Après le succès de Nabucco, Giuseppe Verdi composera seize opéras en dix ans. Dans cet ensemble, il s'attaquera pour la première fois à un drame de Shakespeare qu’il considère comme «une des plus grandes créations de l’homme».
A une époque de croyances superstitieuses, la représentation de sorcières, de fantômes et de prédictions funestes donnent à Macbeth l'aura effrayante qui veut qu'elle soit maudite et qu'on doive l'appeler « la pièce écossaise » pour ne pas prononcer son nom dans un théâtre.
L'histoire, il est vrai, est épouvantable :
Macbeth et son ami Banco rencontrent trois sorcières qui prédisent que Macbeth deviendra roi d’Ecosse et Banco sera le premier d’une lignée de rois.
Lady Macbeth galvanisée par ces prédictions pousse son mari à assassiner le roi Duncan pour s’emparer du trône. S'ensuit une frénésie meurtrière engendrée par la soif de pouvoir et cette course s’achèvera tragiquement pour le couple maléfique.
Pour l'opéra, Verdi réduit le nombre de personnages et se concentre sur Macbeth et Lady Macbeth. Il multiplie les recommandations à son librettiste : «Comme vous êtes bavard !... Un style concis ! Peu de mots ! Compris ?». Plus tard : «Continuez avec l’acte III ou je vous coupe les couilles et c’est vous qui chanterez Lady Macbeth !»
En 1865, Verdi révise son opéra pour sa création en langue française au Théâtre Lyrique de Paris. C’est cette version retraduite en italien qui s’est imposée jusqu’à nos jours.
Si l’opéra, comme la pièce, porte le nom de l'homme, c’est Lady Macbeth, qui s’impose en fascinante incarnation du mal. Verdi veut que sa voix « rauque, éteinte et caverneuse » exprime l’horreur et la laideur avec un art consommé du bel canto.
Le compositeur écrit aussi à son représentant «Ayez pour règle que les rôles de cet opéra sont au nombre de trois et ne peuvent être que trois : Lady Macbeth, Macbeth et le chœur des sorcières. Grossières et cancanières dans le premier acte, sublimes et prophétiques dans le troisième, elles dominent le drame qu’elles annoncent ».
Et pour Ivo Van Hove, qui sont les sorcières d’aujourd’hui ? Des spéculatrices du monde cruel de la finance.
Van Hove a transposé le Moyen Age écossais dans le Wall street d’aujourd’hui lors du mouvement Occupy, pour mettre en scène les complots et les meurtres conséquence de la soif de pouvoir.
Sur l'immense toile de fond et les écrans d'ordinateurs, des séquences filmées remplacent ou illustrent les scènes. L'ensemble fonctionne bien, même si l'atmosphère fantastique en est amoindrie. On la retrouve toute entière dans les choeurs puissants dont Verdi a le secret.
Curieusement, la musique est très enlevée, malgré la noirceur du thème. La partition de Susanna Branchini donne entièrement dans le bel canto, qu'elle assure avec une technique impeccable et un volume saisissant qui vous plaque dans votre siège. Il est possible qu'on l'ait entendue jusqu'à Fourvière, mais somme toute, elle incarne Lady Macbeth, une effroyable mégère...
Avec un vrai talent de comédien et un baryton superbe, Elchin Azizov nous a présenté un Macbeth plein de nuances, tandis que le timbre chatoyant du ténor Bror Magnus Tødenes est presque trop beau pour un Macduff martial et vengeur.
Le tout est porté avec vigueur par l'Orchestre de l'Opéra, sous la baguette inspirée de Daniele Rustioni, jusqu'au final galvanisant qui salue la victoire sur le couple maudit.
MACBETH – Jusqu'au 5 avril 2018 à l'Opéra de Lyon
Opéra en 4 actes, créé en 1847, version de 1865 - Durée : 3 heures, entracte inclus
Musique de Giuseppe Verdi ; livret de Francesco Maria Piave, d’après Shakespeare
En italien, sur-titré en français
Mise en scène Ivo van Hove
Décors et lumières Jan Versweyveld - Vidéo Tal Yarden
Costumes Wojciech Dziedzic
Direction musicale Daniele Rustioni
Avec
Macbeth Elchin Azizov, baryton - Lady Macbeth Susanna Branchini, soprano
Banquo Roberto Scandiuzzi, basse - Macduff Bror Magnus Tødenes, ténor
Médecin Patrick Bolleire, basse - Malcolm Louis Zaitoun, ténor
La suivante Clémence Poussin, mezzo soprano
Orchestre, Chœurs et Studio de l’Opéra de Lyon
Recréation de la production de 2012 de l’Opéra de Lyon