J'ai eu le bonheur d'éclater de rire avec tout un public conquis lors de la première de Barbe-Bleue à l'Opéra de Lyon
Il fallait un Offenbach pour faire d'un conte terrible une farce hilarante et, pour la mettre en scène, qui d'autre que Laurent Pelly qui avait osé (et réussi) un époustouflant Roi Carotte en 2015 ?
Avec un choeur de l'opéra plein de malice et de superbes décors, tout était prêt pour accueillir un bijou de burlesque, transposé à l'époque actuelle, toujours leste mais jamais vulgaire.
Pour l'opus d'Offenbach, Barbe-Bleue est présenté comme un joyeux jouisseur et sa nouvelle épouse Boulotte est une paysanne nymphomane qu'un concours de circonstances a désignée en lieu d'une rosière...
Harcèlement, abandon d'enfant, mariage forcé, assassinat, on pourrait être en pleine tragédie mais de coup de théâtre en révélation, c'est une farce inénarrable qui nous est servie par une belle brochette d'artistes.
Le début a été délicat : la cadence de l'orchestre mené par Michele Spotti était un peu trop vive pour la clarté des parties chantées, le mezzo d'Heloïse Mas un brin engorgé et le ténor de Yann Beuron un tantinet faiblard. D'ailleurs, Offenbach nous surprend avec ce registre pour un méchant...
Mais c'était la première et la taille des décors jouait peut-être sur l'acoustique. Heureusement, très vite, tout ça s'est épanoui et la suite a été un régal !
L'aspect de Barbe-Bleue est sinistre à souhait, Boulotte la bien nommée est gaiement impertinente, et les moments comiques s'enchaînent dans un rythme impeccable.
On va de la campagne au palais en passant par le cachot-laboratoire où Popolani, complice de Barbe-Bleue est censé faire passer les épouses de vie à trépas.
Il faut voir l'irrésistible Christophe Gay dans ce rôle truculent, en blouse à la docteur Frankenstein, maniant la machine-électrique-qui-fait-de-la-musique pour un résultat... surprenant.
A la cour, le roi Bobèche est un odieux petit tyran terriblement drôle grâce à Christophe Mortagne, et son toutou, le comte Oscar interprété avec beaucoup d'humour par Thibaut de Damas.
Les scènes comiques se succèdent au détriment des courtisans qu'on fait plier au vrai sens du terme. Un grand moment de rire est celui du défilé du baise-main....
La soirée fut délicieuse et c'est un spectacle que je vous recommande !
En plus, vous échapperez à la bourge' qui, à ma gauche, mastiquait son chiclet comme si elle s'entraînait pour la foire agricole, et à l'immonde goujat qui a ramené son kebab puant dans la salle pendant l'entracte...
Du 14 juin au 5 juillet 2019 à l'Opéra de Lyon
Opéra-bouffe en 3 actes - 2 h 30
Livret de Henri MEILHAC et Ludovic HALÉVY inspiré du conte éponyme de Charles PERRAULT
Création à Paris, Théâtre des Variétés, le 5 février 1866
COPRODUCTION Opéra de Marseille / Opéra National de Lyon en partenariat avec le Royal Opera House de Muscat.
Direction musicale Michele SPOTTI
Mise en scène et costumes Laurent PELLY
Adaptation des dialogues Agathe MÉLINAND
Décors Chantal THOMAS
Lumières Joël ADAM
Boulotte Héloïse MAS
Fleurette Jennifer COURCIER
Reine Clémentine Aline Martin
Barbe-Bleue Yann BEURON
Popolani Christophe Gay
Prince Saphir Carl GHAZAROSSIAN
Comte Oscar Thibault de DAMAS
Roi Bobèche Christophe MORTAGNE