Annonciation / Torpeur / Noces - Le Ballet Preljocaj

Formé auprès de Karin Waehner, Merce Cunningham et Viola Farber, Angelin Preljocaj a fondé sa compagnie en 1985.

Il a depuis chorégraphié 54 pièces et s’associe régulièrement à d’autres artistes  comme Enki Bilal, Air, Jean-Paul Gaultier, Laurent Garnier, Azzedine Alaïa, Adel Abdessemed…

Le Ballet Preljocaj, composé de 30 danseurs et danseuses, est installé au Pavillon Noir d'Aix-en-Provence. Il se produit dans le monde entier avec près de 120 représentations par an.

La Maison de la Danse reçoit cette année le ballet Preljocaj pour un programme en trois parties, avec des interprètes sensibles, à la technique impeccable.

Du ballet Annonciation, le chorégraphe a dit :

[...] Marie est souvent représentée dans un jardin clos qui symbolise sa virginité. [...]. L’intrusion de l’ange dans cet univers intime apporte avec lui l’annonce du bouleversement métabolique de son corps. 

Interprétée par deux femmes dans un décor minimaliste habillé de lumière, la pièce est explicite même sans cette note, grâce à ses références visuelles.

Ainsi, la scène ouvre sur la danseuse en bleu marial, assise et rêveuse.  A l'entrée de l'ange sombre, son identité se lit dans ses gestes : à la manière des tableaux classiques, iel ploie le genou, s'incline devant la bienheureuse, ouvre les bras en mouvement d'ailes et souvent pointe l'index vers le ciel pour souligner sa mission divine.

Marie fascinée se laisse emporter dans une gestuelle enveloppante d'une telle sensualité qu'il est permis de penser que l'annonciation s'accompagne d'une fécondation...

On se laisse entraîner dans la séduction jusqu'à ce que s'impose l'absence de consentement, lorsque Marie semble s'éveiller pour découvrir sa possession.

La pièce est d'une expressivité prenante, empreinte de grâce et de réflexion, avec des interprètes synchrones, même lorsque la bande son ne comporte que des silences ou des bruitages.

Annonciation | Création 1995 • Duo
Chorégraphie et scénographie Angelin Preljocaj | Musique Stéphane Roy, Antonio Vivaldi | Interprétation musicale Ensemble international de Lausanne / Orchestre de Chambre de Lausanne dirigé par Michel Corboz | Costumes Nathalie Sanson | Lumières Jacques Chatelet

Pour Torpeur, Preljocj a voulu, selon ses mots "convoquer les corps, l’espace et le temps, pour donner une forme à l’indolence, pour trouver un rythme à la lenteur [...]"

A l'ouverture, pourtant, c'est un joyeux bazar, le faux désordre d'une cour de récréation, dans laquelle danseurs et danseuses évoluent dans de splendides costumes drapés qui créent la confusion des genres,

Avec fluidité, les artistes ralentissent peu à peu et se regroupent d'abord en une figure mouvante en hauteur, avec des portés, fascinante comme une anémone de mer, avant de se séparer en groupes symétriques à la manière des éléments d'un kaléidoscope.

La suite est hypnotique, empreinte d'une grande sensualité et le public était visiblement happé par cette magnifique chorégraphie.

Avec Noces, Preljocaj a voulu évoquer le drame des mariages forcés de très jeunes filles dans les Balkans.

La chorégraphie est puissante, voire sauvage, menée à un rythme étourdissant, faisant s'affronter et se réconcilier les couples avant de tourner au rituel barbare symbolisé par des poupées de mariées en chiffon malmenées.

J'avoue que la musique tonitruante m'a rendu la chose pénible mais le tonnerre d'applaudissements qui a salué la représentation a prouvé l'engouement de l'assistance.