Le Théâtre de la Croix-Rousse donne en ce moment « La bonne âme du Se-Tchouan » de Brecht, par la Compagnie Air de Lune, dans une mise en scène de Jean Bellorini.
Dans sa quête d’une bonne âme qui suffirait à justifier l'humanité, un dieu voyage jusqu’à un village du Se-Tchouan. Comme le Se-Tchouan représente en fait tous les lieux où les hommes sont exploités par d'autres, le décor choisi par la troupe est une cour délabrée dont deux rideaux de fer s’ouvrent l’un sur une échoppe et l’autre un garage. Ils sont surplombés d'une plate-forme réservée à l'orchestre.
C’est dans ce contexte que, dès le prologue, Shen Té, la prostituée révèle son grand cœur en offrant un toit au voyageur. En retour, il lui donne suffisamment d’argent pour qu’elle change de vie en ouvrant un débit de tabac...
Porteur d’eau, jeune couple, couple vieillissant, enfant, fils indigne, chômeur, logeuse, menuisier, policier... pas moins de dix-huit comédiens sont lancés dans cette bataille désespérée contre la pauvreté, qui passe autant par la solidarité que par la mesquinerie. Shen Té doit se battre pour ne pas se perdre dans le sacrifice, quitte à se livrer à une étrange mascarade.
La musique est omniprésente, voire envahissante au-delà des passages où les personnages en chœur soulignent le drame. Ce n’est d’ailleurs pas la musique originale, mais le Dies Irae de Mozart ou Only you, trouvent bien leur place.
On regrette parfois trop de gesticulations et d’effets sonores mais Karyll Elgrichi est une Shen-Té bouleversante et Camille de la Guillonnière, une Madame Mitsu terriblement élégante, au point qu’on oublie que ce Camille-là est un garçon.