Naples - Herculanum et péripéties

Sachant que pour Herculanum, il n'y de train qu'à 8 h 26 et 11 h 26, j'avais choisi la deuxième option pour m'accorder une grasse matinée avant de commencer la visite à midi. J'avais même prudemment acheté ma place horodatée, ni échangeable, ni remboursable. 

Sauf que...

Sauf que je me suis réveillée en pleine forme après quatre heures de sommeil et que j'ai pris le petit déjeuner dès le début du service. 

Bref, j'avais largement le temps de prendre le premier train, quitte à devoir racheter une nouvelle entrée pour le parc archéologique, et je suis même arrivée assez tôt pour contempler les graffiti sur le quai. 

Un train est arrivé à 8 h, allant dans la bonne direction, et j'ai pensé que je n'avais pas remarqué cet horaire. Mais une fois dedans, j'ai entendu le conducteur annoncer un trajet direct pour Sorrente. Je n'ai eu que le temps de bondir sur le quai. 

En fait, c'était un méli-mélo. Il a fallu changer de quai et je n'étais visiblement pas la seule à avoir été induite en erreur. Tous les trains de la Circumvesuviana ne s'arrêtent pas à Herculanum et, avec le jeu des retards et de l'affichage décalé, un malheureux préposé a dû faire face à une troupe de voyageurs affolés.

Je n'étais pas la plus mal lotie avec mon passe Unico car certains avaient acheté le mauvais billet.

J'ai pu prendre la rame suivante qui avait du retard et 15 mn plus tard, j'étais à destination, sous un soleil radieux. 

De là, j'ai trotté un quart d'heure pour accéder au site, légèrement anxieuse puisque, bien sûr, il n'y avait aucun fléchage.

Je vis une grande histoire d'amour avec mon GPS.

L'endroit est magnifique, ponctué de verdure, avec le chant des oiseaux qui souligne le calme de l'environnement.

L'employée m'a gentiment laissé entrer avec mon billet inadéquat, dans la mesure où je n'avais pas réservé de visite guidée. Ouf !

Au début  du parcours, une amusante vidéo montre tout ce qu'il ne faut pas faire pour préserver le site : ne pas toucher, ne pas s'appuyer, porter son sac à dos devant ou le laisser au vestiaire etc. 

Herculanum a été détruite par l'éruption du Vésuve en l'an 79 et conservée pendant des siècles dans une gangue de cendres. 

Elle a été mise au jour à partir du 18e siècle par les Bourbon-Deux-Siciles qui régnaient sur Naples. L'objectif n'était pas vraiment scientifique mais plutôt une recherche de marbre et d'œuvres d'art. 

Le roi de Naples et de Sicile organisa les fouilles de ce premier chantier archéologique du monde occidental dont les produits contribuèrent à la diffusion du néoclassicisme dans la seconde moitié du siècle. 

La cité était petite avec une superficie estimée à vingt hectares, dont environ 4,5 ha ont été dégagés, et une population estimée à quatre mille habitants.  Les fouilles se sont arrêtées là où commence l'habitat de la commune actuelle d'Ercolano. La majorité des monuments publics et religieux sont toujours recouverts par la ville moderne. 

Le site archéologique n'offre qu'une vision partielle d'Herculanum, un quartier où se côtoient des modestes habitations d'artisans et de pêcheurs, de petites demeures bourgeoises et de riches maisons luxueusement décorées avec vue panoramique sur la mer.

L'Antiquarium conserve quelques jolies pièces même si les plus importantes ont été emmenées au musée archéologique national de Naples. 

Une citation de Sénèque semble évoquer la vanité mais il n'y a pas de cartel pour la traduction. 

Si je rassemble mes souvenirs, ça donnerait à peu près : "Nul ne se fait élégant pour lui seul, il augmente plutôt ses excès à la mesure de la foule qui le regarde".

C'est sans garantie et je suis preneuse si quelque latiniste voulait bien m'aider. 

A mon grand dépit, une très jolie statuette de Bacchus a été enfermée dans une tube de verre : entre la lumière des fenêtres et celle d'une vidéo en boucle, il y a tellement de reflets qu'il est impossible de le photographier correctement. 

J'ai dû le faire par morceau et c'est bien dommage !

Juste à côté de l'Antiquarium, un petit pavillon abrite un bateau et divers objets liés à la mer (hameçons, cordage etc.).

Le parcours dans la ville commence ici, et mon enfer aussi : étant dépourvue du sens de l'orientation, j'avais soigneusement téléchargé et annoté le plan du site. 

Seulement rien ne correspond : les numéros en pierre sur les maisons ne sont pas celles du plan, et d'autres se réfèrent à l'audio-guide que je n'ai pas pris parce que je n'ai pas de patience. 

Pour couronner le tout, le parcours manque de fléchage, il n'y a pas de cartel dans les maison, certains lieux sont fermés pour étude ou travaux et les passages traversant les habitations tournent au labyrinthe...

Sans compter que le GPS ne sert à rien ici...

J'ai fini par opter pour une déambulation au mieux de mes possibilités.

Ce ne sera pas très didactiq parce que j'ai la flemme, mais vous pouvez suivre ce lien vers Wikipedia pour un bon résumé.

Vous verrez  juste les images que j'ai gardées après un sérieux tri. Il faut dire que la lumière n'est pas toujours favorable et que, si j'ai commencé dans un calme relatif, au bout de deux heures sont arrivés les troupeaux  bariolés et dotés d'une forte propension à former des grumeaux dans les passages. 

La beauté de certains vestiges est telle qu'on imagine aisément dans quel luxe vivaient les artistocrates, et la qualité des artisans. 

Il est rageant de penser aux choses emportées lors des premières fouilles et qu'on ne verra jamais dans les musées, sans oublier les zones inaccessibles ensevelies sous la ville moderne. 

Le cheminement est rendu difficile par les gros pavés des rues et les très hauts trottoirs.

Quand on est un petit format, ça exige parfois de grimper ou de longer plusieurs mètres pour trouver un accès. 

J'ai bien regretté que l'auberge, le thermopolium, ne soit plus en activité : j'aurais apprécié qu'on puise dans les marmites pour me servir de quoi manger vite fait pour reprendre des forces. 

Il y a quand même le plaisir de la promenade et de l'espoir de la découverte, à force de tournicoter...

Les villes romaines bénéficiaient d’un réseau hydraulique acheminait l’eau potable vers les établissements de bains et les fontaines publiques où les habitants s’approvisionnaient.

L’eau arrivait depuis des sources par des aqueducs et des conduites, puis elle était conservée dans des réservoirs situés au point le plus haut de la ville. Elle était ensuite répartie via des tuyaux en plomb.

Seules les demeures les plus riches disposaient de l’eau courante à domicile. Les autres recueillaient l’eau de pluie dans un bassin, via le toit en pente de l’atrium, qui allait ensuite dans des citernes. On trouve parfois des puits à côté des bassins.  

J'ai trouvé dommage qu'il n'y ait pas au moins une maison reconstituée avec ses textiles, mobilier et objets réalisés selon les techniques de l'époque, ou a défaut, des reproductions. 

On serait mieux plongé dans le passé, comme au château de Guédelon, ou au Thermes de Bath. 

J'étais à la sortie quand, en entendant parler des visiteurs, je me suis aperçue que j'avais manqué une jolie section au sud du parcours, trompée par des barrières qu'on pouvait en fait contourner. 

Heureusement, la contrôleuse m'a permis d'y retourner mais comme l'accès direct à la portion était coupé, j'ai dû refaire tout le trajet depuis le début, en longeant l'enceinte pour être sûre de ne pas m'égarer *soupir*

Une villa a conservé dans l'atrium les panneaux en bois qui permettaient de s'abriter des courants d'air. Ils ont noirci et on voit mal leur état car ils sont désormais protégés par une vitre.  

Devant le bassin, il y a une table mais elle n'était pas destinée à la nourriture : souvent richement sculptée ou ornée, elle était l'affirmation d'un statut social. 

Partout, des renforts et des échafaudages rappellent le difficile processus de préservation. 

C'est une chance de pouvoir librement circuler dans la ville ; je n'ai vu qu'un seul endroit où un crétin a gratté son nom et une date dans le revêtement d'une salle. 

Au pied de la ville, alors en bord de mer, des malheureux s'étaient réfugiés dans des abris à bateaux, espérant être protégés des pluies de cendre. 

Les moulages de leur squelettes sont exposés, rappelant la tragédie humaine qui a permis de connaitre leur mode de vie. 

Pour revenir à plus de légèreté, le jardin de grenadiers d'une villa est ouvert au public voulant profiter des chaises longues. 

Comme elles étaient toutes occupée, je n'en ai pas profité. 

Cette fois, je m'en vais pour de bon. En voyant la ville moderne, je m'aperçois qu'elle ressemble beaucoup à l'antique qu'elle recouvre. 

J'ai manqué le dernier train du matin, le suivant étant à 14 h 40.  J'ai alors pensé visiter une exposition à la Villa Compolieto dont j'ai vu l'affiche mais quand j'ai demandé à un employé comment y accéder, il m'a dit penser qu'elle était exceptionnellement fermée pour la journée.

Il a gentiment téléphoné pour moi et c'était le cas, donc j'ai tué le temps dans Ercolano. 

Le dédale de ruelles est ponctué de linge à sécher, de toutes sortes de petits magasins et de piaillements des gens s'interpellant à tue-tête de fenêtre à fenêtre. 

L'endroit est pauvre : il y a beaucoup de marchandises usées proposées sur le trottoir par des particuliers et aucun restaurant (sauf deux ou trois racoleurs devant la gare). Toute la nourriture du marché est pour la cuisine à la maison. 

Il y avait des figures incroyables : vieillarde comme sculptée dans du bois,  cagoles moulant leur cellulite dans des collants à imprimé léopard, avec ongles en plastique et gros sourcils tatoués, gamines pré-pubères en talons, poissonnier à la voix de stentor. 

Il aurait été grossier de les photographier mais c'était un vrai spectacle. 

Dans une ruelle, un jeune se débattait avec une grande planche mais quand je lui ai proposé mon aide, il a bredouillé "Ah ben non quand même, vous êtes une femme" et m'a fait offert un grand sourire auquel j'ai repondu de même en le laissant à sa misère. 

Avant de partir, j'ai voulu boire un grand verre d'orange pressée car il y a des machines dans certains kiosques et cafés. 

J'ai joué de malchance : au premier kiosque, j'ai vainement attendu le vendeur, au second, la machine était en panne et devant un bar, le serveur était rivé sur son téléphone. 

De guerre lasse, en avance et n'ayant pas envie de pizza, j'ai continué jusqu'à la gare, le ventre vide. 

A Naples est née une association contre l'extorsion et l'usure pour la libération des entreprises de l'influence mafieuse. 

Ce chantier est mené par une entreprise ayant signé un pacte s'engageant à des pratiques légales. 

En regardant l'affichage, j'ai vu qu'un train partirait à 13 h pour "Napoli P.N." mais ma gare est "Napoli Garibaldi". 

Entrevoyant un employé vissé sur son téléphone, dans l'ombre d'un guichet, jai tapoté à la vitre et il a condescendu à me regarder. J'ai demandé ce qu'est "Napoli P.N." et appris que c'est "Napoli Porta Nolana", j'ai donc enchaîné en demandant si ça dessert "Napoli Garibaldi" et mon passe serait valide.  Il s'est contenté de soupirer avant de déverrouiller un portail à distance en me faisant signe de passer. 

Une fois sur le quai, j'ai consulté les horaires sur mon téléphone mais la compagnie n'indique que "Ercolano-Napoli PN". 

Au final, le train est un omnibus qui met une demi-heure mais son terminus est bien Garibaldi, après Porta Nolana, même si ce n'est expliqué nulle part  *soupir*

A l'arrivée, j'ai enfin pu avoir un grand verre d'orange pressé dans un café de la gare, puis j'ai cherché de quoi déjeuner. 

Une dame attablée avec son mari s'est penchée pour me demander en mauvais anglais ce que je mangeais. Identifiant ses "s", j'ai répondu en espagnol.

Surprise, elle m'a demandé si j'étais espagnole puis s'est étonnée que je sois française. Nous avons papoté, il s'est avéré qu'ils étaient chiliens, et j'ai fait office de traductrice italien/espagnol pendant le repas.

Mon cerveau a surchauffé car les deux langues se ressemblent beaucoup et mes conjugaisons s'embrouillaient un peu, mâtinées parfois de latin et français.

J'ai eu l'impression d'être le Salvatore du "Nom de la Rose", d'autant que le serveur s'obstinait à nous parler dans un mauvais anglais jusqu'à ce que la patronne vienne lui dire d'arrêter 😄

Rentrée à l'hôtel pour recharger mon téléphone et transférer mes photographies, j'ai vu qu'il serait possible d'aller visiter San Giovanni a Carbonara, un complexe religieux que m'a recommandé Valentina, mon amie napolitaine.