A l’orée du 20e siècle, Saint-Quentin est une ville très prospère, qui, grâce à son commerce et son industrie, rayonne par-delà les frontières de l’Aisne.
L’année 1894 voit l’ouverture du Grand Bazar dont les grandes vitrines débordant d’articles en tous genres. Son propriétaire, Antoine Delherme, ne cesse de faire évoluer son écrin commercial, afin de toujours rester « à la mode ». Il absorbe ainsi plusieurs cafés mitoyens pour agrandir son espace.
D’août 1914 à octobre 1918, Saint-Quentin est occupée par l’armée allemande. Les commerçants assistent alors, impuissants, au sac de leurs magasins et leur réquisition pour héberger les troupes.
En mars 1917, les armées françaises et anglaises pilonnent la ville pour faire sortir l’occupant ennemi.
En 1922, l'architecte Sylvère Laville dessine les plans pour un futur Grand Bazar, qui deviendra les Nouvelles Galeries. Julien Heulot, architecte des Nouvelles Galeries de Cambrai, supervise l’ouvrage.
On choisit d’emblée le béton armé, alors perçu comme un matériau noble, à l’instar de la pierre et du métal.
Un vocabulaire moderne et contemporain est employé, équilibré par des éléments plus traditionnels : grandes baies vitrées, escaliers élancés, rotonde, atrium, verrière en puits de lumière, lanternons, etc.
Les lanternons étaient autrefois des phares qui affichaient parfois des messages publicitaires avant d'être finalement murés.
Les décennies suivantes voient diverses enseignes se succéder, dont Prisunic,et Monoprix (qui occupe encore aujourd'hui une partie du rez-de-chaussée), puis au sortir de la Seconde Guerre mondiale, le bâtiment accueille des activités de loisirs.
C’est ainsi que des bals, des projections de cinéma et même des combats de boxe viennent égayer la vie des Saint-Quentinois au sein même des Nouvelles Galeries.
Au fil du temps le commerce perd de son attrait et à partir de 1963 les étages supérieurs du bâtiment sont abandonnés et seul un commerce alimentaire est maintenu au rez-de-chaussée.
En contournant le pâté de maisons pour voir l'arrière, on mesure la taille gigantesque du bâtiment et c'est un crève-coeur de le voir abandonné.
Aujourd'hui, le bâtiment appartient à un fonds de placement. Sachant qu'il n'est pas encore classé, il risquerait de disparaitre dans le cadre de spéculations immobilière.
Néanmoins, il est loué par la Ville qui depuis 2012, en a fait le Palais de l’Art déco. Une partie des étages est désormais un lieu d’expositions pluriannuelles, où le public peut découvrir des œuvres dédiées à l’Art déco et aux années de la Reconstruction.
En dehors des périodes d'exposition, il est possible d'entrer dans l'édifice avec les visites guidées de l'Office de Tourisme.
Même s'il est douloureux de le visiter comme les ruines d'un temple, on peut admirer la structure en béton et son décor en stuc peint, ainsi que les garde-corps et rampes d’escaliers en fer forgé aux motifs de volutes et de paniers stylisés,
On accède à la rotonde par un couloir sombre et l'effet de découverte est spectaculaire.
L'électricité était bien sûr disponible mais le lieu bénéficiait surtout de la lumière du jour grâce à l'éclairage zénithal de l'immense verrière dont on distingue encore les supports en fer forgé.
Mitoyen à la rotonde se trouve un atrium, éclairé de la même façon par une verrière rectangulaire.
Etant donné la vétusté du bâtiment, nous ne pouvons monter que jusqu'au premier étage, via un escalier dans l'atrium, plongé dans la pénombre.
Il y a de quoi attendre impatiemment le résultat du grand projet de restauration du bâtiment et de réhabilitation qui est en cours de réflexion.
Avec de tels bijoux, Saint-Quentin pourrait être une destination de pélerinage vers l'Art déco comme elle le fut pour la vénération des reliques de Quintinus, avec le même bénéfice économique pour tous ses habitants.