Tout au long du périple autour la Sicile, j'ai été horrifiée par la quantité de détritus répandus partout. Dans les zones rurales, les bords de route sont jonchés de sacs et bouteilles en plastique, et de déchets divers. On voit même parfois des sacs poubelles entiers jetés dans les champs.
Parfois, ce sont des monceaux de sacs poubelle qui stagnent dans les rues en attendant d'être ramassés et des emballages vides abandonnés sur les bancs ou les rebords de fenêtre.
A ma grande tristesse, comme dans ma propre ville, nombreux sont les barbares qui répandent leurs cannettes, sachets et autres trognons, qu'il y ait ou pas une poubelle à proximité. La tendance est telle qu'après le nettoyage matinal, il suffit de quelques heures pour retrouver des cochonneries partout.
En Sicile, où les services publics sont à la dérive, ça devient alarmant. Les seuls endroits propres sont les stations balnéaires qui dépendent du tourisme.
A Palerme, j'ai vu cette lettre ouverte au Président de la République signée d'un "Papa d'une petite fille". Il exprime tout le malaise, l'amertume et la souffrance que lui causent l'état dans lequel se trouve Palerme et l'inertie dans laquelle sont tombés ses habitants.
"Ma fille est trop naïve pour faire la différence entre un droit et une faveur, trop innocente pour comprendre ce que signifie avoir mille cercueils en attente d'enterrement et, somme toute, trop petite pour subir les épreuves de ceux qui sont piégés chaque jour sur les routes parsemées de chantiers de construction sans fin, de trous et de ponts en ruine.
Une petite fille qui habite Palerme ne demande que des petites choses comme un toboggan, une balançoire, un espace pour faire du vélo sans risquer de se blesser, un endroit où elle n'est pas obligée de faire face à la dégradation qui avance inexorablement.
Nous savons tous que les derniers mois ont été dramatiques et demander une ville propre ou un terrain de jeu alors que le monde fait face à une crise sans précédent peut sembler presque insultant, pour ne pas dire scandaleux.
Mais dans ce climat de morne résignation, cela m'inquiète aussi que nos enfants ne soient plus capables d'être impressionnés devant les décharges et les sacs de déchets qui accompagnent le trajet de la maison à l'école : ils ne ressentent pas un iota d'agacement ou de dégoût. Ils les évitent sans un commentaire comme s'ils faisaient désormais partie du mobilier urbain, comme si c'était normal".
Le père anonyme s'élève contre ceux qui transforment une ville carrefour de cultures en égout de l'Italie et il souligne que le sentiment de défaite et de résignation qui contamine les enfants est un virus qui commence avec les adultes et se propage grâce à leur différence.
"Dans un moment où l'époque nous met à l'épreuve, la plus grande peur est de lancer dans le monde des générations de citoyens sans conscience critique, incapable de se battre et de changer les choses.
[...] Je voudrais que vous utilisiez votre autorité pour parler au cœur des habitants de Palerme, pour leur expliquer qu'il existe une alternative à la démission, que même Palerme peut retrouver de son ancienne splendeur.
Parlez à ceux qui pourraient changer les choses mais préfèrent changer de ville, et à ceux qui ne savent pas que s'ils le voulaient, avec très peu, ils pourraient changer les choses.
Apprenez-leur à aimer Palerme, à revendiquer des espaces propres et accueillants et à prendre soin du bien commun. Expliquez à ceux qui s'obstinent à marquer les rues, les places et les trottoirs avec leurs vices qu'un simple geste et de nombreuses petites actions quotidiennes peuvent aider à rendre propre l'image de cette terre. [...]
La ville de Syracuse, elle, avait des affiches incitant la population à plus de civisme quant au détritus.
Dans cette période de pandémie de covid-19, il n'est pas inutile de se souvenir que les maladies évoluent pour se propager, et que la vermine en est un vecteur qui s'épanouit dans les ordures.
Devrait-on attendre une nouvelle Grande peste ?