Le parvis de l'opéra a vu s'entraîner le Pokeman Crew d'où sont issus les quatre chorégraphes/danseurs de Tie Break, une compagnie qui se forge une identité propre.
Break et hip-hop les ont menés autour du monde pour rafler des titres de champions dans les battles : ils ont pu à loisir s'imprégner de l'ambiance de ces petits mondes, calmes la nuit et survoltés le jour, où s'agitent clients, serveurs, bagagistes et tout le personnel de chambre.
Brisant les clichés, Tie Break a donné à sa danse de rue athlétique et saccadée une grâce aussi incongrue que séduisante, dans une suite de tableaux bourrés d'humour.
Par un travail acharné à rebours de leur entraînement initial, les huit danseurs alternent ou dansent ensemble, ajoutant des pas fluides et bondissants sur lesquels semble souffler l'esprit de Gene Kelly.
La musique est tout aussi inattendue : Nina Simone, en fil rouge, mais aussi des échappées de musique africaine et de house. Plus difficile encore, c'est dans le silence qu'ils évoluent parfois, entre pantomime et performance chorégraphique.
Tout devient espace de mouvement : le chariot à bagages, le lit devenu trampoline, l'espace réduit de l'ascenseur...
Des jonglages et des gags de chute sont prétextes à des acrobaties dangereuses que seuls des artiste consommés peuvent se permettre. Dans les solos de popping/locking des touches de voguing, apportent une dimension très séduisante.
L'ensemble est jubilatoire, une fusion de danse, de cirque et de théâtre.
La régie lumière n'a pas su mettre les numéros en valeur mais à sa décharge, ce n'est pas un travail facile du fait même de la disparité des danseurs, du petit groom très blanc au grand client tout noir, il y a toute une palette de nuances qui contribuent à la dynamique de l'ensemble !
Captivé, le public a spontanément battu des mains pour accompagner les danseurs et c'est debout qu'il a applaudi cette étonnante création.
Cerise sur le gâteau, un bord de scène nous a permis d'entendre les danseurs parler de leur passion.
Moncef Zebiri s'est expliqué sur le choix de Nina Simone : femme et noire dans une Amérique de préjugés, elle a dû se cantonner au jazz, et même si elle en fut une vedette incontestable, elle eut toujours le regret de n'avoir pu accéder à la carrière de pianiste de concert dont elle rêvait.
Patrick M'Bala, alias Bboy Wazz, a souligné que Lobby est un message pour sortir le break du cliché casquette à l'envers/pantalon bouffant, et il a évoqué avec humour les tâtonnements qui ont mené aux arrangements musicaux du spectacle.
Ma curiosité portait sur la façon dont on incorpore de la fluidité bondissante dans du break et hip-hop : il s'agit d'un apport de Johan Lescop, regard extérieur dont le travail porte principalement sur la relation entre le corps et l’objet au service d’un théâtre du geste et de l’art clownesque.
A la Maison de la Danse de Lyon du 15 au 19 mai 2018
LOBBY - Création 2017 - Compagnie Tie Break - 8 danseurs - 50 mn
Scénographie Daniel Fayet - Costumière Nadine Chabannier
Régie générale Georges Fagbahoun - Bande son Arthur Caget
Création Lumière Xavier Lazarini - Régie Lumière Moustapha Delli
Production Compagnie Tie Break Production déléguée Scène nationale de Sète et du bassin de Thau Coproduction Scène nationale de Sète et du bassin de Thau, Intiatives d'artistes en danses urbaines - Fondation de France - La Villette 2017, avec le soutien de IADU, DRAC, Auvergne-Rhône-Alpes, Compagnie Dyptik, la commune de la Tour du Pin, ASTelecom