholédocotomie, et devint le premier titulaire de la chaire de clinique gynécologique.
Ce tableau est la première oeuvre que Sargent exposa à la Royal Academy de Londres en 1882. Plus élancé que sur les photographies, Pozzi est représenté dans une magnifique robe de chambre écarlate qui renvoie aux tenues des papes et des cardinaux peints par Titien ou Rubens. Il était plutôt inhabituel de faire poser un homme en tenue d'intérieur !
Au final, la pose sophistiquée des mains, l’abondance de rouge et la petite pantoufle évoquent davantage un libertin qu'un médecin...
Mme Allouard-Jouan était une écrivaine, dramaturge, critique d'art et traductrice.
Mettant en valeur son regard fort, Sargent a peint cette femme d'âge mûr en noir, teinte généralement choisie pour les portraits masculins.
Commentant l’un de ses tableaux les plus originaux, le Portrait des Filles d’Edward Darley Boit, l’écrivain Henry James écrivit de son ami de Sargent, qu'il « offre le spectacle étrangement inquiétant d’un talent qui au seuil de sa carrière n’a déjà plus rien à apprendre ».
La mise en scène audacieuse interpelle dans ce tableau parfaitement carré mais tout s'éclaire si l'on sait qu'après avoir quitté l'atelier de son maître, Carolus-Duran, Sargent avait visité l'Espagne, étudiant les peintures de Vélasquez, avec passion. La composition étrange de l'œuvre se veut un hommage à son tableau Les Ménines.
L'oeuvre fut brocardée pour ses « quatre coins et un grand vide », les fillettes ne semblant n'avoir aucune relation les unes avec les autres, mais fut néanmoins largement saluée par la critique.
Eugenia Errázuriz était une mécène qui comptait, dans son cercle d'amis et de protégés, des artistes comme Diaghilev, Fauré, Boldini, Picasso, Stravinsky, Cocteau, Cendrars...
Ce portrait par Sargent m'a étonnée par sa simplicité, alors que la femme était réputée pour sa grande beauté.
Judith Gautier, fille de Théophile Gautier, s'est illustrée dans les lettres par sa passion pour l'Asie, son rôle de pionnière dans l'analyse de la mystique wagnérienne, et ses relations passionnées avec l'avant-garde littéraire française, de Victor Hugo à Charles Baudelaire en passant par Gustave Flaubert.
Elle fut la première femme à intégrer l'Académie Goncourt.
Le clou de l'exposition est le Portrait de Madame X, que Sargent décrira plus tard comme la meilleure chose qu’il ait jamais faite. Prêté exceptionnellement par le Metropolitan Museum of Art de New York, on le voir à Paris pour la première fois depuis 1884.
C'est le portrait d'une jeune expatriée de Louisiane, Virginie Gautreau, femme d'un banquier parisien et figure de la bonne société parisienne de l'époque.
Madame Gautreau n'avait pas commandé de portrait et c'est Sargent qui l'a poursuivie pour obtenir cette chance. Il avait écrit à l'une de leurs connaissances communes : « J'ai grand désir de peindre son portrait et j'ai raison de croire qu'elle le permettra et s'attend à ce que quelqu'un propose un tel hommage à sa beauté. Vous pouvez lui dire que je suis l'homme d'un prodigieux talent »
Lorsqu'il fut présenté à Paris au Salon des artistes français de 1884, le portrait déclencha un scandale : la bretelle tombée était associée à des mœurs légères et la couleur de la peau à celle d'un cadavre (Virginie Gautreau accentuait son teint pâle avec une poudre de couleur lavande).
La tête de profil hautaine et la position peu naturelle du corps déplurent au public et à la critique. La mère de Virginie Gautreau s'exclama : « Ma fille est déshonorée ! »
Par la suite, Sargent remit en place la bretelle pour tenter d'apaiser les esprits, mais le mal était fait.
L'exemplaire qui suit a d'abord été pris pour une étude mais c'est en fait une réplique inachevée. Sargent avait considérablement retravaillé l'original au cours de sa conception. En raison des craquelures qui apparaissaient, il est possible qu'il ait entrepris cette copie "au propre" sans pouvoir l'achever à temps pour le Salon.
Elle révèle l'effait qu'avait pu avoir la bretelle abaissée dans la composition initiale et l'hésitation du peintre quant à son positionnement.
Après le scandale du Portrait de Madame X, les commandes parisennes se tarirent et Sargent envisagea d'abandonner la peinture pour la musique ou les affaires.
Il finit par vendre son atelier à Giovanni Boldini et partit s'installer à Londres pour poursuivre en Angleterre sa carrière de portraitiste.
Le portrait, en blanc, de Madame White avait été conçu en parallèle du portrait en noir de Madame Gautreau. Sargent pensait les présenter ensemble au Salon de Paris mais finalement le portrait de Madame White fut présenté au Salon de la Royal Academy à Londre.
Dans cette oeuvre, l'artiste mettait au point une formule promise à un grand succès : le modèle porte un riche costume propice à des effets de peinture virtuoses, et pose dans un espace indéterminé évoquant la tradition du grand portrait aristocratique.
Est-ce la sensation de solitude qui se dégage du tableau suivant qui m'a fait penser à Edward Hopper ? Il y a une ambiance particulière, en tout cas.
Sargent aimait la peinture de Claude Monet et il en possédait quatre tableaux.
Il le peignit au travail, adoptant une technique impressionniste pour représenter son ami, et il garda cette oeuvre toute sa vie.
Le tableau suivant représente une scène d'anniversaire, dans un cadrage décentré qui donne l'impression d'être dans la pièce avec la sculptrice Charlotte Besnard, son fils Robert et le peintre Albert Besnard.
Curieusement, Sargent n'a pas défini le visage de son ami, ce qui donne une impression dérangeante à la scène familiale.
Fondée sur un travail de recherche poussé, l'exposition prend aussi la mesure des liens durables que l’artiste conserva avec sa ville de formation, ce même après son déménagement à Londres. Il s'engagea en faveur de l’entrée d’Olympia de Manet, artiste qu’il admire, dans les collections nationales en 1890.
C’est encore en France que Sargent connut une première forme de reconnaissance institutionnelle, lorsque l’État fit l’achat de son portrait de la danseuse Carmencita pour le musée du Luxembourg en 1892.
Il rencontra Carmen Dauset Moreno, originaire d'Almería, lors de l'Exposition Universelle de Paris, puis la retrouva dans un cabaret à New York en 1890. Fasciné, il lui proposa de faire son portrait et l'éblouissant costume est un morceau de bravoure pictural.
Présenté à Paris, le portrait fut apprécié par les critques pour son étrangeté : "Monsieur Sargent excelle à mettre ce quelque chose d'attirant ou d'inquiétant dans les physionomies, et c'est par là que son art devient supérieur" (Claude Bienne).
Même si elle m'a paru brève, l'exposition donne une bonne approche de l'art de Sargent. J'avais pensé revoir ensuite le reste du musée d'Orsay mais il y avait un monde fou et, finalement, j'ai préféré rester sur ce que je venais de voir.
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