Le plateau d'une altitude de 1300 m, avec le Monte Botte qui culmine à 1928 m, est un labyrinthe de vallées séparées par des dorsales montagneuses qui s'étend sur plus de 150 000 hectares, riches en espèces animales et végétales, non seulement méditerranéennes mais également alpines et orientales.
La Sila, Selva Brutia des Romains, est en trois parties : la pointe nord Sila greca, le centre Sila grande et la pointe sud Sila Piccola. Etonnamment, dans ce sud profond, la région recèle d'immenses forêts de conifères qui ne s'ouvrent que pour des lacs, mais aussi des pâturages, des prairies et des clairières fleuries,
Au printemps, les vallées sont tapissées de fleurs telles les primevères, les orchidées, les crocus, les asphodèles, les violettes, les narcisses...
Les forêts, qui recouvrent les monts presque jusqu'à la cime, ont une grande valeur, comme par exemple le massif du Gariglione. Ce sont des cathédrales de pins laricio, appartenant à l'espèce du pin noir, typiques de la région, qui forment un manteau ininterrompu, avec quelquefois des hêtres, sur la grande Sila et la petite Sila.
Sur la route vers la forêt, il y a d'immenses étendues de genêts, comme un tapis d'or.
Je ne connaissais comme utilisation de cette plante que les anciens balais mais j'apprends que c'est un vrai trésor. Jusqu'au 19e siècle, on tirait de la tige une fibre textile très utilisée pour les draps tandis que les fleurs donnaient une teinture jaune. Pouvant servir de pâturage, il a aussi des vertus médicinales : il régule le rythme cardiaque et à des propriétés diurétiques, ce qui en fait un remède contre les rhumatismes et la goutte.
Sur le plateau de Sila, une réserve protégée compte des pins exceptionnels. Cette forêt avait été plantée au 17e siècle par les barons Mollo, propriétaires d'une grande demeure de campagne.
La réforme agraire des années 1950 a transformé la Calabre et la Sila en ôtant aux grands propriétaires des hectares de leurs terres, seule source de richesse à cette époque, pour les attribuer aux agriculteurs qui les réclamaient pour améliorer leurs conditions économiques, après la guerre.
C'est ainsi que les barons Mollo ont perdu des parts de forêt, dont celle où se trouvent les fameux pins noirs laricio qu'on appelle aujourd'hui les Géants (i Giganti). Le projet de l'agriculteur local était de tout raser pour planter des pommes de terre.
Dans les années 1980, la baronne Paola ManesMollo, bien que n'étant plus propriétaire, s'est battue avec acharnement pour préserver les arbres centenaires, allant jusqu'à s'enchaîner à l'un d'eux pour empêcher l'abattage.
Elle a réussi puisqu'en 1987, le Ministère de l'Environnement a émis un décret établissant la création d'une Réserve Biogénétique Protégée désormais gérée par le Fonds italien pour l'environnement (FAI).
Il reste 58 specimens de pin noir laricio, une variété typique du plateau de la Sila. Géants de 45 mètres de haut, avec un tronc de 2 mètres de diamètre, ils ont un âge exceptionnel de près de 400 ans. Ces Giganti sont aujourd'hui les derniers exemples de la forêt d'origine.
Les pins noirs ont la propriété d'avoir une circonférence régulière et de déployer leurs branches du côté de la lumière.
Ainsi, ceux qui poussaient en bordure était très prisés car plus rapides à élaguer pour être transformés en bois de construction pour l'habitat ou les bateaux.
Afin que le cycle de vie soit total, aucune intervention n'est pratiquée sur la forêt, à part le sentier guidé pour la découverte.
La réserve montre une saine biodiversité et la présence de lichens témoigne de la qualité de l'environnement.
Les arbres qui tombent sont laissés sur place, et rien n'est fait pour combler la trouée qui s'ensuit.
Ce sont les insectes, les oiseaux dont de très nombreux pics, les écureuils et les éléments qui se chargent de peu à peu de transformer la masse morte en matière nourrissant de nouveaux cycles de vie. Outre les pins, il y a des érables, des saules, des chataîgners...
La forêt fut exploitée au fil des siècles par les bergers pour extraire des troncs une résine précieuse : elle était utilisée comme combustible, comme imperméabilisant et aussi à des fins médicinales pour calmer les eczémas et dégager les voies respiratoires.
Entre le17e et le 18e siècles, le gouvernement de Naples prit des mesures de protection de cette ressource, en contrôlant les fréquentes menaces d'abattage.
Les troncs étaient creusés pour la récolte de la résine puis on allumait un feu pour cautériser l'intérieur : on voit que les arbres, même très entamés, continuaient leur croissance.
Une autre découverte, très délicate, c'est la rose originale, celle qui pousse spontanément qui a été hybridée par la recherche humaine pour prendre toutes les formes qu'on lui connaît aujourd'hui.
Elle n'a que 5 pétales et s'appelle Rosa canina, Rosier des chiens ou Églantier des chiens. Ce nom vient de Pline l'Ancien, qui prétendait qu'un soldat romain avait été guéri de la rage grâce à une décoction de ses racines (hélas, c'est un mythe).
Avant l'introduction de la tomate en Italie, son fruit rouge appelé cynorhodon, riche en sucre et vitamine C, servait à faire des sauces pour les pâtes.
Cette immersion dans la forêt, avec tous ses parfums exaltés par le soleil, a été un vrai plaisir, tout comme le déjeuner en terrasse dans une ancienne ferme à l'entrée du parc.
Sur la route vers Crotone, la ville perchée de Santa Severina a fière allure.