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Baronne Samedi

Broutilles paraissant le crésudi

Falstaff - Verdi/Kosky : un éclat de rire !

Publié le 17 Octobre 2021 par Baronne Samedi in Art et spectacles, Opéra, Opéra de Lyon

Il a 80 ans, Verdi, quand il déclare : « Après avoir sans trêve massacré tant de héros et héroïnes, j'ai finalement le droit de rire un peu. ». Comme il cherche une comédie à transposer en opéra, c'est son librettiste Boito qui lui apporte un sujet magnifique  : Falstaff !

Personnage comique de Shakespeare, ce  gentilhomme truculent, bien que personnage secondaire, avait remporté un succès inattendu. Glouton, paillard, menteur, Falstaff ne manque pas d'esprit pour tirer son épingle du jeu, jusqu'à ce qu'il aille trop loin...

©Monika Rittershaus

©Monika Rittershaus

L'argument est bien une comédie :

Sir John Falstaff doit trouver de quoi régler les dettes que lui vaut sa vie de sybarite.  Il décide de séduire deux riches bourgeoises en adressant à chacune la même lettre d’amour aussi ridicule qu’enflammée.

Découvrant la supercherie, Alice Ford et Meg Page font de Falstaff la victime d'une humiliante mascarade nocturne, tout en intriguant pour marier la jeune Nanetta à son amoureux Fenton, malgré l'interdiction du père.

Barrie Kosky fait de Falstaff un chef cuisinier et, en matière de farce, il n'y va pas avec le dos de la cuillère...

©Monika Rittershaus

©Monika Rittershaus

Christopher Purves, à peine rondelet, n'a pas été grimé pour arborer la célèbre panse mais ce qui est perdu en cliché est largement compensé par un formidable jeu de comédien.

Son Falstaff est un épicurien qui cuisine, tempête, danse et roucoule sans retenue, nous régalant d'une voix ample, capable de mille nuances, de la jubilation du glouton à la tristesse d'un homme vieillissant. 

Avec une mise en scène riches en effets visuels comiques, le rythme effréné nous entraîne dans un tourbillon de rire, comme le meilleur des vaudevilles.

Tout y est mis à contribution, des costumess loufoques aux perruques farfelues en passant par une avalanche de gâteaux. Moins réussie est la voix hors champ qui lit d'un ton suggestif des recettes de cuisine, entre certaines scènes, en gardant le public dans le noir. Le rythme s'en trouve rompu sans qu'on rie davantage.

©Monika Rittershaus

©Monika Rittershaus

Avec une musique endiablée, truffée de bruitages collant aux paroles, on apprécie une fois de plus le talent du chef Daniele Rustioni à mettre les voix en valeur. 

Le comique des serviteurs malmenés de Falstaff joue sur les contrastes : le Pistola d'Antonio di Matteo, très grand, livre un timbre caverneux tandis que le facétieux Bardolfo de Rodolphe Briand, se permet des effets de voix comiques et une gestuelle de clown, soutenus par une technique vocale impeccable.

©Monika Rittershaus

©Monika Rittershaus

©Monika Rittershaus

©Monika Rittershaus

Le malheureux Ford qui se croit cocu est superbement incarné par un  Stéphane Degout, qu'il soit le bourgeois offensé ou l'inénarrable imposteur, bellâtre en costume blanc et à perruque gominée, qui veut piéger Falstaff. Son baryton ample et élégant lui permet toutes les fantaisies.

©Monika Rittershaus

©Monika Rittershaus

Le ténor un peu nasal de Juan Francisco Gatell convient bien à l'amoureux Fenton, ici en culottes courtes, dont la chère Nanetta est incarnée par Giulia Semenzato qui nous offre un soprano délicieux.

Les bourgeoises qui intriguent pour leur bonheur et la chute de Falstaff ne sont pas en reste. Alice Ford, mutine et rusée, se déploie dans le soprano de Carmen Giannatasio, aidée par Meg qu'Antoinette Dennefeld sert bien quoique le rôle soit un peu ingrat.  Le trio est complet avec Mrs Quickly, interprétée avec beaucoup d'humour par la contralto Daniela Barcellona dont la grande taille donne une impression de travesti.

Meg, Alice, Nanetta et Mrs Quickly ©Monika Rittershaus

Meg, Alice, Nanetta et Mrs Quickly ©Monika Rittershaus

Au crépuscule de sa vie, Verdi a écrit un opéra d'une grande fraîcheur. Il y a parfois des passages si enlevés qu'on se dit qu'Offenbach n'a pas pu les manquer...

Si l'on n'est pas dans le bel canto, et s'il n'y a pas d'airs de bravoure, la narration est portée en toute fluidité par l'alternance des rôles, complétée de duos et quatuors, jusqu'au choeur final immense qui est la patte du compositeur.

Le mot de la fin "Tutto nel mondo e burla" est confirmé par les rires du public qui a chaudement applaudi cette délicieuse représentation.

©Monika Rittershaus

©Monika Rittershaus

Falstaff - Comédie lyrique en trois actes (1893) - En italien sur-titré - 2 h 30 avec l’entracte
Compositeur  Giuseppe Verdi - Livret Arrigo Boito d’après les Joyeuses Commères de Windsor et Henry IV de Shakespeare
Direction musicale  Daniele Rustioni
Mise en scène Barrie Kosky - Dramaturgie Olaf A. Schmitt

Décors et costumes Katrin Lea Tag - Lumières Franck Evin

Distribution :
Sir John Falstaff (baryton) Christopher Purves
Fenton, jeune gentilhomme (ténor) Juan Francisco Gatell
Ford, riche bourgeois (baryton) Stéphane Degout
Alice Ford (soprano) Carmen Giannattasio
Nanetta, fille des Ford (soprano) Giulia Semenzato
Docteur Caïus (ténor) Francesco Pittari
Meg Page (mezzo-soprano)
Mrs Quickly (contralto) Daniela Barcellona
Bardolfo, serviteur de Falstaff (ténor) Rodolphe Briand
Pistola, serviteur de Falstaff (basse)  Antonio di Matteo

Orchestre et Chœurs de l'Opéra de Lyon

Nouvelle production - Coproduction Festival d’Aix-en-Provence, Théâtre du Bolchoï, Komische Oper Berlin

Du 9 au 23 octobre 2021 à l'Opéra de Lyon.

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