Comme j'étais déçue de ne pas avoir pu voir l'intégralité du musée archéologique de Syracuse, j'escomptais bien une compensation en visitant celui de Palerme, qui est tout de même la capitale de la Sicile.
En arrivant devant le bâtiment, qui fut un monastère des Pères Philippins, il était d'ailleurs bien inscrit "Musée national" au fronton, comme une promesse d'orgie visuelle.
Pourtant, en fin de visite, j'ai trouvé que c'était beau mais bref. Après consultation, une gardienne m'a confirmé tout est là et que d'ailleurs, contrairement à ce que dit le fronton, c'est un musée régional et non national.
Heureusement, la promenade est plaisante, à commencer par la fontaine de la cour intérieure, dans laquelle s'ébattent des tortues.
Une aile est consacrée aux objets et fragments de temples recueillis sur le site de Sélinonte.
Les arulae sont de petits autels votifs transportables :
Cette borne votive de la première moitié du VIe siècle av. JC a été trouvée dans l'arrière-pays de Sélinonte dont les populations indigènes établirent rapidement des contacts avec la colonie grecque voisine et développèrent des échanges commerciaux.
Initialement, elle était probablemnt plantée dans le sol, mais a ensuite été réutilisée pour couvrir une tombe creusée dans la terre.
L'alphabet et le dialecte de l'inscription sont sélinontins. Le texte court de gauche à droite comme de droite à gauche ; la dernière ligne est à l'envers.
L'inscription témoigne du développement, dès l'époque archaïque, du culte d'Héraclès : « Je suis consacré à Héraclès ; j'ai été placé ici par Aristylos, fils d'Hermias ».
Datant de 560-550 av. JC mais réutilisés à la période hellénistique (IVe-IIIe s. av. JC) dans les murs de fortifications, ces métopes sont les plus anciens exemples documentés en Sicile et en Grande-Grèce.
Les métopes faisait partie de la frise qui courait à la base de la toiture des temples, alternant avec les triglyphes.
Elles se distinguent par un très bas relief, avec des figures originellement colorées, sculptées dans le calcaire tendre et compact de Menti, le matériau le plus couramment utilisé pour la sculpture sur pierre à Sélinonte.
La métope du Sphinx représente l'une des créatures mythologiques antiques les plus connues :
La métope suivante évoque l'enlèvement d'Europe par Zeus : le dieu, transformé en taureau, traversa à la nage la mer pleine de poissons après avoir ravi la belle princesse phénicienne.
Le relief de la Triade de Delian raconte l'épiphanie d'Apollon qui, jouant de la cithare, atteint sa mère Latone et sa sœur Artémis :
La métope du Quadrige représente un char en mouvement, dont l'attelage est mené par deux divinités diversement identifiées comme Héra et Athéna ou Déméter et Perséphone :
Les trois divinités de la métope suivante, avec d'amples robes et des coiffes de cérémonie, seraient :
- soit Déméter, Perséphone et Hécate,
- soit les Parques, qui étaient les filles de Zeus et de Thétis, dont le devoir était de tisser le fil du destin de chaque homme et de le couper définitivement, marquant sa mort,
- soit les Cariti, filles de Zeus et peut-être d'Héra, personnifications et dispensatrices de grâce et de beauté,
- soit Perséphone et deux compagnons cueillant des fleurs avant le viol de sa fille Déméter par Hadès.
Les métopes suivantes datent de 540-510 av. JC. De gauche à droite, elles montrent :
- Apollon sur un quadrige, côte à côte avec Léto et Artémis,
- Persée décapitant Méduse devant Athéna, suivi de la naissance de Pégase par le sang versé de la gorgone,
- Héraclès portant les Cercopes accrochés à une corge. Selon la légende, les Cercopes tentèrent de dérober les armes d'Héraclès pendant son sommeil. Le héros les captura et les pendit par les chevilles. La tête à l'envers, les voleurs virent le postérieur du héros, brûlé et noirci par ses combats : ils comprirent trop tard les propos de leur mère, qui les avait mis en garde contre le Mélampygos, c'est-à-dire "Celui aux fesses noires". Les Cercopes, se mettant à rire, brocardèrent le héros sur cette particularité anatomique au point qu'Héraclès finit par rire lui-même et par les relâcher.
La métope suivante, de 460-450 av. JC, représente Héraclès attaquant Hippolytè, reine des Amazones, pour lui voler sa ceinture.
Zeus et Héra fricotent amoureusement sur la métope suivante datée de 460-450 av. JC représentant leurs noces sacrées :
Le motif de la stèle suivante, du milieu du Ve s. av. JC est joliment ornemental, mais l'inscription dit : "Ce monument funéraire est dédié à Sélinis par son fils Dyonisos".
Ce qui suit est un dessin montrant le temple C, d'après les vestiges qui ont été retrouvés, et en particulier la tête de Méduse dominant la structure.
La statue colossale de Claude été restaurée par le sculpteur Valerio Villareale (1773-1854). A l'époque, l'identification du sujet était influencée par la présence, parmi les trouvailles appartenant à la même collection, d'une inscription en l'honneur de l'empereur Trajan.
Néanmoins, les caractéristiques du portrait ne laissent aucun doute quant à l'identification du sujet représenté comme Claude, empereur de 41 à 54 après JC.
Le sculpteur-restaurateur possédait seulement sept pièces originales en marbre. Villareale a utilisé du plâtre pour les ajouts. Grâce à une analyse précise des fragments disponibles et à l'expérience de l'artiste, il a été possible d'identifier le type exact de statue, assise sur un trône et semi-drapée représentée comme Jupiter, même si certaines erreurs soient visibles par les spécialistes.
Le Jeu de Phlyax était une forme de théâtre burlesque mélangeant les figures du panthéon grec avec les personnages grotesques et situations de la comédie nouvelle. Il s'est développé dans les colonies de la Grande-Grèce au IVe s. av. JC.
La petite tête à gauche de l'image serait une reproduction d'un masque de personnage.
A droite, le cartel suppose qu'il s'agit d'une marmotte sur une grappe de raisin. Les deux sont datées du IIe s. av. JC.
Les figurines ne manquaient pas d'humour, à voir cette truie habillée en Athéna, IIIe-IIe s. av. JC.
A droite, la panthère date du IIIe s. av. JC.
La statue colossale de Zeus sur un trône (IIe-Ie siècle av. JC) fut trouvée sur le site de l'ancienne cité de Solunto fondée par les Phéniciens au VIIe s. av. JC sur la côte nord.
Elle a été trouvée en fragments, avec les deux petites colonnes du trône, et remise à Valerio Villareale pour la reconstruction.
La sculpture représente le dieu assis sur un trône, les pieds posés sur un tabouret décoré de feuilles d'acanthe. Elle est en pierre calcaire, à l'exception du visage, des mains et des pieds, qui sont en marbre. Zeus est vêtu d'un himation (manteau sans manches) et d'un chiton (tunique sans manches).
La position du bras droit est le résultat possible du remaniement effectué par Villareale, tandis que la main gauche tenait probablement un sceptre.
Des restaurations récentes et des analyses scientifiques ont ajouté des informations précieuses sur la technique de réalisation et sur l'utilisation de la polychromie qui caractérisait la sculpture, en soulignant également les traces de métal précieux à l'intérieur de deux trous visibles sur le chiton.
Le torse suivant a été retrouvé par des pêcheurs sur la côte ouest.
La statue devait mesurait autour de 2,40 m. Bien que réalisée localement, comme en témoigne la calcarénite locale, elle porte un chendjit et présente un schéma iconographique de type égyptien déjà connu à travers d'autres artefacts.
En raison de ses caractéristiques stylistiques, elle fait partie du panorama de l'art phénico-chypriote de la période archaïque (VIe siècle av. JC).
Le site du placement originel de la statue n'est pas connu mais certaines découvertes d'éléments architecturaux dans les eaux du Stagnone permettent l'hypothèse de l'existence d'un petit temple de type égyptien dans lequel la sculpture aurait été placée.
Une pause dans le calme de la cour intérieure est bienvenue avant de replonger dans le tumulte de Palerme.
J'ai commandé sans honte un capuccino puisque nous sommes le matin, encore que les Italiens qui n'en consomment qu'au petit-déjeuner, dans un bar uniquement, et toujours debout au comptoir, avec souvent un cornetto, c'est-à-dire un croissant.