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Baronne Samedi

Broutilles paraissant le crésudi

Moïse et Pharaon - Rossini/Rustioni/Kratzer - Opéra de Lyon

Publié le 22 Janvier 2023 par Baronne Samedi in Art et spectacles, Opéra, Opéra de Lyon, Lyon, Musique

Neuf ans après le Mosè in Egitto qu’il avait créé à Naples en 1818, Gioachini Rossini reprend avec Moïse et Pharaon le thème de l’exode des Hébreux hors d'Egypte.

Il signe ainsi l’un des premiers grands opéras « à la française », ce genre nouveau dont les sujets volontiers politiques, les dimensions monumentales ainsi que les inventions musicales et scéniques reflètent l’histoire du 19e siècle, agitée par les enjeux des sept régimes politiques qui se sont succédé au pouvoir après la Révolution.

© Blandine Soulage

© Blandine Soulage

Le jeune metteur en scène allemand Tobias Kratzer revient à l’Opéra de Lyon, après son mémorable Guillaume Tell, du même Rossini, en 2019.

Pour évoquer l'oppression, il a choisi de la transposer visuellement dans un contexte d'actualité, entre camp de migrants et bureaux de la haute-finance. Les quelques séquences vidéo restent pertinentes et ne gênent pas le propos. 

© Blandine Soulage

© Blandine Soulage

J'avoue que ce n'est pas mon opéra préféré car il y a beaucoup de récitatifs et peu de morceaux de bravoure mais la mise en scène, tout comme les décors de Rainer Sellmaier, étoffent le tout.

Dans une partition riche en groupes et choeurs, Daniele Rustioni met une énergie féroce dans sa baguette, mais il sait respecter les moments plus intimes en laissant entendre toutes les nuances des vocalises. 

© Blandine Soulage

© Blandine Soulage

Au premier acte, les Hébreux réclament leur liberté au pharaon qui finit par  l'accorder, tandis que son fils et la nièce de Moïse sont amoureux.

Le duo des amants révèle le soprano agile, mais un peu léger d'Ekaterina Bakanova. Néanmoins, dans le dernier acte, la délicatesse de ses vocalises soulignera bien avec l'affreux dilemme qui affaiblit Anaï.

Malgré le tragique de la situation, la musique de Rossini est plutôt enjouée et une touche de comique s'y ajoute avec le fils du pharaon en costume de médecin-urgentiste...

Refusant de perdre sa bien-aimée qui doit suivre son peuple, Aménophis convainc son père de revenir sur sa décision.  Je n'ai pas apprécié le ténor de Ruzil Gatin que j'ai trouvé quelque peu claironnant.

Michele Pertusi est plein de noblesse, tant par le geste que par sa basse aussi sonore que chantante.  Il campe un Moïse imposant qui ancre le thème religieux initial.

L'acte se termine dans un impressionnant fracas musical, quand le prophète réclamant la vengeance divine,  plonge l'Egypte dans les ténèbres.

(c) Photo : Monika Rittershaus

(c) Photo : Monika Rittershaus

Au deuxième et troisème actes, frappé d'horreur et encouragé par son épouse Sinaïde, le pharaon supplie Moïse de ramener la lumière.

C'est le moment d'un superbe quintette faisant chanter Pharaon, Sinaïde, Aménophis, Moïse et son frère Eliezer.

Alors même que les choses semblent s'arranger, Pharaon annonce à Aménophis qu'il doit épouser une princesse assyrienne qui s'affiche en vidéo comme "Elégyne, princesse syrienne", à la manière d'une interface de réseau social, suscitant des rires dans le public.

C'est le temps des célébrations d'Isis, avec trois danses chorégraphiées par Jeroen Verbruggen. Combinant mouvements classiques et passages acrobatiques, le résultat est déconcertant mais somme toute engageant. 

Galvanisé, le grand prêtre égyptien veut imposer sa foi en obligeant Moïse à s'agenouiller.

Moïse, indigné, lève encore son bâton et les sept plaies s’abattent sur l’Égypte, matérialisées par un flot sanglant coulant de la fontaine du décor et par des images de catastrophes naturelles diffusées sur écran à la manière d'un journal télévisé. 

Aménophis qui craint qu'Anaï lui échappe, veut tuer Moïse et repousser la princesse. Sa mère, Sinaïde, l'exhorte au respect et c'est un chant magnifique dans lequel Vasilisa Berzhanskaya nous régale de sa voix admirable. La technique est impeccable mais surtout l'émotion est rendue dans toute l'étendue du registre, avec souplesse et rondeur. Des applaudissements mérités éclatent spontanément.

© Blandine Soulage

© Blandine Soulage

Au dernier acte, Aménophis promet à Anaï qu'il aidera les Hébreux à s'évader si elle reste pour l'épouser. Moïse, de son côté, rappelle sa nièce à la fidélité à son dieu. La pauvre fille renonce à l'amour et Aménophis, avide de vengeance, obtient du pharaon que les Hébreux soient remis en esclavage.

Pour échapper aux soldats, Moïse fait s'ouvrir les eaux de la mer pour que son peuple puisse s'enfuir. A ce stade, la mise en scène est bien plus pragmatique...

© Blandine Soulage

© Blandine Soulage

Pour l'engloutissement des poursuivants égyptiens, la séquence ne fera pas d'ombre à Cecil B. Demille, mais le procédé reste efficace et ne détonne pas avec la musique.

L'oeuvre a été bien applaudie, avec une montée en intensité pour Vasilisa Berzhanskaya.

On ne peut que se réjouir, une fois de plus, du succès de la collaboration entre Daniele Rustioni et Tobias Kratzer

Moïse et Pharaon - Rossini/Rustioni/Kratzer - Opéra de Lyon

Moïse et Pharaon - Nouvelle production - Du 20 janvier au 1e février 2023
Opéra en 4 actes de Gioachino Rossini, créé à Paris en 1827
Livret Giuseppe Luigi Balocchi et Victor-Joseph Étienne de Jouy
Durée 3h40 dont 2 entractes – En français

Direction musicale Daniele Rustioni
Chef des Chœurs Benedict Kearns

Mise en scène Tobias Kratzer - Chorégraphie Jeroen Verbruggen
Décors et costumes Rainer Sellmaier - Lumières Bernd Purkrabek Vidéo Manuel Braun

Moïse, basse Michele Pertusi
Pharaon, basse  Alex Esposito
Aménophis, fils de Pharaon, ténor Ruzil Gatin
Eliézer, frère de Moïse, ténor Mert Süngü
Osiride, grand prêtre d’Isis, et Une Voix mystérieuse, basse  Edwin Crossley-Mercer
Aufide, chef de la garde de Pharaon Alessandro Luciano
Sinaïde, épouse de Pharaon, soprano  Vasilisa Berzhanskaya
Anaï, fille de Marie, aimée d’Aménophis, soprano  Ekaterina Bakanova
Marie, esclave, mezzo-soprano Géraldine Chauvet
Princesse Elegyne Laurène Andrieu (rôle muet dans cette mise en scène)

Orchestre et Chœurs de l’Opéra de Lyon

Coproduction Opéra de Lyon, Festival d’Aix-en-Provence et Teatro Real de Madrid

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