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Baronne Samedi

Broutilles paraissant le crésudi

Zelmira - Rossini/Pidò

Publié le 11 Novembre 2015 par Baronne Samedi in Art et spectacles, Opéra

Zelmira - Rossini/Pidò

En 1822, Rossini se détache des canons rigoureux de l’opéra de tradition italienne pour donner à Zelmira un élan romantique.

A sa création, l’opéra fut donné dans toute l’Europe soulevant partout le même enthousiasme. Pourtant, il fut délaissé pendant plus d’un siècle avant d’être recréé en Italie, en 1965. Il est possible que l’extrême exigence des grands rôles ait rendu difficile le rassemblement d’autant de virtuoses dans une même oeuvre.

Zelmira est encore rare sur les grandes scènes lyriques, et c’est une chance que l’Opéra de Lyon nous en donne la version en concert. L’Orchestre et les Choeurs de la maison sont dirigés littéralement à bout de bras par un Evelino Pidò très tonique qui veille aussi, à la note près, aux modulations des solistes.

Très certainement, l’intérêt de Zelmira réside moins dans l’intrigue fondée sur des malentendus que dans la beauté des chants portés par l'étincelante partition d’orchestre.

La richesse chorale et symphonique de l'oeuvre a fait dire à Stendhal : « Rossini finira par être plus allemand que Beethoven »... Pourtant, les prouesses vocales des solistes sont en droite ligne du bel canto.

Orchestre de l'Opéra de Lyon

Orchestre de l'Opéra de Lyon

L'ouverture est brève, avec des accents funestes qui annoncent la dominante tragique de l'histoire. 

Dans le premier acte, on apprend que l’île de Lesbos est gouvernée par le bon roi Polidoro, avec sa fille Zelmira et son gendre Ilo. Profitant de l’absence de celui-ci, l’aventurier Azor, tente de s’emparer du trône mais est tué par un autre intrigant, Antenore, qui accuse Zelmira du meurtre de son père.

Emma, la confidente de Zelmira, croit d’abord à ces accusations mais la princesse lui révèle que Polidoro est toujours en vie, à l’abri. Le prince Ilo, de retour, n'entend que la version d’Antenore couronné roi de Lesbos.

Lorsque Zelmira tente d’empêcher l’assassinat d’Ilo par Leucippo, à la solde d’Antenore, elle est trouvée le poignard à la main, accusée d’avoir tenté d’assassiner son mari, comme son père.

La scène I introduit Antenore, l'usurpateur. Si le personnage est odieux, le ténor qui l'interprète, Sergey Romanovsky, est magnifique. S'appuyant sur une belle diction, il projette ses vocalises avec une précision et une aisance impressionnantes, dans l'ensemble de la tessiture.  

A son complice Leucippo, le baryton-basse, Patrick Bolleire  donne une stature presque trop noble pour un traître, avec son physique altier et sa voix ample.

Tout son corps exprimant les tourments de Zelmira, la soprano lyrique Patrizia Ciofi met l'entière étendue de la tessiture au service d'une interprétation émouvante. Ses fioritures sont enchanteresses, déliées, sans vibrato indésirable.

Le rôle d'Emma est écrit pour une contralto dramatique mais grâce à sa voix chaude et ronde, la mezzo-soprano Marianna Pizzolato l'interprète avec une sensibilité qui se révèle sur son visage expressif. 

A la scène II, les entendre chanter ensemble "Non fuggirmi ?"  augure bien du reste de la représentation. 

Polidoro, entrant à la scène III, est chanté par Michele Pertusi, basse remarquable qui rend audibles les notes les plus graves. Dans la cavatine "Ah ! Gia trascorse il di", il nous transmet toute l'affection inquiète que le roi porte à sa fille.

Les trois se complètent durant la scène IV qui se termine sur "Cessa il clamor", porté par force cors et timbales, soulevant l'enthousiasme d'un public qui applaudit à tout rompre.

La scène V, flamboyante de choeurs, est parfaite pour la puissance vocale d'Antonino Siragusa. Interprète d'Ilo, le ténor s'amuse visiblement, cabotinant dans des tenues d'aigus que, dans un effet comique, le chef d'orchestre fait signe de modérer.

Les interactions complexes entre les solistes et les Chœurs de l'Opéra de Lyon sont en accord parfait, tout comme avec l'Orchestre.

La scène VI accueille une strette étourdissante "Che mai pensar ?", véritable morceau de bravoure pour Ilo, Zelmira, Emma et les vingt femmes du choeur.

Zelmira - Rossini/Pidò

Dans le second acte, interceptant une lettre de Zelmira à son époux, Antenore et Leucippo apprennent que le roi Polidoro est toujours vivant. Ils trompent la princesse pour lui faire révéler la cachette de son père et les condamnent à mort tous les deux.

Pendant ce temps, Emma révèle toute la vérité au prince Ilo qui part libérer Zelmira et Polidoro, en punissant les vrais coupables.

La scène II est un moment de grâce. Le choeur des femmes est un écrin dans lequel brille la virtuosité de Marianna Pizzolato. Dans "Ciel pietoso, ciel clemente", ses vocalises magnifiques, joliment soulignées de harpe et de hautbois, font passer toutes les émotions d'Emma, de la peur au soulagement.

Le duo "In estasi di gioia" d'Ilo et Polidoro, dans la scène III, est rendu particulièrement joyeux par l'entrain d'Antonino Siragusa et Michele Pertusi. 

Plusieurs ensembles se succèdent, dont  à la scène VIII, "Oh padre", dans lequel Zelmira, Polidoro, Antenore, Leucippo et les choeurs sont accompagnés d'un intéressant pizzicato des violons, violoncelles et contrebasses.

Apparaissant dans presque toutes les scènes Sergey Romanovsky peut démontrer toute la maîtrise technique de son talent. 

Introduit par le choeur complet de vingt hommes et vingt femmes, le Rondo Finale  "Deh circondatemi" est une apothéose pour Patrizia Ciofi, car Zelmira retrouve enfin le bonheur, chantant avec son père et son époux.

En présentant l'oeuvre en concert, sans décors ni costumes,  l'Opéra de Lyon a fait un pari osé. L'enthousiasme du public lui a donné raison : Zelmira est un bijou qui n'a besoin que d'une belle distribution pour séduire les mélomanes.

Mélodrame en deux actes - 1822
Musique de Gioacchino Rossini
Livret d'Andrea Leone Tottola, d'après une histoire de Dormont de Belloy

Concert en italien, surtitré en français
Orchestre et chœurs de l’Opéra de Lyon
Direction musicale : Eveline Pidò,
Chef des chœurs Philip white,

Polidoro, roi de Lesbos,: Michele Pertusi, basse
Zelmira, fille du roi : Patrizia Ciofi, soprano
Emma, sa confidente : Marianna Pizzolato, contralto
Ilo, époux de Zelmira : Antonino Siragusa, ténor
Antenore, un usurpateur : Sergey Romanovskiy,ténor
Leucippo, son complice : Patrick Bolleire, baryton-basse

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