Né à Harlem, en 1924, puis installé à Greenwich Village à 17 ans, James Baldwin commence vers le milieu des années 40 à écrire des articles et des chroniques pour des revues telles que The New Leader, The Nation ou Partisan Review. Horrifié par la violence du racisme et de l’homophobie, il part pour la France en 1948, grâce à une bourse de la fondation Rosenwald.
Dès lors, Baldwin écrira de nombreux romans et essais engagés. De retour en Amérique au moment des grandes luttes pour les droits civiques, il s’investira entièrement, aux côtés de Martin Luther King Jr, Harry Belafonte, Sidney Poitier et tant d’autres. Militant de la non-violence, il nouera pourtant une vraie relation avec Malcolm X.
Témoignage sans concession sur le racisme et la violence inouïe de l'Amérique envers la communauté noire, son roman "Just above my head" paraît en 1979, traduit en français sous le titre "Harlem Quartet". C'est cette oeuvre dense qu'Élise Vigier a choisi de porter à la scène.
Dans le Harlem des années cinquante se nouent les destins de quatre adolescents : Julia, la jeune évangéliste qui enflamme les foules, Jimmy, son petit frère souffre-douleur, Arthur, qui manifeste déjà son talent de chanteur de gospel, ses compères chanteurs Crunch, Red et Peanut qui devront partir pour la guerre de Corée, tout comme Hall, le frère aîné d'Arthur.
Trente ans plus tard, la mort d'Arthur amène Hall à revenir sur leur jeunesse. Il tente alors de découvrir la folle logique qui a conduit la vie de ces êtres liés à tout jamais. Pourquoi Julia a-t-elle subitement cessé de prêcher ? Pourquoi le quartette s'est-il dispersé ? Pourquoi Arthur, l'empereur de la soul, n'a-t-il jamais vraiment trouvé le bonheur malgré l'amour de Jimmy ?
Pour illustrer le roman, Élise Vigier et son équipe, ont tourné des images à Harlem avec des acteurs new-yorkais, et des paysages américains, pour les projeter sur scène, entrecoupés d'archives évoquant la Campagne de Birmingham et la Marche sur Washington.
La musique de Saul Williams, interprétée sur scène par Manu Léonard et Marc Sense, accompagne le voyage dans les méandres de la mémoire de Hall.
Dans le bel éclairage de Bruno Marsol et grâce au changement à vue du décor sur fond d'images filmées, les tournées au travers du pays, les bars, l'intimité des chambres... tout défile, avec les retours en arrière propres aux souvenirs qui déferlent dans l'émotion.
Toute la souffrance d'être noir dans un pays de ségrégation, la peur d'être traqué comme un gibier, palpite au long du texte grâce à la belle cadence de la traduction de Kevin Keiss, tout comme l'horreur des abus sexuels, les ravages de la guerre, de la drogue, de la religion, et malgré tout, l'amour d'une fratrie, le désir ou le miracle du chant gospel.
“ La musique commence pas comme une chanson
Oublie toutes les conneries que tu entends
La musique peut devenir une chanson mais elle commence par un cri
Et ce cri est partout.”
La pièce est une toute nouvelle création, ce qui explique que les comédiens ne soient pas encore pleinement habités, sauf pour Ludmilla Dabo, en Julia, très inspirée.
La tension du propos est peut-être diluée par la longueur de la pièce et par les textes portés plus en narration qu'en jeu d'acteurs, mais il ne fait aucun doute que Harlem Quartet est en passe de devenir une oeuvre de référence.
Du 23 au 26 janvier 2018, au Théâtre de la Croix-Rousse - Durée : 2 h 30
Adaptation et mise en scène : Élise Vigier - Création : novembre 2017
Traduction, adaptation et dramaturgie : Kevin Keiss
Avec : Ludmilla Dabo (Julia, Dorothy Green), Jean-Christophe Folly (Hall, Red), Makita Samba (Arthur, Tony), Nicolas Giret-Famin (Jimmy, Peanut), William Edimo (Crunch, Joël Miller, Révérend William), Nanténé Traoré (Amy Miller, barmaid, Webseter, Mrs Reed)
A l’image : Saul Williams (Paul Montana), Anisia Uzeyman (Florence Montana), Ifenayi (Hall Montana, jeune)
Assistante et collaboration artistique : Nanténé Traoré
Scénographie : Yves Bernard - Images : Nicolas Mesdom
Musique Saul Williams, Manu Léonard et Marc Sens - Lumières : Bruno Marsol
Costumes : Laure Mahéo - Maquillage et perruques : Cécile Kretschmar
Production : Théâtre des Lucioles de Rennes soutenu par la Direction Régionale des Affaires
Culturelles de Bretagne, le Conseil Régional de Bretagne et la ville de Rennes.
Théâtre de la Croix-Rousse | Accueil
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