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Baronne Samedi

Broutilles paraissant le crésudi

Guillaume Tell - Rossini/Rustioni/Kratzer - Opéra de Lyon

Publié le 14 Octobre 2019 par Baronne Samedi

Bouleversant, galvanisant... c'est un morceau de bravoure que l'Opéra de Lyon nous permet de découvrir en ce moment. 

Avec Guillaume Tell, Rossini signait à 37 ans son dernier opéra. Dans ce nouveau registre politique, loin de l’opéra bouffe, il créait là une ode à la résistance et à la liberté qui fit l'admiration du jeune Wagner.

Si, comme moi, vous n'en connaissiez que le fameux quatrième mouvement de l'ouverture, galopez à l'opéra pour voir l'oeuvre entière car la richesse de la partition mérite d'être entendue.

Rossini fut inspiré par le héros helvète, Guillaume Tell. Selon le folkore, il était un habile albalétrier qui, au XIVe siècle, refusa de s’incliner devant le symbole des occupants autrichiens. En rétorsion, leur chef Albrecht Gessler somma Guillaume Tell de  transpercer une pomme posée sur la tête de son fils. Le Suisse y parvint, soutenu par la fermeté de l'enfant.

Après cet acte de courage, la population se rebella et grâce à un pacte avec les voisins de Schwyz et d'Unterwald, mit fin à l’occupation étrangère, fondant ainsi la Confédération suisse.

Guillaume Tell - Rossini/Rustioni/Kratzer - Opéra de Lyon

La mise en scène de Kratzer, dans son apparente simplicité, construit une tension terrible qui fait ressentir cruellement l'oppression des occupants

Le fond de scène est une simple vue des montagnes, en noir et blanc, peu à peu recouverte de coulures noires tandis que le plateau figure une salle de réception où  tous les Helvètes sont vêtus du noir élégant des concertistes.

Par contraste, les Autrichiens portent le costume emblématique des droogies, du film "Orange mécanique". Cette seule allure suscite un violent malaise, d'autant que dès l'ouverture, on les voit  saccager un violoncelle.

Aux gourdins des oppresseurs s'opposeront les instruments de musique des Helvètes, transformés en armes durant la rébellion.

Guillaume Tell - Rossini/Rustioni/Kratzer - Opéra de Lyon

Les choeurs d'hommes et de femmes, d'une rare puissance, sont remarquablement portés par l'orchestre, dont la précision révèle la patte d'un Daniele Rustioni inspiré.

Le baryton profond et généreux de Nicola Alaimo donne à Guillaume Tell sa stature de héros et la mezzo soprano Enkeledja Shkoza incarne son épouse avec émotion, même si sa partition est brève.

Quant au rôle de leur fils, Kratzer a opté pour un choix intéressant : un garçonnet l'incarne en rôle muet et sa partie chantée est confiée à un alter ego, la talentueuse soprano Jennifer Courcier, dont le timbre très frais est évocateur de l'enfance.

Il faut saluer ici la remarquable prestation du petit Martin Falque, pour cette représentation. Il a endossé le rôle de Jemmy avec une patience et une endurance remarquables chez un aussi jeune enfant.

Guillaume Tell - Rossini/Rustioni/Kratzer - Opéra de Lyon

Enchâssée dans le récit politique, l'idylle contrariée d'Arnold, un Helvète, et Mathilde, une Autrichienne, est l'occasion de remarquables parties chantées.

J'ai trouvé étonnant que Rossini ait écrit un rôle d'homme aussi tragique pour un ténor mais John Osborn lui a fait honneur.

Plus remarquable encore, Jane Archibald a été une bouleversante Mathilde, en particulier dans la première scène de l'acte III, quand elle a chanté avec brio toutes les nuances de l'air Pour notre amour plus d'espérance.

Elle a d'ailleurs été applaudie par l'orchestre même à l'issue de cette magnifique interprétation.

Guillaume Tell - Rossini/Rustioni/Kratzer - Opéra de Lyon

L'oeuvre a été ramenée à sa version la plus courte mais sans en altérer le message.

Il faut  néanmoins avoir le coeur bien accroché, en particulier dans la scène où les soldats obligent les villageois à endosser des costumes folkloriques et à danser pour eux.

L'humiliation et la violence sont palpables, d'autant que les choristes sont tous aussi d'excellents comédiens.

Guillaume Tell - Rossini/Rustioni/Kratzer - Opéra de Lyon

En s'éloignant de l'opéra bouffe, Rossini a montré l'ampleur de son talent et cette oeuvre mérite mieux que la seule notoriété de son ouverture. 

Saluons donc l'Opéra de Lyon qui, souvent, met à l'affiche des oeuvres rares, pour notre plus grand plaisir.

Guillaume Tell - Rossini/Rustioni/Kratzer - Opéra de Lyon

Du 5 au 17 octobre 2019 à l’Opéra de Lyon
Guillaume Tell – Opéra en 4 actes, 1829 - Durée : 4h environ - En français
Nouvelle production, en coproduction avec l’Opéra de Karlsruhe

Musique : Gioachino Rossini
Livret : Étienne de Jouy et Hippolyte Bis, d’après la pièce de Friedrich von Schiller

Direction musicale : Daniele Rustioni - Chef des Chœurs : Johannes Knecht
Mise en scène : Tobias Kratzer - Dramaturgie : Bettina Bartz
Chorégraphie : Demis Volpi
Décors et costumes : Rainer Sellmaier - Lumières : Reinhard Traub

Guillaume Tell (baryton) : Nicola Alaimo
Hedwige, son épouse (mezzo soprano) : Enkeledja Shkoza
Jemmy, leur fils (soprano) : Jennifer Courcier - Comédien muet : Martin Falque (13 octobre).
Gesler, gouverneur (basse) : Jean Teitgen
Mathilde, soeur de Gesler (soprano) : Jane Archibald
Arnold, prétendant de Mathilde (ténor) : John Osborn
Rodolphe, capitaine de la garde (ténor) : Grégoire Mour
Walter Furst (basse) : Patrick Bolleire
Ruodi ; un pêcheur (ténor) : Philippe Talbot
Leuthold, un berger (basse) : Antoine Saint-Espes
Un chasseur (baryton)  : Kwang Soun Kim

Orchestre et Chœurs de l’Opéra de Lyon

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