María de Buenos Aires marque le début d'une longue collaboration du maître du tango et du bandonéon Astor Piazzolla, avec le poète Horacio Ferrer.
C'est un long poème chanté, une oeuvre de tango nuevo écrite pour trois chanteurs, dont le narrateur El Duende. En plus de son quintette, Piazzolla a rajouté des instruments.
Musicalement, cet "operita" se détache du pur tango avec l'allongement des cordes, le traitement entraînant de la flûte traversière et surtout la richesse percussive.
Le xylophone et le vibraphone donnent à certaines orchestrations des accents de Bernstein et d'autres références vont vers le jazz et la valse, en plus du tango.
Dans cette nouvelle production, Yaron Lifschitz adapte l'oeuvre pour dix acrobates, deux danseuses, une chanteuse incarnant María et un chanteur, au lieu des deux habituels, pour interpréter la partie masculine.
Sur le plateau pivotant, un cadreur filme les personnages qui apparaissent à l'écran, en fond de scène, en alternance avec du texte et d'autres images.
L'histoire est celle María, ouvrière devenue chanteuse de cabaret, incarnant une allégorie du tango et sa capacité à se réinventer.
El Duende, personnage fantastique, convoque l'esprit de María, « née un jour où Dieu était saoul et de mauvais poil ». Il conte son destin, de l'enfance dans les faubourgs à la gloire dans les cabarets jusqu'à sa fin tragique dans une maison close.
Devenue ombre, María est condamnée à errer dans la nuit de Buenos Aires avant de réapparaître à l’aube en une nouvelle María, « qui est tout elle, mais pas entièrement ». Elle chante parfois, entrecoupant le récit d'El Duende.
Le texte de Ferrer est complexe, très imagé, avec une manière surréaliste dans la lignée de García Lorca
Malheureusement, il est plutôt sacrifié dans cette mise en scène : en lieu de sur-titre, la traduction s'affiche en fond de scène, tantôt sur-imprimée sur le texte espagnol, tantôt surgissant de part et d'autre de l'écran, voire de bas en haut.
Il est d'autant plus difficile à suivre que la scène est constamment en mouvement.
Outre que le plateau tourne, une dizaine d'acrobates bondissent et tournoient constamment. Ils sont extrêmement talentueux, que ce soit au sol, en portés ou en suspension avec un travail aux sangles, au trapèze et au ruban.
Malheureusement, il faut renoncer au texte pour apprécier leur prouesses alors que l'âme du récit réside dans le texte plus que dans de l'acrobatie, d'autant que Lifschitz a fait le choix de ne montrer aucun tango dansé.
Etourdie par tout ce mouvement, je n'ai pas pu me laisser emporter par le texte envoûtant ou le chant habité de Wallis Giunta et Luis Alejandro Orozco.
Il n'en reste pas moins que l'Opéra de Lyon nous a donné l'occasion d'entendre cette oeuvre rare en lui ouvrant sa programmation, ce qui laisse entrevoir d'intéressantes perspectives.
María de Buenos Aires - Opéra-tango, créé en 1968 à Buenos Aires - 1 h 40 - Joué en espagnol sur-titré en français.
Compositeur Astor Piazzola - Livret Horacio Ferrer
Direction musicale Valentina Peleggi
Mise en scène et décors Yaron Lifschitz - Compagnie Circa – Acrobates Compagnie Circa Danseuses Abril Diaz et Anna Romanova, du ballet de l'Opéra de Lyon
Costumes Libby McDonnell – Compagnie Circa
Lumières Lutz Deppe - Vidéo Yann Philippe
Musiciens Tango Ensemble Negracha
María Wallis Giunta (mezzo)
Narrateur Luis Alejandro Orozco (ténor)
Bandonéon William Sabatier - Piano Ivo de Greef - Guitare électrique Diego Trosman - Flûte Jocelyn Aubrun - Batterie Richard Héry
Nouvelle production - Coproduction les Nuits de Fourvière en partenariat avec la Compagnie Circa (Australie)
Théâtre, musique, danse, opéra, cirque... Les Nuits de Fourvière sont dévolues aux arts de la scène et s'attachent, depuis 1946, à faire coexister les disciplines.