Si la quintessence du vaudeville est le chassé-croisé du mari, son épouse et l'amant, Feydeau y a ajouté une dimension plus satirique pour brocarder le milieu bourgeois qu'il connaît bien. Dans On purge bébé, la farce déjà acerbe quant à la relation conjugale, se voit doter d'une nouveauté pour l'époque : un enfant insolent qui fait tourner ses parents en bourrique.
Ainsi donc, M. Follavoine, un fabricant, invite M. Chouilloux, fonctionnaire influent qui doit statuer sur l’acquisition par l’armée française de pots de chambre. Pour mettre toutes les chances de son côté, il convie également Mme Chouilloux et son amant, dont seul M. Chouilloux ignore qu'il n'est pas réellement son "cousin". Les plans de Follavoine vont vite se retrouver contrariés d'autant que son épouse, fort peu vêtue surgit mal à propos pour débattre de la purge qu'il faut administrer au petit Toto....
J'avoue que ce n'est pas ma pièce préférée de Feydeau mais j'avais une bonne raison d'y retourner : Emeline Bayart, que j'avais découverte comme comédienne dans le Bourgeois Gentilhomme mis en scène par Denis Podalydès. Elle donnait une belle épaisseur à Madame Jourdain malgré la brièveté du rôle.
Pour lui avoir écrit un mot d'admiration, j'avais eu la bonne surprise qu'elle me répondît et m'apprît être également metteuse en scène pour cette pièce de Feydeau.
J'ai donc décidé de revoir On purge Bébé, bien que je prise fort peu la double peine de la scatologie et du sale gosse.
Heureusement, menée à un rythme d'enfer, la mise en scène fait passer le tout en soulignant les échanges inénarrables de l'époux gonflé d'importance et sa femme dépourvue du sens des convenances.
Emeline Bayart elle-même incarne une Madame Follavoine déjantée avec des mimiques dignes d'un dessin animé. Au milieu de ce tourbillon, quand arrive le fameux Monsieur Chouilloux, on atteint des sommets grâce à un Manuel Le Lièvre d'un naturel si stupéfiant qu'on l'imagine mal n'être pas l'homme lui-même.
Mais ce qui fait sortir cette mise en scène du lot, c'est que Bayart a eu la bonne idée de rétablir les couplets chantés dont l'usage s'était perdu dans le vaudeville depuis 1864.
"[...] lorsque les différents protagonistes cessent de dialoguer au risque de s’entretuer, j’ouvre une sorte d’antichambre métaphorique à travers laquelle ils peuvent dire au public, par le biais de la chanson, tout ce qu’ils ne peuvent pas dire à l’autre."
Pour respecter le registre de langage, elle a choisi des chansons écrites autour de l’époque de Feydeau.
Ce sont des chansons lestes et peau-de-vache qu'il ne faut pas manquer. La première, en ouverture, donne le ton : une ode à la Tour Eiffel pleine d'allusions grivoises qu'Emeline Bayart interprète avec un talent de chanteuse affiné à l'Opéra-Comique. Les autres ne déméritent pas, et les masques du public n'empêchaient pas les éclats de rire.
J'espère un jour pouvoir assister à un récital-cabaret que donne justement Bayart car son jeu convient à merveille à ces perles d'ironie.
Auteur Georges Feydeau (1910) - Durée : 1 h 15
Mise en scène Emeline Bayart - Dramaturgie Violaine Heyraud
Assistant à la mise en scène Quentin Amiot
Scénographie et costumes Charlotte Villermet
Lumières Joël Fabing
Arrangements musicaux et jeu au piano Manuel Peskine
Avec
Emeline Bayart : Mme Follavoine
Eric Prat : M. Follavoine
Manuel Le Lièvre : M. Chouilloux
Valentine Alaqui : Toto
Delphine Lacheteau : Mme Chouilloux
Thomas Ribière : M. Truchet
Production déléguée En Votre Compagnie / Coproduction Théâtre Montansier/Versailles, Théâtre Firmin Gémier – La Piscine, En Votre Compagnie, Théâtre de l’Atelier / Avec l’aide de la Région Île-de-France / Avec le soutien de l’Espace Sorano, SPEDIDAM et ADAMI / Avec la participation artistique du Studio d’Asnières-ESCARemerciements LS Art et création Limoges (pour les pots de chambre), L’Atelier de costumes du Studio d’Asnières (prêt de quelques éléments de costumes), Jean_Marc Hennaut directeur Technique du T2G Gennevilliers (lieu de construction)