La cadence de mon voyage ne m'a pas permis de donner dans la gastronomie : le quotidien était fait de pâtes, légumes du soleil, ricotta, raisin...
Néanmoins, j'ai pu goûter à quelque chose de surprenant : le cacio all'argentiera.
Quand j'ai vu arriver le ravier, j'ai eu un sursaut à l'idée d'avaler une sorte de fondue savoyarde ; en réalité, c'était bien plus léger car il s'agissait de caciocavallo, un fromage fin, très aromatique et peu salé.
Ce plat a été inventé à Palerme dans la via dell'Argenteria, c'est-à-dire la rue des Orfèvres. L'écrivain Gaetano Basile a raconté son histoire :
"Les orfèvres, bien que travaillant l'or et l'argent, n'étaient pas riches car le client fournissait la matière première et récupérait non seulement l'ouvrage fini mais aussi les rebuts et la limaille.
La seule chose qui les distinguait des gens du commun était qu'ils avaient toujours du feu, pour leur travail, alors que les autres n' avaient pas les moyens de brûler beaucoup de bois ou de charbon. D'ailleurs, jusqu'aux années 1950, pour définir la solidité économique d'une famille, on disait par exemple "ça cuisine une fois par jour" ou "ça cuisine une fois par semaine".
Donc, la femme de l'orfèvre, pour sauver les apparences, inventa un plat : une tranche de caciocavallo, un filet d'huile, un peu d'ail, d'origan et deux gouttes de vinaigre, le tout cuit au bain-marie.
A bon compte, l'odeur était identique à celle du coniglio alla cacciatora (lapin chasseur)...