La distribution des rôles principaux variant selon les jours, voici celle qui était à l'affiche :
Verdi aurait voulu que son opéra soit joué en costumes contemporains, et seule la censure l'avait obligé à placer l'action un demi-siècle plus tôt.
Ainsi, le choix de modernité de Carsen est aussi pertinent que réussi.
Au lever du rideau, Violetta la dévoyée (« traviata ») prend la pose sur son lit tandis que dans l’ombre des hommes en costume croisé lui tendent tour à tour des liasses de billets.
L’atmosphère intime est vite remplacée par une scène de fête sur laquelle règne Violetta, dominant en rouge la bande de noceurs.
Avec une cinquantaine de choristes pour entonner le Libiamo, le rendu est impressionnant.
Dans cette ambiance étourdissante, Alfredo parvient à se distinguer, en se mettant au piano ou jouant les paparazzi.
Quand les invités se retirent, Alfredo reste pour se déclarer et Violette se laisse attendrir, consciente malgré tout que son destin n'est pas si simple.
Alternant la douceur et la puissance, Francesca Dotto est particulièrement convaincante et son Sempre libera est plein d'une insolente provocation.
Le deuxième acte nous montre les amoureux retirés à la campagne, bercés de l'illusion d'une nouvelle vie.
Le solo de Franceso Demuro chantant le bonheur candide d'Alfredo d'une grande musicalité et l'on se prend à le croire mais le décor est parlant : si les arbres en arrière-plan semblent faire barrage contre les turpitudes de la ville, les feuilles qui en tombent et jonchent le sol sont rien moins que des billets de banque...
Ainsi la Traviata retourne à son ancienne vie. Un décor de fête recouvre à vue le sol jonché de billets.
Leur numéro volupteux souligne, au fond, la décadence qui happe la malheureuse Violetta.
Le retour à la réalité est rude au moment où Alfredo, ivre de passion contrariée, lance l’argent du jeu au visage de Violetta. L’affront public suscite en tous la compassion
Elle est pourtant seule au dernier acte, à bout de forces dans son appartement délabré. Quand Alfredo, à qui son père a révélé la cause de la rupture, revient enfin vers elle, il est trop tard.
Dans une scène déchirante, Violetta pardonne et se convainc qu'elle va guérir pour être heureuse enfin.
Quand dans un dernier sursaut, elle se lève, tous les balcons de la Fenice s’allument pour l'éclairer, avant de s'éteindre avec son dernier souffle.
Les applaudissements sont à la mesure de la qualité du spectacle.
Je fais une pause pour manger un morceau avec, en dessert, de délicieux cannoli à la pistache :
Il me reste encore une journée dans la ville donc... à suivre !