Richard Brunel, directeur général et artistique de l'Opéra national de Lyon, nous a accueillis pour la soirée d'ouverture de la nouvelle saison en annonçant deux concerts inspirés d'amours légendaires, d'abord Roméo et Juliette, de Berlioz puis Daphnis et Chloé, de Ravel
Pour écrire sa symphonie Roméo et Juliette, Berlioz a été inspiré par l'oeuvre de Shakespeare, avec sa gamme de sentiments et ses inventions poétiques.
Pour le compositeur, l’orchestre est pensé comme le théâtre de la musique, comme le lieu où la musique se libère, où les différentes couleurs se révèlent.
Selon Berlioz, « l’orchestre grandit, il parle, il devient homme » et la musique dit ce que les mots eux-même ne peuvent traduire : une émotion encore plus profonde, plus intense et plus humaine.
Le grand Paganini, admiratif du compositeur, lui avait fait remettre 20 000 francs après avoir assisté au concert au cours duquel Berlioz avait dirigé la Symphonie fantastique et Harold en Italie. C'est ce mécénat qui permit la création de Roméo et Juliette.
Nous n'avons pas entendu l'intégralité de la symphonie mais un choix ravissant qui reflète bien combien Berlioz maîtrise la douceur nostalgique autant que le tumulte des passions.
Rustioni, bondissant comme un farfadet, a mené le tout d'une baguette inspirée, entraînant le public dans un tourbillon s'achevant sur le scherzo de « La Reine Mab ».
Après le drame, c'est Daphnis et Chloé qui a égayé la soirée.
L'oeuvre fut commandée à Ravel par Diaghilev, patron des Ballets russes, pour mettre en scène le destin du berger et de la bergère affrontant maintes péripéties avant d'être enfin réunis dans leur amour.
Si le roman fut écrit au 2e siècle par le Grec Longus, Ravel se soucie moins de rendre l'archaïsme que d'évoquer « la Grèce de ses rêves ». Le ballet est avant tout une évocation antique fantasmée, en lien avec la vogue de l’époque qui s’inspire du courant classique français du 18e siècle.
Les divergences de vue entre Ravel et Diaghilev, ajoutées aux réticences du chorégraphe Fokine et même des danseurs mal à l'aise avec les rythmes ont fait que le ballet Daphnis et Chloé sera vite oublié. Il ne restera que les dessins des costumes et des décors de Bakst, quelques photos des danseurs et les articles élogieux des critiques de l’époque .
Daphnis et Chloé est une succession de danses, associés à l'état émotionnel des personnages comme la rudesse du vacher ou la convoitise des pirates.
On y trouve le thème amoureux de Daphnis ; la tendre sensualité de Chloé dans un solo de violon et une valse gracieuse ; une danse sacrée délicate pour ses compagnes... La partition bucolique s'appuie sur la harpe, la flûte et le cor mélancolique pour évoquer un âge d’or, et les choeurs sans paroles, ajoutent une belle atmosphère.
Plus étonnant à mon oreille a été un passage qui m'a rappelé que Leonard Bernstein aimait Ravel...
La soirée, très applaudie, augure bien de la nouvelle saison à découvrir sur le site de l'Opéra de Lyon.
Orchestre et Chœurs de l'Opéra de Lyon
Direction musicale Daniele Rustioni
Chef des chœurs Benedict Kearns
Hector Berlioz - Extraits symphoniques de Roméo et Juliette, symphonie dramatique (1839)
- «Roméo seul – Tristesse – Bruits lointains de concert et de bal – Grande fête chez Capulet.»
- «Nuit sereine – Le jardin de Capulet, silencieux et désert – Les jeunes Capulets, sortant de la fête, passent en chantant des réminiscences
- de la musique de bal.»
- «Scène d’amour.»
- «La reine Mab ou la fée des songes.»
Maurice Ravel - Daphnis et Chloé, symphonie chorégraphique en trois parties enchaînées (1912)