Sous la forme d’une farce, la pièce de Henri Ibsen, inspirée des contes de Norvège, relate la chute et la rédemption d'un fanfaron :
Mythomane, habité d'une folie des grandeurs, Peer Gynt fuit son village après avoir trahi l'amoureuse Solveig et violé Ingrid le jour de son mariage. Quand il rencontre la fille du roi troll de Dovre, il renonce à sa condition d’homme pour la suivre dans son univers avant de l'abandonner enceinte pour courir le monde en espérant faire fortune.
L'oeuvre est une saga qui s'étend sur cinquante ans au cours desquels le personnage égoïste enchaîne les bassesses avant de connaître la folie et la misère qui le pousseront à retourner au pays natal.
Finalement, Peer Gynt retrouve Solveig, qui l'a attendu miraculeusement, et meurt paisiblement grâce à l'amour rédempteur.
J'ai toujours trouvé qu'il s'en tire trop bien et que l'abnégation de Solveig n'est guère crédible. Bref.
Pour illustrer musicalement sa saga, Ibsen avait approché Edvard Grieg qui ne fut guère enthousiasmé par l’histoire qu'il trouvait immorale. Par besoin d’argent, il accepta néanmoins de traiter «le plus anti-musical de tous les sujets».
Bien lui en prit puisque «Peer Gynt» débuta en triomphe à Oslo, en 1876.
Dans la mise en scène d'Angélique Clairand, la musique est en dialogue permanent avec le texte porté par les comédiens.
De sa collaboration avec la dramaturge Catherine Ailloud-Nicolas est née cette version dans laquelle Peer Gynt, adulte immature, a fait de sa chambre un monde dans lequel il fantasme ses péripéties.
Le décor d'Anouk dell'Aiera est donc une chambre aux parois de verre dont l'intérieur est en constante ré-invention, tout en repoussant à l'extérieur la réalité de la mère qui ne parvient plus à communiquer avec son fils.
Divers jeux de cintres et de trappes rajoutent à l'impression d'un rêve étrange, en particulier lorsque pour la Marche des Trolls surgissent des jeunes filles brandissant des oreillers.
La musique est magnifique, tantôt mutine, tantôt houleuse et, sous la baguette d'Elena Schwarz, elle garde une belle ampleur, tout comme les choeurs qui faisaient preuve d'une grande cohésion malgré la complexité des déplacements.
Le trio des filles des pâturages est lumineux et les deux arias de Solveig sont bien rendues par la voix sensible de Claire de Sévigné,
Jérémy Lopez porte haut le personnage dans tous ses états, gardant sous le délire la réalité d'un paumé et Martine Schambacher, que j'avais aimée dans Amitié et Le Tartuffe, incarne avec sensibilité sa mère désespérée,
Finalement, malgré quelques longueurs, la mise en scène axée sur le rêve, soulignant la quête d'identité de Peer Gynt, rend le personnage un peu moins écoeurant et la bonté de Solveig plus crédible.
Le critique allemand Eduard Hanslick disait : «Il se pourrait bien qu’avant longtemps ce Peer Gynt d’Ibsen ne continue à vivre qu’à travers la musique de Grieg.».
Je parie que même si vous ne connaissez pas l'oeuvre entière, vous avez déjà entendu Au matin, Dans l'antre du roi de la montagne et La danse d'Amitra...
Du 4 au 13 juin 2022 à l'Opéra de Lyon
Opéra de Edvard Grieg (1876) sur une pièce de théâtre de Henrik Ibsen
Mise en scène Angélique Clairand - Dramaturgie Catherine Ailloud-Nicolas
Direction musicale Elena Schwarz - Chorégraphie Corinne Garcia
Décors Anouk dell'Aiera - Costumes Bruno de Lavenère - Lumières Laurent Castaingt
Peer Gynt Jérémy Lopez, sociétaire de la Comédie-Française
Åse, la mère Martine Schambacher Le Roi des Trolls Jean-Philippe Salerio
Solveig Claire de Sévigné Ingrid & la Femme en vert Alizée Bingöllü Anitra & une fille des pâturages Caroline Macphie Deux filles des pâturages Heather Newhouse, Delphine Terrier
Orchestre et Maîtrise de l’Opéra de Lyon, Ensemble vocal
Durée 1 h 45