En 1994, le séisme de Los Angeles causa une panne électrique qui plongea la région dans une obscurité totale. Sans lumière parasite, les habitants observèrent pour la première fois un ciel brillamment étoilé. Une victime témoigna : "I was looking at the ceiling and then I saw the sky" (Je regardais le plafond, et puis j'ai vu le ciel).
C'est cette image qui donna l'idée d'une pièce chantée au compositeur John Adams jusqu'alors plutôt héritier du courant minimaliste américain.
De manière assez décousue, le livret de June Jordan expose les destins croisés de sept personnages très différents, avec en fil rouge le thème de l'amour.
On les découvre au premier acte, pris dans leurs certitudes puis, après le tremblement de terre, ébranlés dans leurs convictions.
Dewain, le petit voyou, aime Consuelo, réfugiée salvadorienne ; David, le révérend, trompe allègrement sa femme Leila ; Mike, le policier, est un homosexuel refoulé, que tente en vain de séduire Tiffany, une journaliste alors que c'est Rick, l'avocat, qui pourrait bien révéler Mike à lui-même...
La musique enchaîne une vingtaine de numéros, mêlant habilement jazz, ballade lyrique, funk, soul, blues et rythmes latino-américains. Adams semble lorgner du côté de Weill et Gershwin, et les chanteurs ont tous relevé magistralement le défi de passer d'un genre à l'autre.
Christian Joel met en oeuvre un ténor canaille et terriblement séduisant pour interpréter le révérend dévoyé et le jeu d'acteur d'Aaron O’Hare donne de l'épaisseur au policier perturbé.
Le parlé-chanté est souvent agaçant, avec beaucoup de répétitions. Biao Li est à l'aise dans l'exercice, quand il délivre son plaidoyer d'avocat, pourtant juché sur des escarpins à hauts talons semblant le définir comme transgenre.
Malgré tout, un texte dit aurait été plus intéressant pour définir les personnages, d'autant que le livret aborde des thèmes comme l'homophobie, les violences faites aux femmes, les abus policiers, le racisme...
Heureusement, la musique est très enlevée, sous la baguette de Vincent Renaud, avec quelques belles chansons.
Il y a en outre d'amusant passages truculents, dont le numéro très explicite sur le désir porté par les talentueuses Clémence Poussin, Axelle Fanyo et Louise Kuyvenhoven
Le décor à deux niveaux est intéressant : en bas, à gauche, une église, au milieu l'orchestre et à droite, un tribunal. En haut, un salon, une chambre et une salle carrelée faisant office de toilettes, de clinique ou de cellule de prison, au gré de l'histoire.
Par effet de lumières et avec les déplacements des chanteurs, la mise en scène est très vivante, avec en prime une pluie de gravats lors du tremblement de terre. Sans oublier le chien.
Le tout gagnerait à être un peu condensé car la minceur du propos ne justifie pas deux heures. Le livret n'est pas du Racine et ça ne m'aurait pas déplu que les chanteurs de l'Opéra de Lyon puissent enchaîner plus vite leurs partitions.
Néanmoins, une partie du public s'est levée pour applaudir, donc le succès est au rendez-vous.
Du 13 au 23 février 2020 au Théâtre de la Croix-Rousse.
I Was Looking at the Ceiling and Then I Saw the Sky - Pièce chantée en deux actes, 1995
Compositeur : John Adams - Livret : June Jordan
Mise en scène : Eugen Jebeleanu - Dramaturge : Yann Verburgh
Décors et costumes : Velica Panduru - Lumières : Marine Le Vey
Direction musicale : Vincent Renaud
Solistes du Studio de l’Opéra de Lyon
- Chant : Alban Zachary Legos Dewain, le voyou, Clémence Poussin Consuelo, réfugiée, sa compagne, Christian Joel David, le révérend, Axelle Fanyo Leila, sa femme Aaron O’Hare Mike, le policier Biao Li Rick, l'avocat Louise Kuyvenhoven Tiffany, la journaliste.
- Instruments : Elsa Loubaton clarinette, José Carlos Garcia Bejarano saxophone, Corentin Quemener percussions, batterie, Sylvaine Carlier, Hiroko Ishigame, Graham Lilly clavier, Nicolas Frache guitare électrique, Michel Molines contrebasse, basse électrique
Durée : 2 h 00