Ses tragédies peuplées d’âmes fortes confrontées à des choix moraux nous font oublier que Corneille a commencé par la comédie. La Place Royale en est presqu’une, si l’on oublie sa cruauté, et l’on est même surpris qu’en ce 17e siècle, il y ait du vaudeville dans les situations.
Faux-semblants, mariage, enlèvement et quiproquos, on en rirait jusqu’au bout si la fin ne voyait le triomphe du salaud.
Car voilà Alidor, bête comme un ado, qui s’est persuadé n’être libre qu’en n’étant pas aimé. Il a tout fait pourtant pour qu’Angélique le fît et le voilà qui complote pour la refiler à Cléandre sous prétexte d’amitié. Ajoutez à ça Phylis, l’amie d’Angélique, qui sans pour autant approuver son besoin d’absolu veut en profiter pour lui imposer son Doraste de frère, tout énamouré. Phylis est elle-même poursuivie des ardeurs de Lysis, sincères mais bien mal engagées.
Le tout est cadencé par les alexandrins et la troupe toute entière les sert avec entrain.
Pour le reste, on peut regretter la lenteur de la mise en scène de François Rancillac. Si les dialogues sont prompts et les tirades bien données, il y a des intervalles un peu longuets.
L’aspect général sombre, malgré les côtés éclairés par les miroirs à maquillage n’est guère relevé par les costumes modernes peu contrastés.
Heureusement, Linda Chaïb est une Phylis piquante et cabotine, qui donne à son texte une grande modernité, et si Hélène Viviès peine à donner d’emblée du relief à Angélique, elle parvient sur le tard à lui rendre sa dignité.
Le Cléandre de Christophe Laparra est vraiment une fripouille et sa tirade finale donne grande envie de le gifler. N’oublions pas Lysis, dont le rôle est secondaire mais à qui sa démarche dansante et ses mimiques ahuries.
La pièce est une production du Théâtre de l'Aquarium, sous la direction de François Rancillac.