L'idée d'une collection d'objets issus de l'art du fer vint à Jean-Louis-Henri Le Secq Destournelles (1818-1882), peintre formé à Paris et à Rome, devenu un des premiers photographes français. A ce titre, il fut requis par Prosper Mérimée pour photographier les monuments historiques de la France, pour le service que ce dernier venait de créer..
C'est sans doute au fil de ses missions qu'il découvrit les pièces de ferronnerie qui agrémentaient les villes ou les monuments anciens. Il entreprit donc une collection vers 1865 que son fils Henry continua puis en fit don à la ville de Rouen qui, consciente du patrimoine exceptionnel qui s'offrait là, lui attribua la belle église Saint-Laurent du 15e siècle, restaurée en 1911.
Inauguré en 1921, le musée rassemble près de quatorze mille pièces de qualité artistique ou pittoresque réalisées en fer ou comportant du fer.
La collection s'étend de l'époque gallo-romaine au 20e siècle et comporte géographiquement des pièces de toute l'Europe et quelques objets orientaux;
Des travaux d'art très élaborés (serrures de maîtrise, travaux d'orfèvre) y côtoient de beaux objets d'art populaire (enseignes, marmites). Seules les armes traditionnelles sont exclues car collectionnées par d'autres.
Le lieu comme la collection sont époustouflants mais j'ai dû renoncer à relever les cartels car il y en a beaucoup trop. En outre, du fait de l'éclairage surpuissant et des nombreuses vitrines, les prises de vue ont été très compliquées.
Les thèmes principaux représentés sont : les enseignes et marques de propriétés, la coutellerie, les outils de métiers, les objets de parure et de plaisir, l'équipement et le décor de l'église, de la maison ou de la porte avec notamment les serrures, coffres et coffrets…
A l'origine cousu sur une cagoule, ce masque de fer fait connaitre à tous le forfait de celui qui le porte.
L'accusé assimilé à son crime est ainsi humilié publiquement lors de ses déplacernents entre le lieu de détention, celui du jugement puis celui de l'exécution de la peine.
Ici les motifs "floraux" sur les joues évoqueraient le crime de sorcellerie.
Cette serrure monumentale est dite "serrure prévôtale". Ce nom lui vient de ce qu’elle pouvait le rôle du prévôt qui arrête les voleurs: si l’on introduit une fausse clef, des ressorts très puissants libèrent deux mors qui emprisonnent le poignet de l’intrus.
Cette invention est attribuée soit à Duval, soit à Merlin, deux serruriers parisiens de la fin du 18e siècle. Les marchands de nouveautés parisiens auraient vendu ce type d’ouvrage à la fin du 18e siècle
Outre ses réalisations de décors architecturaux à Rouen et Fécamp, le talentueux ferronnier d'art Ferdinand Marrou a multiplié la production d'objets mobiliers, en y adaptant son exubérante frénésie ornementale et son goût des torsions extrêmes.
Orné de patères aux enroulements caractéristiques, ce rare vestiaire est traité dans un style très librement inspiré du gothique.
J'ajoute, après l'objet, un détail de façade de la maison Marrou que j'ai découvert à mon arrivée à Rouen, toute en bois et fer forgé. Le reste des photographies de cette façade feront l'objet d'un autre article.
Ce symbole de corporation rappelle un arbre légendaire que les pèlerins allaient voir en Terre Sainte, sur la tombe de Loth, dans la vallée de Josaphat. Il était censé remonter à la création du monde puis s'être desséché à la mort du Christ.
L'Orient évoque les régions du monde d'où viennent les plus beaux tissus et donne un gage de qualité à une production européenne principalement fondée sur le tissage de la laine puis du coton. Cette enseigne a donné son nom à la rue de I'Arbre sec, dans l'ancien quartier des Halles à Paris.
Ces deux ventaux occupaient, jusqu'en 1794, une place centrale dans le chœur de l'abbaye cistercienne d'Ourscamp. Cette œuvre de forge est sans conteste l'un des chefs-d'œuvre du musée reçu par Henri Le Secq des Tournelles en 1882, en héritage de son père.
Les motifs décoratifs s'étagent dans une fausse symétrie de rouleaux qui s'amincissent et se referment en oeil roulé.
L'œuvre présente un montage à bagues (colliers forgés) caractéristique des objets médiévaux, ainsi que des motifs moulurés par étampages sur les plus larges colliers.
Entièrement en métal, ce coffre pour valeurs ou documents avec cadenas à broche est extrêmement lourd pour ne pas être transporté aisément.
La fermeture se fait grâce à la serrure de droite et à un solide cadenas. La serrure en façade sur la gauche est uniquement décorative.
L'objet suivant, du 17e siècle est très étonnant : c'est un podomètre qui s'attache à la ceinture. Lorsque l'on tire sur la perle en laiton, on libère une ficelle qui, liée au genou, enclenche le mécanisme au moment de la marche.
Les trois petits cadrans comptent 1, 10 et 100 double-pas.
Au verso, le cadran indique une distance maximale de 60 kilomètres pour une équivalence d'un mètre par double-pas.
Trop luxueux pour être l'outil d'un arpenteur, ce podomètre servait vraisemblablement à comptabiliser les distances effectuées lors d'un pélerinage.
Au Moyen-Âge, les changeurs étaient chargés du commerce des métaux précieux, recevaient et changeaient sur les places marchandes les monnaies étrangères, anciennes, défectueuses et démonétisées, moyennant une commission. Ils exerçaient leur profession en public, sur un comptoir appelé table ou banc.
Ils étaient équipés de matériel de grande précision permettant la vérification des pièces, par leur poids et leur composition.
Pour les itinérants, une boîte contenait un trébuchet, une table de change monétaire précisant les correspondances entre les différentes monnaies anciennes et nouvelles de France, et l'équivalence en poids des pièces d'or et d'argent.
Particulièrement ingénieux, l'intérieur d'une boîte monétaire contient l'ensemble des outils nécessaires au pesage : le trébuchet, les poids et les godets empilables en cuivre estampés, les fines feuilles de cuivre ou laiton estampées, une pince pour aider à la manipulation et une tige métallique pour déloger les poids.
Ici, le trébuchet est muni de deux plateaux, l'un rond aux bords surélevés accueillant les poids, l'autre triangulaire aux bords inversés où est placé l'objet à peser (pièce de monnaie, matières précieuses, bulbes de fleurs).
Les bords inversés dissuadent certains changeurs peu scrupuleux de frotter la pièce sur le rebord du plateau lors de la pesée et de récupérer discrètement quelques précieuses poussières d'or ou d'argent.
Pour éteindre les chandelles proprement et sans danger, les systèmes ont évolué jusqu'à même inventer un dispositif automatique.
Un éteignoir automatique à la chimère est un dispositif de sécurité qui évite les risques d'incendie d'une chandelle oubliée ou, par souci d'économie, contrôle la consommation de chandelle.
La tige inferieure, dotée d'une pince, enserre la chandelle ; celle du centre est piquée dans la chandelle à la hauteur désirée ; la tige supérieure porte l'éteignoir, qui se rabat quand la chandelle s'est consumée.
Le briquet à percussion ou briquet-pistolet est un briquet automatique généralement fabriqué par un armurier, et parfois par un serrurier. L'étincelle est obtenue grâce à une pièce coudée portant le silex (le chien).
Une gâchette sous ressort libère le chien, qui frappe en l'ouvrant une pièce en acier appelé couvre-bassinet. L'étincelle obtenue par ce choc tombe sur l'amadou inflammable contenu dans le bassinet.
La vogue des bijoux en fonte de Berlin est lancée par Louise de Prusse (1770 1836). Ces parures noires ressortent sur les épaules nues des toilettes à la mode.
L'aspect austère du matériau revêt une dimension patriotique pendant l'occupation napoléonienne en 1813 : les dames prussiennes, invitées à participer à l'effort de guerre, reçoivent en échange de leurs bijoux précieux des parures en fonte de Berlin. Il est de bon ton de porter ces bijoux d'origine locale, qui affirment leur attachement à la patrie
Les premières horloges à poids d'usage domestique apparaissent au cours du 14e siècle dans les demeures royales et princières, ainsi que dans les monastères où elles marquaient l'heure de la prière.
Au 16e siècle puis au 17e siècle, se développent des horloges à poids de petit volume dont la forme évoque celle d'une lanterne. Généralement réalisées en laiton, elles présentent une cage carrée ou rectangulaire, des piliers tournés et un cadran annulaire avec des chiffres romains.
Elles sont ornées d'un fronton gravé et ajouré, et surmontées du timbre de sonnerie, simplement retenu par deux arceaux de laiton ou de fer croisés, à l'image de celle montrée ici qui est en état de marche, et a de plus conservé son poids de bronze.
C'était une visite pleine d'enseignements, absolument fascinante et dont je n'ai jamais vu d'équivalent.
Si j'avais eu plus de temps, j'y serais retournée le lendemain d'autant qu'à Rouen, les musées sont gratuits.