Le Musée d’Arts de Nantes est l’un des rares musées français à offrir neuf siècles d’histoire de l’art occidental en une seule visite. Depuis sa création en 1801, il n’a cessé d’enrichir ses galeries avec des oeuvres d'artistes vivants.
Le bâtiment principal respecte les principes des musées du 19e siècle comme Lille ou Amiens : un édifice organisé autour d’une cour centrale, couvert d’une verrière à l’éclairage zénithal. Ce patio donne accès à un double circuit de galeries qui l’entourent au rez-de-chaussée et au premier étage via un escalier monumental.
Pilotée par le cabinet d’architectes britannique, Stanton Williams, une rénovation récente a remis en valeur le Palais (bâtiment initial) et la Chapelle de l’Oratoire (extension pour expositions temporaire). A cet ensemble historique s'est ajouté le Cube, dédié à l'art contemporain.
On commence la visite par la riche collection d’art du 13e au 18e siècle exposée dans des salles spacieuses et lumineuses, très agréables à parcourir.
Parfois, une oeuvre plus tardive s'y glisse, comme une passerelle montrant que l'art est en constante évolution.
J'avoue que le tableau suivant m'a fait rire, avec ce Jésus en vierge effarouchée et l'autre en extase.
Voici ce qu'explique le cartel : "Représenté dans un moment d'intimité, un jésuite en buste contemple le Christ figuré à mi-corps quelques instants avant la Crucifixion [...] le religieux semble en extase. C'est bien une peinture qui est l'objet de son adoration, comme en témoigne le phylactère situé au bas de la composition, sur lequel figure un extrait de l'Évangile de Jean (20, 24-29) et qui a donné son titre ou tableau. Cet audacieux parti-pris s'inscrit dons la nouvelle relation à Dieu, plus empathique, prônée par Ignace de Loyola au 16e siècle, dons le cadre de la Contre-Réforme catholique. Reposant sur l'identification du fidèle à l'image, la peinture est aussi une mise en abyme de notre position de spectateur face aux oeuvres d'art. "
Le tableau suivant présente des personnages hilares et grimaçants qui nourrissent un chat emmailloté (et pas content) tel un nouveau-né ou l'Enfant Jésus. Il s'agit en fait d'une scène de carnaval, période qui précède les quarante jours maigres de carême. Avant d'endurer l'abstinence, le carnaval est le moment de tous les débordements.
Pendant sept jours couronnés par Mardi gras, il est possible de faire la fête et bombance, comme le révèlent la poêle à crêpes et le plat de saucisses. En parallèle d'une production classique de scènes de genre et religieuses, Frangipane se spécialisa dans des œuvres comiques et bizarres. Le réalisme caricatural de la composition est typique du Nord de l'Italie.
Les jeunes piaillent comme chantent les vieux - Jacob Jordaens, 1640 (prêt exceptionnel du Musée des Beaux-Arts de Valenciennes)
Dans l'oeuvre suivante, la marchande fait étalage de fruits et légumes de plusieurs saisons.
D'après le cartel, loin d'être une simple scène de genre vantant la prospérité, cette sorte de tableau était souvent prétexte à un discours moral et religieux.
Ainsi la présence des pommes symbolise le péché originel du fruit déferdu mangé par Eve, tandis que le raisin évoque le vin célébrant le sang du Christ lors de l'eucharistie. Les légumes comme le chou et la carotte sont utilisés pour évoquer les attributs masculins et féminins et mettre en garde contre une vie trop luxueuse incitant au péché comme le montre la saynète en arrière-plan à gauche.
En résumé, le tableau qui se prête à différents niveaux de lecture, est une mise en garde et un rappel à la vertu.
La pourvoyeuse de légumes - Joachim Beuckelaer, fin du 16e s. (prêt exceptionnel du Musée des Beaux-Arts de Valenciennes)
J'ai trouvé très marquant le tableau suivant, car a priori je n'y voyais pas un thème religieux.
C'est pourtant bien Jésus enfant qui est représenté ici, dans un passage tiré du Nouveau Testament. On est loin de la figure angélique or et rose.
Le cadrage à mi-corps nous rend les personnages très proches et les diagonales formées par leurs regards et leurs gestes insistent sur une vive conversation.
Le réalisme de la scène répondait aux préconisations de la Contre-Réforme catholique qui souhaitait un message religieux plus simple et plus humain.
Le faune / L'enjôleur - Jean Antoine Watteau, 1708 - Prêt exceptionnel du Musée des Beaux-Arts de Valenciennes
Le pape Clément XIII - Antonio Canova, 1787 - Moulage en plâtre du grand modèle réalisé pour la statue agenouillée dans la basilique Saint-Pierre
Les courants artistiques majeurs du 19e et 20e siècles sont représentés : néo-classicisme, orientalisme, réalisme, impressionnisme...
La suite de tableaux d'Alphonse Osbert sur la croisade de Saint Louis est irréaliste, figurative mais essentiellement symbolique, à la limite de l'abstraction.
Du "Grand conseil" que tient Saint Louis avec ses vassaux et conseillers il ne reste que le célèbre chêne sous lequel, selon la légende, il rendait sa justice. De la mort de Saint Louis, il ne reste que l'évocation de la tente sous laquelle il mourut.
Il est intéressant d'observer que si la suite des tableaux d'Osbert porte un titre qui fait référence à la religion, le traitement du sujet est totalement profane.
Trait d’union entre passé et présent, le Cube inauguré en 2017 est un espace entièrement dédié à l’art contemporain. Plus de 2 000 m² sont répartis sur 4 niveaux reliés au Palais par une passerelle suspendue.
La cohérence entre l’ancien bâtiment et le nouveau repose sur la présence de lumière naturelle et la couleur blanche du tuffeau.
Le mur-rideau translucide suspendu le long de l’escalier est composé de marbre et de verre laminé.
Une grande exposition étant en cours de montage, je n'ai malheureusement eu accès qu'à une galerie presque vide dans laquelle je n'ai guère trouvé que deux pièces qui m'ont intéressée.
Ainsi, cette toile imposante est captivante. Elle représente une vue aérienne d'un immeuble : l'artiste, fasciné par les images satellites de Google Earth, sillonne le monde sans bouger de son atelier et capte les vues des villes et mégalopoles contemporaines.
Le Cube débouche sur la Chapelle de l'Oratoire édifiée au 17e siècle puis, dès le 18e siècle, utilisée successivement comme siège de tribunal criminel, hôpital, grange à fourrages et caserne de gendarmerie, avant d'être rachetée par la Ville.
Le lieu accueille désormais des expositions temporaires.
L'expo du moment se résume à un podium lumineux, avec la bande-son en boucle d'une ligne de basse disco de Chic.
Voilà, voilà *en mode : on se fout de nous*
Heureusement, j'ai vu assez d'oeuvres intéressantes dans la collection permanente pour garder un bon souvenir du Musée d'Arts de Nantes.