Boris Godounov est le seul opéra achevé de Modeste Moussorgski. Il en fit deux versions : celle de de 1869 et une autre, fortement révisée sur commande. C'est la version initiale que dirige le chef d'orchestre Vitali Alekseenok à l'Opéra National de Lyon. C'est la plus fidèle au drame de Pouchkine et les solistes sont presque tous masculins.
La musique est écrite dans un style russe rejetant l'influence de l'opéra allemand ou italien. Moussorgsky écrivait à son ami Répine :
« C’est le peuple que je veux peindre. [...] Quelle richesse féconde, pour le musicien, que la langue du peuple ! Que de possibilités inépuisables s’ouvrent à qui se penche sur la vie réelle du peuple russe ! I[...] »
L'histoire est sombre :
Le tsar Féodor est mort, et son héritier le jeune Dimitri, est mort dans des circonstances suspectes. Le boyard Boris Godounov accepte le trône mais son règne est impopulaire.
Des années plus tard, le novice Grigori apprend du vieux moine Pimène que l’héritier Dimitri aurait été assassiné sur ordre de Godounov. En soif d'aventures, il s'enfuit du monastère pour venger l'enfant assassiné en se faisant passer pour lui et accuser Godounov.
La nouvelle se répand de l'apparition de "Dimitri" miraculeusement sauvé. Boris Godounov tourmenté par sa conscience demande une enquête pour savoir si l'enfant était vraiment mort mais il meurt subitement. Son fils Féodor lui succède mais le faux Dimitri continue son avancée…
Le décor initial est une sorte de grand café en gradins dans lequel des gens du peuple sont assis, l'oeil rivé sur leur téléphone, tandis que le policier Nikititch en rudoie pour les obliger à réclamer le couronnement de Godounov.
Dans ce rôle trop court, Hugo Santos, soliste du studio de l'Opéra de Lyon, offre une basse magnifique qui donne envie de l'entendre davantage.
L'orchestre déploie des cuivres, bois et cordes d'une grande puissance et surtout, la musique aux tonalités russes épouse parfaitement l'action. Les choeurs de l'Opéra de Lyon servent admirablement la beauté de la composition, alternant fureur et douceur.
Les cloches ajoutent au réalisme en ponctuant le récit qui est entre l'enquête policière et l'exaltation religieuse.
J'avoue que la mise en scène ne m'a pas emballée car, si on nous a épargné les vidéos, il y a cette nouvelle manie de saturer l'espace avec des figurants qui ne cessent d'aller et venir, sans rien apporter au récit.
Je m'attendais à un faste à la russe mais même le couronnement s'est fait devant les gradins gris avec, en guise de couronne, un tabouret renversé porté au-dessus de Godounov.
Pour la scène dans l'auberge où se cache le faux Dimitri poursuivi à cause de sa fuite du monastère, j'ai trouvé amusant de voir une roulotte-buvette à kvas. Bien que la situation soit dramatique, le moment est un grand moment de comédie avec les deux moines vagabonds enivrés.
Vaarlam, interprété par David Leigh, déploie une basse truculente à souhait tandis que son compère Missaïl, presque muet, est dans une chorégraphie d'ivrogne inénarrable.
Il s'avère que dans ce rôle, on trouve Filipp Varik, soliste du studio de l'Opéra de Lyon qui, heureusement, interprète à la fin l'Illuminé, qu'il sert avec un ténor expressif et bien modulé.
Le décor des deux derniers actes est une institution pour enfants. Pourquoi diable le fils de Godounov est-il autiste ? C'était insupportable de voir des fillettes rebondir sur des ballons lors de solos poignants de Boris Godounov qui méritaient qu'on ne laissât place qu'au chant.
Dmitry Ulyanov a été formidable dans ce rôle, jouant toutes les nuances d'un tsar torturé, parfois lyrique, parfois balbutiant, rendu fou par l'opposition entre ce qu'il pense être son règne et ce que son peuple lui renvoie.
Si l'on fait abstraction de la scénographie, ce Boris Godounov est un grand moment. La fluidité du russe est parfaite pour l'opéra et la distribution était un régal, même pour les rôles secondaires.
On est emporté par la musique de Moussorgski, aussi émouvante dans les passages orageux que dans le moments intimes.
Le fait est que l'Opéra de Lyon nous offre toujours une belle programmation...
Boris Godounov - Opéra en 4 actes de Modeste Moussorgski, d'après la pièce d'Alexandre Pouchkine - Version originale de 1869 - Durée : 2 h 45 avec l'entracte
Direction musicale Vitali Alekseenok
Chef des chœurs Benedict Kearns - Chef des choeurs de la maîtrise : Clément Brun
Mise en scène Vasily Barkhatov Scénographie Zinovy Margolin
Costumes Olga Shaishmelashvili Lumières Alexander Sivaev
Boris Godounov, tsar (baryton-basse) : Dmitry Ulyanov
Féodor, fils de Boris (contre-ténor) : Iurii Iushkevich
Xénia, fille de Boris (soprano) : Eva Langeland Gjerde(*)
La Nourrice (contralto) : Dora Jana Klarić
Le Prince Vassili Chouïski (ténor) : Sergey Polyakov
Andrei Chtchelkalov, clerc (baryton) : Alexander de Jong(*)
Pimène, vieux moine (basse) : Maxim Kuzmin-Karavaev
Grigori, moine fugitif (ténor) : Mihails Culpajevs
Varlaam, moine (basse bouffe) : David Leigh
Missaïl, moine/L’Illuminé (ténor) : Filipp Varik(*)
L’Aubergiste (mezzo-soprano) : Jenny Anne Flory(*)
Nikititch, officier de police : Hugo Santos(*)
Orchestre, Chœurs et Maîtrise de l’Opéra de Lyon - (*) Solistes du studio de l'Opéra de Lyon
Nouvelle production - Coproduction Opéra de Lyon, La Monnaie de Bruxelles, Staatsoper Hanovre, Abu Dhabi Festival - Avec le généreux soutien d'Aline Foriel-Destezet
/image%2F0569187%2F20210206%2Fob_9f3b61_grenouille.png)




/image%2F0569187%2F20251020%2Fob_4796af_center.jpg)

/https%3A%2F%2Fapi.opera-lyon.com%2Fassets%2Fq70-w1200%2F6065dd17%2Fbatiment_896x536.jpg)