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Baronne Samedi

Broutilles paraissant le crésudi

Une femme sous influence - Cassavetes/Lefebvre & Collectif X

Publié le 25 Janvier 2020 par Baronne Samedi in Art et spectacles, Théâtre, Oullins

Une femme sous influence (A woman under the influence), sorti en 1974, est un film de John Cassavetes, choisi en 1990 pour être conservé au National Film Registry des États-Unis comme étant "culturellement, historiquement ou esthétiquement significatif".

Les rôles principaux étaient magistralement interprétés par Peter Falk et Gena Rowlands.

Pourtant, le film eut des débuts difficiles. D'abord écrit pour le théâtre, le projet dut être repensé pour l'écran. En effet, Gena Rowlands avait bien demandé la création de ce rôle mais son intensité lui fit sentir qu'elle ne pourrait pas le jouer plusieurs fois par semaine. 

Boudé par les producteurs, le film fut tourné avec des bouts de ficelle et se fit connaître via des écoles de cinéma et de petits festivals, porté par Cassavetes et Falk qui venaient en personne le présenter au public.

Peter Falk et Gena Rowlands, dans le film de 1974

Peter Falk et Gena Rowlands, dans le film de 1974

Mère au foyer, Mabel aime Nick, son mari, très pris par son travail de chef de chantier. Elle veut désespérément lui plaire, autant qu'à ses enfants qu'elle adore et qui le lui rendent bien. Mais Mabel a une personnalité exaltée, avec de brusques changement d'humeur qui dérangent Nick.

En filigrane, on sent leur amour mutuel mais aussi l'incapacité de Nick à exprimer des sentiments.

Béatrice Venet dans le rôle de Mabel (c) Maud Lefèbvre

Béatrice Venet dans le rôle de Mabel (c) Maud Lefèbvre

Après quelques épisodes de lubie, Nick est convaincu que Mabel va très mal, et la fait interner pour être soignée. Laissé seul avec ses enfants, il se révèle ni plus sage ni meilleur que sa femme dans ses rapports avec eux et son entourage.

Quand Mabel revient à la maison, elle n'est pas prête, ni émotionnellement ni mentalement, pas plus que ne l'est son mari.

Ils sont sur le fil du rasoir et la suite se joue dans les dernières secondes de la pièce...

Une femme sous influence - Cassavetes/Lefebvre & Collectif X

Dans le film, la caméra s'attardait beaucoup sur les visages, en gros plan, pour capter les moindres nuances d'expression du couple en difficulté.

C'est donc un vrai défi que s'est donné Maud Lefebvre en tentant la version théâtrale :

"Mabel est-elle folle ? C’est ce que le récit laisse longtemps croire. Et puis on découvre à quel point une certaine configuration du couple produit cette folie. Cette histoire très simple, mais assez vertigineuse, est servie par une intensité de jeu exceptionnelle. En tant que comédienne passée à la mise en scène, je suis en recherche de cette intensité. J’ai le désir de proposer une telle partition à des comédiens, de chercher avec eux comment atteindre cette puissance."

La représentation de ce soir a confirmé la réussite de l'adaptation.

Dans une atmosphère intime, sculptée par l'ombre et les lumières changeantes, l'espace de jeu est placé tel un fleuve entre deux rives de spectateurs.

La dérive du couple y est portée par les éléments de décors mouvants qui alternent au gré de l'histoire, avec leur éclairage propre, sur une bande sonore très évocatrice.  

Moments de solitude, scènes en famille braillarde, baisers désespérés... La proximité nous happe tels des voyeurs, et nous prend même comme complices de l'erreur de Nick quand il veut une grande fête pour célébrer le retour de sa femme, après six mois d'internement psychiatrique.

Béatrice Venet, intense et sensible, incarne toutes les dimensions de Mabel, autant désemparée que farfelue. Pour qui connaît le film, on retrouve les maniérismes de Gena Rowlands mais, comme dans une partition, le script doit comporter des indications de jue.

Les décors pivotants donnent une vision complète des acteurs, comme lorsqu'au cinéma la caméra en fait le tour. Le Collectif X porte bien son nom car la mise en place est parfaite.

Une femme sous influence en format théatral est un essai réussi qui fait attendre impatiemment les futures créations de Maud Lefebvre.

Maud Lefebvre

Maud Lefebvre

Originaire de Lille, Maud Lefebvre intègre en 2009 l’École Nationale Supérieure d’Art Dramatique de La Comédie de Saint-Etienne. En 2013, elle co-fonde le Collectif X avec les autres élèves de sa promotion, au sein duquel elle travaille activement depuis.

Tour à tour comédienne et metteuse en scène, elle signe en 2014 son premier spectacle : Cannibale. Par la suite, elle écrit et met en scène Maja en 2018.

Son travail s’axe majoritairement sur l’écriture « cinématographique » au plateau. Elle est actuellement artiste associée au Théâtre de La Renaissance d’Oullins pour trois saisons.

Du 21 au 25 janvier 2020 au Théâtre de la Renaissance d'Oullins.

Adaptation théâtrale du film Une Femme sous influence de John Cassavetes (1974) - 1 h 40

Adaptation, mise en scène Maud Lefebvre
Décors, accessoires, costumes Maud Lefebvre, Julie Laborde, Julien Leonhardt
Lumières Mireille Dutrievoz - Arrangements piano Renaud Bechet
Régie générale Guy Catoire -Régie plateau Clément Fessy
Régie lumières Mireille Dutrievoz en alternance avec Solange Dinand
Régie son Yann Lamercerie - Machinerie Tristan Gouaillier, Manko Diaz Florian
Construction décors Ateliers de La Comédie de Saint-Étienne

Avec Béatrice Venet, Nikola Krminac, Renaud Bechet, Marie-Danielle Mancini, Guy Dechesne, Sacha Rouch et Gaspard Foucault en alternance avec Margot Dutheil et Robin Bolomier, Maud Lefebvre, Guy Catoire, Clément Fessy, Tristan Gouaillier, Manko Diaz Florian, et la participation de Fabien Ballester, Noam Mouhib, Cristiano Rodrigues, Christine Geny en alternance avec Maria Canon

Production Collectif X, coproduction Théâtre de la Renaissance – Oullins Lyon Métropole, La Comédie de Clermont-Ferrand – scène nationale, La Comédie de Saint-Étienne – Centre dramatique national.
Avec le soutien du Ministère de la Culture/DRAC Auvergne-Rhône-Alpes, de la Région Auvergne-Rhône-Alpes, du Département de la Loire, de la Ville de Saint- Étienne, et de l’Adami.
Remerciements au Théâtre du Soleil pour son prêt de matériel.

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