Le vicomte français Charles de Noailles et Marie-Laure de Noailles, mécènes et amis des grands noms de l'art moderne, avaient commandé la villa dans les années folles.
Après un refus de Ludwig Mies van der Rohe et des désaccords avec Le Corbusier, le projet fut confié à l'architecte Robert Mallet-Stevens, pour un style moderne, pratique et épuré, avec la collaboration de l'architecte local Léon David, notamment pour les extensions et annexes réalisées jusqu'en 1933.
Dans sa correspondance, Charles de Noailles avait précisé :
« Je ne pourrais jamais supporter quoi que ce soit dans cette maison ayant un but seulement architectural et je cherche une maison infiniment pratique et simple, où chaque chose serait combinée du seul point de vue de l'utilité » (1924). « Je veux le soleil le matin dans les chambres à coucher et le soleil de l'après-midi dans le salon, parce que c’est pour avoir le soleil que j'irai dans cette maison » (1925).
La villa est représentative de l'application des préceptes et des principes du mouvement rationaliste, avec une luminosité maximale et une économie décorative. La villa est ainsi constituée de cubes plus ou moins ordonnés, percés de pans de verre.
Plutôt que le béton armé, Mallet-Stevens avait choisi pour son "paquebot immobile", comme il l'appelait, la brique et la pierre locales, qu'il fait recouvrir avec une technique typique du Sud, le crépi au balai de bruyère.
La villa a été conçue pour accompagner l'essor d'une vie moderne, saine et hygiénique, avec piscine privée intérieure (la plus grande d'Europe à l'époque), terrain de squash, gymnase et un système astucieux d'horloges intégrées imaginé par Francis Jourdain.
Rien n'est laissé au hasard, jusqu'à la petite salle aux fleurs mise en peinture par Theo van Doesburg, du mouvement De Stijl, pour préparer les bouquets.
La villa devint le rendez-vous de l'avant-garde artistique : Giacometti, Gide, Cocteau, Picasso, Dalí, Buñuel, Man Ray... Il y avait de quoi recevoir, avec quinze chambres, chacune dotée d'une salle de bain.
Le couple de Noailles donnait de grands bals costumés pour divertir les artistes qui venaient travailler ou étaient de passage.
L'architecture de Mallet-Stevens, un temps oubliée, connaît aujourd'hui un retour en grâce portée par le regain d'intérêt pour le modernisme.
Vendue à la municipalité en 1973, après une longue période d'abandon, la villa déclarée Monuments historique, a été restaurée en plusieurs étapes par le cabinet d'architectes Cécile Briolle, Claude Marro et Jacques Repiquet, pour devenir un centre d'art et d'architecture en 1996.
Dirigée par Jean-Pierre Blanc depuis 2003, la villa Noailles est le seul centre d'art en France qui construit sa programmation autour de l'architecture, la mode et la photographie ainsi que le design.
Perchée sur une colline dominant la ville d'Hyères, la villa Noailles reçoit, en résidence, une quinzaine d'artistes chaque année.
Une grande partie du bâtiment a été transformé en salles accueillant les grandes expositions temporaires. Pas de chance pour moi : le jour de ma visite, c'était fermé pour le montage de l'édition 2024 du Festival international de mode, de photographie et d’accessoires.
En réalité, on ne visite qu'une infime partie de l'habitation et, à ma grande surprise, ce sont des pièces très petites desservies par des escaliers raides.
La villa est entouré d'un grand jardin planté par le vicomte de Noailles, complété en 1925 par un jardin cubiste de Gabriel Guevrekian.