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Baronne Samedi

Broutilles paraissant le crésudi

Ludique - Jouer dans l'Antiquité

Publié le 26 Octobre 2019 par Baronne Samedi in Art et spectacles, Exposition, Lyon, Musée

Le Musée gallo-romain de Lyon a présenté une jolie exposition sur le jeu dans l'Antiquité, avec des collections archéologiques uniques issues de musées français et étrangers.

Ludique - Jouer dans l'Antiquité

L'enfant joue en utilisant des ressorts ludiques qui sont liés à sa croissance intellectuelle et physique.

Les jouets doivent donc répondre aux besoins de chaque étape : hochets et jouets sonores de la petite enfance ; jouets pour les débuts de la marche, à pousser et à trainer ; poupées et dînettes ; jouets pour exercer sa force et son adresse (osselets, noix, billes, balles, cerceau...).

Hochets en forme de garçonnet (Ie s. ap. JC) et d'enfant au berceau (Ve s. av. JC )

Hochets en forme de garçonnet (Ie s. ap. JC) et d'enfant au berceau (Ve s. av. JC )

«Il faut considérer comme une belle invention le hochet d'Archytas que l'on donne aux petits enfants pour que, grâce à lui, ils ne cassent rien dans la maison, car la gent enfantine n'est pas capable de rester tranquille.»

Aristote - "Politique" - IVe s. av. J.C.

Aristote attribue à Archytas de Tarente l’invention du hochet. La découverte ne concerne cependant pas l’objet, mais le concept qui détermine son usage.

Elle prend tout son sens à la lumière de la dimension éducative de la musique prônée par le pythagoricien et ses contemporains.

Dans le monde grec, les hochets représentent souvent un enfant au berceau. Des exemplaires ont l'apparence d'un cochonnet, animal lié à des rites de fécondité.

Hochet en argent, époque romaine

Hochet en argent, époque romaine

Loin d’être un simple objet ludique, « le hochet d’Archytas » participe pleinement au processus de « fabrication de l’humain » qui transforme par étapes le tout-petit en être social en Grèce ancienne.

Le rythme et la musique structurent l’âme de l’enfant, en le détournant d’activités désordonnées qui font prendre de mauvaises habitudes. Son usage témoigne du souci d’entourer le tout-petit de soins adaptés à son âge dès la naissance.

Il s’inscrit aussi dans une gamme de soins qui inclut les berceuses et visent à assurer une croissance en bonne santé.

Il associe l’apprentissage de la propreté, de la marche, des rites religieux de la cité, à la formation de l’âme par le rythme musical du hochet.

Bélier en terre cuite - Epoque gallo-romaine

Bélier en terre cuite - Epoque gallo-romaine

Des hochets romains ont aussi la forme d'animaux, comme le coq, emblème de courage, ou le bélier, associé à Mercure, patron des enfants.

Coq en terre cuite -  Ie s. ap. JC

Coq en terre cuite - Ie s. ap. JC

Moineau en terre cuite -  Ie s. ap. JC

Moineau en terre cuite - Ie s. ap. JC

On voit ci-dessous le bracelet en bronze de la tombe d'un enfant de deux à trois ans à Rouen portant, enfilés, une clochette, cinq monnaies percées, une perle de verre et deux défenses de sanglier.

Il constitue une autre sorte de hochet dont le son et la matière devaient à la fois distraire et protéger de tout mal.

Ludique - Jouer dans l'Antiquité

Dans le monde grec, des garçons, ainsi que quelques filles, sont représentés jouant à tirer ou pousser un bâton muni de roulettes parfois réunies par une planchette qui sert à promener un objet ou un animal. 

Sur les chariots de plus grande taille, l'enfant peut être tiré par un compagnon de jeu ou un animal. Ce type de jouet semble avoir constitué l'un des cadeaux offerts lors de fêtes religieuses.

Ludique - Jouer dans l'Antiquité
Ludique - Jouer dans l'Antiquité
Ludique - Jouer dans l'Antiquité

A l'époque romaine, des ateliers de potiers ont fabriqué des chevaux à roulettes en terre cuite, sellés et parfois montés d'un cavalier.

Un trou dans les naseaux permet d'y passer une cordelette pour tirer le jouet.  Les enfants plus grands possêdent de véritables petits chars tirés par des chèvres ou des poneys

Ludique - Jouer dans l'Antiquité
Ludique - Jouer dans l'Antiquité
Ludique - Jouer dans l'Antiquité

Les poupées grecques et romaines qui nous sont parvenues représentent des femmes adultes aux formes marquées.

Les poupées grecques ont les bras et jambes articulés au niveau des hanches et des épaules. Les poupées romaines les plus luxueuses sont aussi articulées au niveau des coudes et des genoux.

Ces figurines ne sont pas de simples jouets mais des doubles qui représentent la séduction de la mariée et renvoient au destin féminin : devenir épouse et mère.

Si la fillette décédait avant d'accomplir son destin, on plaçait la poupée dans sa tombe.

Poupée articulée en os - 200-250 ap. JC

Poupée articulée en os - 200-250 ap. JC

Poupée articulée en os - IIe s. ap. JC

Poupée articulée en os - IIe s. ap. JC

Poupée articulée en ivoire - IVe s. ap. JC

Poupée articulée en ivoire - IVe s. ap. JC

Des centaines de poupées proviennent de sanctuaires de divinités qui président au mariage.

Le sommet de leur tête est parfois perforé afin de les suspendre.

Ces poupées devaient faire partie des objets personnels que les jeunes filles dédiaient à la veille de se marier.

Ludique - Jouer dans l'Antiquité
Ludique - Jouer dans l'Antiquité
Ludique - Jouer dans l'Antiquité

Les tombes de jeunes filles renferment parfois le nécessaire miniature d'une mariée, complété par une poupée qui est son double.

Cette figurine trouvée sur le site de Myrina, en Asie Mineure, est exceptionnelle. Seuls deux autres exemplaires similaires sont connus.

Elle représente une femme enceinte, humaine ou divine, ornée de bijoux, trônant, coiffée d'une haute couronne qui était dorée.

Figurine en terre cuite - Ie s. av. JC

Figurine en terre cuite - Ie s. av. JC

Quelques dînettes en plomb ou en étain, plus rarement en argent, proviennent aussi de tombes de jeunes filles. Comme les poupées, ces objets pourraient évoquer en miniature le nécessaire de l'épousée, offert aux dieux à la veille du mariage.

Des pièces de dînette du même type ont été retrouvées dans le sanctuaire de Vénus à Terracina (Italie).

Ludique - Jouer dans l'Antiquité

Des pantins aux membres mobiles d'époques hellénistique et  romaine représentent des danseurs, acrobates, soldats et musiciens. Seuls les  exemplaires en terre cuite ont survécu.

Selon Diodore de Sicile, le roi Antiochos IX de Cyzique (fin du IIe s. av. JC) aurait eu une passion pour de grandes marionnettes en or et en argent qu'il aimait manipuler lui-même.

Des jouets mécaniques plus complexes ont aussi ébloui petits et grands, comme la colombe volante en bois inventée par Archytas de Tarente, homme politique, philosophe, mathématicien et inventeur (vers 435-347 av. J.-C.).

Ludique - Jouer dans l'Antiquité
Ludique - Jouer dans l'Antiquité
Ludique - Jouer dans l'Antiquité

En grandissant, garçons et filles exercent leur adresse avec des jeux auxquels ils s'amusent seuls ou le plus souvent en groupe : toupies, noix, billes, cerceaux, balles...

Ces jeux apprennent à gagner ou à perdre, à gérer les émotions, et constituent un des premiers apprentissages de la vie sociale.

Ludique - Jouer dans l'Antiquité
Ludique - Jouer dans l'Antiquité

Les noix allient jeu et gourmandise pour les jeunes enfants puisqu'ils peuvent, à la fin, manger les noix gagnées... quand elles ne sont pas en terre cuite.  

Dans Le Noyer, Ovide transmet plusieurs règles de devinettes (pair ou impair) ou de lancer (le delta, tropa). Le jeu le plus complexe consiste à démolir des châteaux de noix en les visant avec d'autres noix.

Les enfants inventaient probablement des variantes, comme avec les billes, mais leurs règles appartiennent à un patrimoine immatériel qui ne s'est pas transmis.

Ludique - Jouer dans l'Antiquité
Ludique - Jouer dans l'Antiquité
Ludique - Jouer dans l'Antiquité
Ludique - Jouer dans l'Antiquité
Ludique - Jouer dans l'Antiquité

Les jeux de balles sont des jeux d'équipe très populaires, qui se jouent à deux, trois ou plus encore. Cette passion est partagée par tous, filles et garcons, enfants et adultes.

Les règles varient selon la taille, le rebond et la dureté des balles. Elles sont faites de différents matériaux (bandes de tissu, cuir) et bourrées de paille, poils ou plumes. Les Romains en décrivent plus de cinq sortes (paganica, harpastum, trigonalis... ).

Ces jeux peuvent être pratiqués dans un sphaeristerium, un bâtiment associé à certains thermes.

Ludique - Jouer dans l'Antiquité
Ludique - Jouer dans l'Antiquité
Ludique - Jouer dans l'Antiquité

Le cerceau en bois ou en métal, est actionné par un bâton droit ou recourbé.

Il est réservé à l'entraînement physique des garçons qui s'exercent en Grèce dans le gymnase et à Rome sur le Champ de-Mars, lors de concours sportifs réservés aux jeunes gens de l'élite. 

Ludique - Jouer dans l'Antiquité

De nombreux jeux ne nécessitent pas de matériel spécial : on joue à la mourre, on fait des acrobaties, on joue à tenir un bâton en équilibre sur le bout du doigt, à faire des ricochets, à prétendre galoper sur un cheval, à construire des maisons dans le sable... Les jeux sont encouragés car ils révèlent des compétences utiles dans le futur.

L'éphédrismos ou "jeu du porteur" se pratiquait à deux, toujours entre jeunes du même sexe en raison des contacts physiques très étroits.

Selon la règle, les joueurs commencent par lancer une pierre en visant un but. Celui qui le rate doit porter le gagnant sur son dos.

Le "cavalier" cache alors les yeux de son "cheval" qui doit tenter de toucher le but du pied.

Ludique - Jouer dans l'Antiquité
Ludique - Jouer dans l'Antiquité
Figurine en terre cuite - IVe s. av. JC

Figurine en terre cuite - IVe s. av. JC

Lécythe en terre cuite - 330-320 av. JC

Lécythe en terre cuite - 330-320 av. JC

Ludique - Jouer dans l'Antiquité
Ludique - Jouer dans l'Antiquité

Le dé cubique à 6 faces existait déjà en Grèce ancienne. Chaque face et son opposé totalisent le chiffre 7 : 1-6, 2-5, 3-4.  L'invention en était souvent attribué par les Anciens à un Grec, Palamède. Lors de la guerre de Troie, le jeu aurait ainsi distrait ses compagnons en les aidant à supporter l'attente du combat.

A l'époque romaine, les jeux de dés sont répandus dans toutes les couches de la société, de l'esclave à l'empereur.

Les dés grecs et romains sont fabriqués dans différents matériaux. Les moins coûteux sont en os, les plus précieux en ivoire, en métal (argent, or) et même en ambre.

Jouer aux dés semble avoir été principalement une occupation d'adultes. Les enfants préféraient utiliser les osselets comme dés à quatre faces. Leurs enjeux étaient différents : de l'argent pour les adultes, des osselets ou des noix pour les enfants. 

Ludique - Jouer dans l'Antiquité

La forme particulière de certains dés est peut-être liée à des expériences mathématiques comme le calcul de probabilités.

Les dés permettent à la volonté divine de se manifester. Alea jacta est : " Allons où nous appellent les signes des dieux [...], les dés sont jetés..." aurait dit César en franchissant le Rubicon (Suétone, Vie de César, 32).

Les dés et polyèdres inscrits de lettres de l'alphabet grec ont été probablement utilisés dans la divination par les nombres.

A chaque lettre correspond une valeur numérique (alpha 1, bêta 2, kappa 20...) selon un système de numération alphabétique mis en place au Ve s. av. JC

Ludique - Jouer dans l'Antiquité
Ludique - Jouer dans l'Antiquité

L'empereur Claude aurait écrit un traité, aujourd'hui perdu : L'Art de jouer aux dés.

Plusieurs indications se trouvent dans les sources antiques sur la manière de jouer. Des auteurs mentionnent le jeu du coup le plus haut, pratiqué avec trois dés où il fallait obtenir six ou trois fois six, tout en évitant trois fois un, les« chiens désastreux», pour gagner.

Associés à la tromperie, aux disputes et au désordre social, les jeux de dés avec pari d'argent n'étaient autorisés que pendant la fête des Saturnales (17-24 décembre) mais ils furent toujours pratiqués en dépit des interdictions.

On obtenait des dés pipés en les remplissant de limaille de plomb ou en truquant la répartition des points.

Ludique - Jouer dans l'Antiquité
Ludique - Jouer dans l'Antiquité

Les turriculae, étaient de petites constructions en forme de tour, dans lesquels on jetait les dés qui dégringolaient un escalier sans tromperie possible.

Turricula en bronze - 370-380 ap. JC

Turricula en bronze - 370-380 ap. JC

De nombreux jeux de pions, de poursuite ou de capture, existaient dans l'Antiquité. On y jouait avec ou sans dé, sur un plateau en bois ou en pierre, un schéma dessiné par terre ou gravé sur le sol en marbre de la ville.

Chez Ovide, l'art d'y jouer fait partie des stratégies de séduction conseillées à une femme.

Il semble par contre que seuls les hommes y jouaient en public. Les enfants ne pratiquaient pas ce genre de jeu.

Jeu des douze lignes -  Ie-IIIe s. ap. JC

Jeu des douze lignes - Ie-IIIe s. ap. JC

Ludique - Jouer dans l'Antiquité
Ludique - Jouer dans l'Antiquité

Les osselets, ou astragales, tirés de la patte arrière du mouton, de la chèvre ou du bœuf, sont utilisés comme des dés.

Chaque face a une valeur (1, 3, 4, 6) et un nom. Les valeurs sont disposées comme pour les dés, les totaux des deux faces opposées étant égales à 7 (1-6, 3-4). On joue d'ordinaire avec quatre osselets pour obtenir le plus grand nombre de points.

Quatre osselets permettent d'obtenir 35 différentes combinaisons, dont certaines portent les noms de dieux, de héros, de rois ou de personnes célèbres. Dans pleistobolinda,  "le jeu du coup le plus haut", le joueur qui a obtenu le plus grand nombre de points remporte les osselets de l'adversaire.

La situation peut être renversée en lançant un deuxième osselet sur le premier pour le faire tourner et obtenir un meilleur résultat.  

Ludique - Jouer dans l'Antiquité

Les osselets et les dés ont été couramment utilisés dans des pratiques divinatoires.  Les dieux conduisent la main de celui qui les lance et sont responsables du résultat.

Palamède aurait dédié le dé de son invention à Argos, dans le sanctuaire de Tychê, la Fortune.

Ludique - Jouer dans l'Antiquité

La tête aux traits d'Héraclès ci-dessous est une boîte à osselets découverte dans la nécropole hellénistique de Myrina. Les six osselets miniatures ont peut-être servi à consulter le dieu, comme le décrit Pausanias dans le Péloponnèse :

«Il y a dans cette caverne un oracle qui fait connaître l'avenir par le moyen  d'un tableau et d'osselets. Celui qui veut le consulter, adresse d'abord des prières à la statue d'Heraclès, il prend ensuite des osselets, qui sont toujours en très grand nombre devant cette statue, il en jette quatre sur la table puis va chercher l'explication du coup sur le tableau, où tous les différents coups d'osselets sont représentés, avec l'explication de ce qu'ils prédisent.»  

Pausanias VII, Description de la Grèce - 25, 10

Boîte en forme de tête d'Héraclès avec clapet coulissant à l'arrière, terre cuite - 75-25 av. JC

Boîte en forme de tête d'Héraclès avec clapet coulissant à l'arrière, terre cuite - 75-25 av. JC

Le type de jeu et sa signification varient selon l'âge et le sexe du joueur. 

Ci-dessous sont exposés des exemples étonnants. De gauche à droite :

  1. Osselet en forme de nain - Or, Egypte, IIe- Ie s. av. JC
  2. Dé en forme de femme - Cuivre, Ie-IIe s. ap. JC
  3. Osselet en forme d'homme - Ivoire, époque romaine
Ludique - Jouer dans l'Antiquité

Les joueurs manifestent le privilège social de passer du temps à jouer entre amis dans l'espace public, où se déroule la vie politique, sous les colonnades ombragées qui bordent les grandes places ou les avenues de la ville, dans les bains, sur les marches de temples ou les gradins de théâtres.

On joue également beaucoup dans les tavernes et dans les camps de légionnaires.

Ludique - Jouer dans l'Antiquité

En jouant en public, les joueurs mettent en évidence leurs compétences personnelles : le bon joueur ne se laisse jamais décontenancer, ni par la perte d'argent, ni par un mauvais coup de dés, ni par la victoire, ni par la défaite.

Sur les plateaux de jeu, des inscriptions le rappellent : celui qui chante victoire quand il gagne et pleure quand il perd est un mauvais joueur, et celui qui ne sait pas perdre n'a qu'à partir.

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