La matinée a été consacrée à plusieurs interventions :
Jon Lellenberg, BSI, est venu de Santa Fe, USA. Dans son exposé “This Double-Agency Stands Flatfooted Upon Swiss Ground”, il a rappelé à quel point l'Empire britannique misait sur de puissants services de renseignement pour assurer sa position en Asie centrale, contrer police politique secrète de l’Empire russe (l'OKHRANA), les nationalistes irlandais etc.
La position secrète du frère aîné de Mycroft au sein du gouvernement, certaines de ses aventures gardées sous le boisseau, et d'autres en lien avec des personnages russes corroborent les activités clandestines de renseignement menées par Holmes dans les années 1890 et au tout début du 20e siècle, certaines liées au statut de la Suisse comme nation neutre.
Marsha Pollak, ASH, BSI, de San Jose, USA est responsable du projet The Baker Street Irregulars Oral History Project. Avec “Looking at Moriarty On Screen Throughout the Years”, elle a fait vivre avec brio les interprétations du pire ennemi de Holmes à l'écran.
Celui-ci décrivait ainsi les origines du professeur Moriarty avant qu'il ne devienne le "Napoléon du crime" :
« Il est de bonne famille et il a reçu une excellente éducation. Prodigieusement doué pour les mathématiques, à vingt et un ans il publiait une étude sur le binôme de Newton, qui fit sensation dans toute l’Europe et lui valut de devenir titulaire de la chaire de mathématiques dans une de nos petites universités. Tout donnait à penser qu’il allait faire une carrière extrêmement brillante. Mais l’homme avait une hérédité chargée, qui faisait de lui une sorte de monstre, avec des instincts criminels d’autant plus redoutables qu’ils étaient servis par une intelligence exceptionnelle. Des bruits fâcheux coururent bientôt sur lui dans l’Université, qui l’obligèrent à se démettre. Il vint à Londres où il se mit à donner des cours destinés aux officiers de l’armée. »
Ce sont ses manières suaves qui rendaient encore plus pénibles sa noirceur.
Le cinéma ne pouvait se passer d'un méchant fort à l'écran, pour accentuer la carrure de Holmes, et Moriarty était le personnage idéal.
Au tout début, dans le film muet de 1916, Maupain est grimé pour ressembler à une brute épaisse, et quelques suivants aussi, mais Zucco en 1939 est déjà plus conforme au modèle initial. En 1984, face à Jeremy Brett, Porter est excellent d'autant qu'il a un ressemblance frappante avec le portrait de Paget. Harris, en 2011, est dans le ton et tout récemment Scott a donné une dimension démente au personnage qui ne manque pas d'intérêt.
Et n'oublions pas la seule interprète féminine, Dormer, une très raffinée Jamie Moriarty.
Michael Meer, BSI, RBI, de Berne, en Suisse et l'un des organisateur de la conférence, a étudié les liens entre roman policier suisse et notre détective consultant favori, avec "C.A. Loosli and Sherlock Holmes – on the Origins of the Swiss Detective Novel". Il s'avère que Loosli et Doyle ont tous les deux écrit une scène de suicide déguisée en crime, celle évoquée dans l'aventure de Holmes, Le pont de Thor. Ecartant la thèse du plagiat par le premier, Michael rappelle que le fait divers avait été décrit par Hans Gross, dans son manuel de criminalistique de 1893, lu par les deux auteurs.
Michael nous a aussi appris que Sherlock Holmes était si populaire que des publications à la manière des penny dreadful faisaient fureur en Suisse, abusant de sa réputaiton, dans le pire mauvais goût. Pour lutter contre cette "littérature du vice", la censure alla, en 1910, jusqu'à bannir l'oeuvre de Doyle, mais se rétracta au bout de 9 mois, Loosli ayant protesté avec vigueur.
L'exposé de Bryan Stone, britannique installé en Suisse, a anticipé sur notre programme de l'après-midi avec “The Splügen Pass – a dreadful place, for good or ill” exposant quelques faits sur l'histoire du col du Splügen et ceux qui l'utilisèrent depuis l'antiquité mais là j'avoue le sujet ne m'a pas enthousiasmée...
Après le déjeuner, nous avons embarqué dans un bus pour un périple de 3 h 30 vers Splügen. C'est un lieu canonique car c'est au col éponyme que, selon Holmes, l'abominable Baron Gruner assassina sa femme en faisant passer l'acte pour un accident ("L'illustre client").
A l'arrivée, nous avons profité d'un moment de détente pour prendre nos quartiers à l'hôtel Bodenhaus. Nous sommes reçus par le propriétaire Willibald Löschl qui nous offre un verre, avant le dîner.
A table, j'ai passé un excellent moment avec Brigitte Latella, holmésienne mais aussi journaliste qui couvre l'événement pour la RSI. Grâce à sa connaissance du vin, j'ai pu en déguster un excellent, pour clore la journée.