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Baronne Samedi

Broutilles paraissant le crésudi

Laon - Le familistère de Guise

Publié le 29 Juin 2022 par Baronne Samedi in Laon, Guise, Familistère, Architecture, Musée

Situé dans la commune de Guise, dans l'Aisne, le familistère fut un haut lieu de l’histoire économique et sociale des 19e et 20e siècles.

Construit en s'inspirant du phalanstère de Charles Fourier, l'établissement se définissait comme un « établissement où plusieurs familles ou individus vivent ensemble dans une sorte de communauté et trouvent dans des magasins coopératifs ce qui leur est nécessaire ».

Il fut construit pour l'hébergement de ses ouvriers par l'industriel Jean-Baptiste André Godin, créateur de la Société des Poêles en fonte Godin

Laon - Le familistère de Guise

Godin, qui avait été lui-même ouvrier, avait le souvenir des terribles conditions de vie et de travail des salariés de l'industrie. Il décida par conséquent d'utiliser sa fortune pour améliorer la vie de ses employés et offrir des solutions au problème du paupérisme ouvrier. En 1842, il découvrit, par des lectures, les théories de Charles Fourier.

À partir de 1859, il entreprit de créer un univers autour de son usine de Guise. Il fonda en 1880 l'association Le Familistère et transforma son entreprise en coopérative de production, les bénéfices finançant écoles et caisses de secours pour les maladies, les accidents du travail et la retraite des plus de 60 ans.

Pour Godin, le Familistère permettait de créer des équivalents de richesse auxquels les ouvriers ne peuvent accéder de manière individuelle mais qui leur sont accessibles quand ils sont mis en commun en remplaçant « par des institutions communes, les services que le riche retire de la domesticité ».

Les bâtiments du Familistère couvraient tous les besoins des familles. Seuls ont disparu la nourricerie et le pouponnât, détruits pendant la Première Guerre mondiale.

Laon - Le familistère de Guise

On retrouve dans le Familistère l'influence des principes de la coopération théorisés par Robert Owen et les tisserands de Rochdale. Ces principes apparaissaient dans le fonctionnement des économats, magasins coopératifs installés par Godin en face du Familistère, où les produits de première nécessité étaient vendus au comptant et dont les bénéfices étaient répartis équitablement entre les acheteurs.

Les économats sont aujourd'hui dédiés à la billetterie, une exposition permanente et une buvette.

Laon - Le familistère de Guise
Laon - Le familistère de Guise
Laon - Le familistère de Guise
Laon - Le familistère de Guise
Laon - Le familistère de Guise
Laon - Le familistère de Guise
Laon - Le familistère de Guise
Laon - Le familistère de Guise

Le Familistère en 1889 :

1 748 habitants
1 205 personnes employées à l’usine
   110 personnes employées dans les services du Familistère
    490 appartements occupés
    482 écoliers
     50 berceaux à la nourricerie
1 000 places dans le théâtre
2 360 ouvrages dans la bibliothèque

Achevé en 1864, le pavillon central est l'unité d’habitation la plus emblématique du Palais social. Avec ses 150 appartements, c’est également le plus grand. La vaste cour vitrée est le lieu des rassemblements et des fêtes de la société familistérienne.

Ouvert au public depuis avril 2010, toujours habité, l’édifice associe aujourd’hui lieux de vie quotidienne, salles d’exposition créées dans les anciens logements et événements sous la verrière.

Godin lui-même avait un appartement dans l'aile droite mais il a été transformé en salle d'exposition pour divers objets et informations.

Laon - Le familistère de Guise
Laon - Le familistère de Guise
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Laon - Le familistère de Guise
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Laon - Le familistère de Guise
Laon - Le familistère de Guise
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La taille des logements était variable selon le nombre d'occupants. et modulable. Pour répartir l'apport de lumière venant de la verrière, la hauteur sous plafond était de 2,60 au dernier étage ; de 2,90 m au deuxième étage ; de 3,15 m au rez-de-chaussée et au premier étage. 

Depuis sa création, cinq générations se sont succédé dans le Palais social. 

Des exemples d'aménagement (que j'ai trouvés bien trop limités) sont montrés au public, à commencer par 1867, où le salon est dans la chambre.

Laon - Le familistère de Guise
Laon - Le familistère de Guise
Laon - Le familistère de Guise

L'appartement suivant, avec une chambre séparée, est une représentation de 1929 :

Laon - Le familistère de Guise
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L'appartement suivant représente 1950 et ajoute de la place pour les enfants :

Laon - Le familistère de Guise
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Laon - Le familistère de Guise
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Laon - Le familistère de Guise
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Le dernier témoin se réfère à 1968 mais il n'a guère à montrer.

Laon - Le familistère de Guise
Laon - Le familistère de Guise
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Hygiéniste convaincu, Godin inclut dans les équivalents de richesse tout ce qui garantissait la salubrité du logement. La luminosité des appartements, la circulation de l'air, l'accès à l'eau potable à chaque étage étaient des éléments fondamentaux garantis par l'architecture  des bâtiments.

Le soin du corps était assuré par la création d'une buanderie, située près du cours d'eau, dans laquelle on lavait et sèchait le linge en évitant ainsi les odeurs d'humidité dans les logements. Il y avait également des douches et une piscine au plancher mobile permettant aux enfants d'y nager en toute sécurité. L'eau de baignade provenait de l'usine toute proche où elle avait servi à refroidir les tuyaux, arrivant ainisi à parfaite température.

Laon - Le familistère de Guise
Un réfectoire remplace désormais la buanderie

Un réfectoire remplace désormais la buanderie

Laon - Le familistère de Guise
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Laon - Le familistère de Guise
Laon - Le familistère de Guise
Laon - Le familistère de Guise
Laon - Le familistère de Guise

Godin accordait un très grande importance à l'éducation des enfants, mais aussi des adultes. Il fit construire des écoles mixtes et obligatoires jusqu'à 14 ans quand, à l'époque, la loi autorisait le travail des enfants à partir de 10 ans. Le théâtre était situé entre école et bibliothèque, pour bien marquer l'importance de la culture dans l'éducation.  Ils sont encore fonctionnels aujourd'hui.

En dehors des spectacles, le théâtre diffuse toutes les heures pour les visiteurs une réflexion filmée de 15 mn sur le climat social à l'origine du projet, jouée par des comédiens interprétant Fourier, Godin, Hugo...

La bibliothèque, le théâtre et l'école

La bibliothèque, le théâtre et l'école

Laon - Le familistère de Guise
Laon - Le familistère de Guise
Laon - Le familistère de Guise

Le théâtre du Familistère est inauguré le 5 juin 1870 à l’occasion de la fête du Travail. La partie en avant-corps sur la place comprend l’accueil au rez-de-chaussée et le foyer à l’étage dont les fenêtres offrent un beau panorama sur le Palais social. 

L’édifice est relié aux écoles par deux cours. Les façades sont animées par une riche modénature et par la polychromie de la maçonnerie de briques. 

La salle de spectacle est à l’italienne, sur le modèle du théâtre bourgeois du 19e siècle. Les dessous de scène et les cintres permettent de loger une machinerie assez importante.

Laon - Le familistère de Guise

A l’origine, la salle ne présente aucun décor, le sol du parterre est en ciment, elle offre de simples bancs à ses spectateurs. Les sociétés théâtrales et musicales du Familistère, ainsi que des troupes en tournée dans la région, s’y produisent.

La salle pouvait accueillir un millier de personnes  soit la totalité de la population familistérienne avant 1880.  C'est, avec la cour du pavillon central, un lieu privilégié des célébrations des fêtes et cérémonies du Familistère.

Laon - Le familistère de Guise

Une disposition particulière permet au théâtre de remplir des fonctions diurnes sans le secours de l’éclairage au gaz : grâce à quatre châssis vitrés d’éclairage zénithal ouverts dans la toiture, la salle bénéficie d’une lumière naturelle importante.

Enchâssé dans les écoles et communiquant directement avec ses préaux, le théâtre est une salle d’enseignement pour les élèves ; il constitue même, selon Godin, « la division supérieure de l’enseignement et de l’éducation générale ».

Les enfants de l’école primaire y prennent des cours de déclamation pour apprendre à s’exprimer devant un auditoire et ainsi faire valoir leur opinion en tant que futurs citoyens et associés.

Ils travaillent le chant, la musique et la comédie pour des représentations à l’occasion des fêtes de l’Enfance et du Travail. 

Laon - Le familistère de Guise

Le théâtre est « l’édifice consacré à la parole et à la glorification du travail ». Le fondateur y prononce des conférences ; l’assemblée générale de l’Association coopérative du capital et du travail y tient ses réunions statutaires ; les conseils du Familistère y siègent.

Après 1918, le théâtre subit diverses transformations. Les boiseries et le plafond reçoivent une décoration peinte. Le sol du parterre est couvert d’un plancher en bois. Des fauteuils dessinés par l’usine du Familistère en 1928 remplacent les bancs.

Laon - Le familistère de Guise

Après la disparition de la Société du Familistère, le théâtre est cédé en 1971 à la Ville de Guise puis classé en totalité au titre des monuments historiques en 1991. La restauration du théâtre et des écoles à partir de 2008 a redonné son éclat aux façades. Les dispositions du théâtre ont été adaptées pour assurer l’accessibilité, la sécurité et le confort du public sans altérer les qualités spatiales et acoustiques de la salle.

La nouvelle jauge est de 450 places, dont 346 places assises, du parterre au deuxième balcon. L’équipement scénique donne à la salle les moyens d’accueillir dans de bonnes conditions techniques le spectacle vivant, les conférences ou les séminaires.

Depuis sa réouverture en juin 2011, le théâtre du Familistère propose une saison annuelle de spectacles, dont le programme est éclectique et tout à fait contemporain. C’est un véritable équivalent de la richesse, dans une ville de 5 000 habitants en milieu rural. 

Laon - Le familistère de Guise

Après la mort de Godin en 1888, l'Association continua de fonctionner.  Prospère, grâce au renom de la marque « Godin », l'entreprise se maintint parmi les premières du marché jusqu'aux années 1960.

Sur le plan social, les choses restèrent également en l'état. Les différents gérants se concentrèrent sur la nécessité de conserver intacte l'œuvre du fondateur : aucun nouveau bâtiment ne fut ajouté au Familistère.

L'extinction progressive d'un véritable « esprit coopérateur » parmi les membres de l'Association est parfois vue comme l'une des raisons de sa disparition en 1968. 

En butte à des difficultés économiques, l'entreprise se transforma en société anonyme intégrée au groupe Le Creuset, qui conserva l'usine mais vendit  rapidement les autres bâtiments. La marque Godin elle-même fut transférée à la société Cheminées Philippe en 1988.

Les logements furent cédés en 1968 en copropriété. Toutefois, faute d'un ciment commun, l'utopie sociale qui avait été mise en pratique au Familistère se délita. Les logements devenant très vite insuffisants pour accueillir de nouveaux ouvriers, une priorité fut donnée aux enfants de familistériens. Ce caractère héréditaire de l'attribution entraîna des tensions, les associés apparaissant parfois comme une aristocratie satisfaite de ses privilèges et ne cherchant pas à les partager.

Une partie des bâtiments et des habitations se détériora, les coûts d'entretien des parties communes, dont les verrières, ne permettant pas aux copropriétaires d'assurer la remise à neuf du bâtiment.

Finalement, l'expérience fut pleinement réussie surtout pour les enfants de la première génération d'ouvriers. Ils reçurent tous les avantages de l'expérience de Godin avec des perspectives d'ascension sociale plus grandes que celles permises à leurs pères. 

En 1991, le site fut classé  Monument historique. Le projet Utopia financé à 80 % par l'Union européenne, l’État, la Région et le Département, fut lancé pour la réhabilitation des bâtiments et pour rendre à l'établissement sa valeur touristique, économique et sociale.  Les appartements occupés furent rachetés pour être rénovés et offrir un confort plus moderne à leurs occupants.

Aujourd'hui, le projet continue avec la volonté de développer la dimension sociale du Familistère mais aussi sa visibilité au plan international, avec la construction d'un hôtel.

Photographie : Georges Fessy, 2016

Photographie : Georges Fessy, 2016

A mon grand regret, faute de temps, je n'ai pas pu visiter le jardin créé en 1858 par Godin, comprenant un potager, un verger et une partie d'agrément, ponctuée de fontaines décorées de statues.

J'ai aussi manqué le grand jardin contemporain aménagé entre 2004 et 2008 dans une boucle de la rivière, s’étendant vers le fond de la vallée à partir du Palais social.

C'est peut-être le signe que je devrai revenir un jour à Guise...

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