Comment les femmes peuvent-elles devenir artistes à la fin du 19e siècle ? Dénuées de droits civiques, cantonnées à la sphère domestique, sans accès à l’École des Beaux-Arts, elles durent lutter pour être reconnues, passant parfois, comme Suzanne Valadon, du statut de modèle à celui d'artiste accomplie.
Contribuant aux mouvements d’avant-garde, elles s’emparèrent aussi de sujets jusque-là réservés aux hommes, comme le nu.
L'exposition qui se tient jusqu'au 5 septembre au Monastère de Brou met en avant des célébrités comme Camille Claudel, Marie Laurencin, Sonia Delaunay, Séraphine de Senlis ou Tamara de Lempicka, mais aussi d’autres artistes moins connues comme Émilie Charmy, Georgette Agutte ou Louise Breslau.
Je ne connaissais pas Louise Breslau mais ce portrait m'a beaucoup plu pour son traitement moderne et sensible.
Il s'avère que Madeleine Zillhardt fut sa compagne pendant 40 ans et c'est ce regard amoureux qui transparaît dans le portrait.
En 1905, Laurencin n'est pas encore la peintre célèbre qu'elle allait devenir. Braque l'introduit bientôt au Bateau-Lavoir, sur lequel règne Picasso.
Sa beauté étrange, dont Apollinaire tombe follement amoureux, est mise en valeur dans cet autoportrait naturaliste, éloigné du futur style sophistiqué de l'artiste.
En 1912, le couple d'artistes danois Gerda et Einar Wegener s'installe à Paris.
Posant habillé en femme pour Gerda dont le modèle est absent, Einar prend alors conscience de sa véritable identité et se mue progressivement en Lili.
Avec le soutien de Gerda, Lili Elbe devient en 1930 la première personne transgenre opérée, mais décède peu après.
Proche de Breton et d'Éluard, Valentine Hugo participe aux premières expositions du groupe surréaliste.
Elle réalise de nombreux portraits oniriques, dont celui de Picasso. Auréolé d'un thème astral, le maitre espagnol tient les cornes d'un taureau à la tête étrange.
Durant un séjour en Guinée française, dans les montagnes du Fouta Djallon, Anna Quinquaud rencontre les Foulah, un peuple peul dont elle admire la beauté.
Le sculpture du visage de ce chef est d'une noblesse qui rejoint les modèles classiques de la statuaire européenne.
Je ne connaissais de Lempicka que ses célèbres tableaux des Années folles, j'ai donc été touchée de découvrir un autre style, ici.
Cette œuvre qui montre une femme terrifiée fuyant avec son enfant dans les bras, évoque les heures sombres de l'invasion nazie en Europe, assimilée à la scène biblique de la Fuite en Egypte.
Lempicka et sa famille, qui avaient déjà fui la Révolution russe en 1918, durent quitter Paris pour les Etats-Unis en 1939.
Dans plusieurs œuvres, Tamara de Lempicka affiche sa prédilection pour les arums. Ces fleurs aussi belles que vénéneuses signifient le désir ardent en langage des fleurs.
Elle fait ainsi du traditionnel bouquet floral un manifeste de ses mœurs libérées de femme bisexuelle.
Dans les années 1920, Émilie Charmy réalise d'extraordinaires nus féminins, célébrés par les écrivains de l'époque. Colette écrit ainsi de Charmy qu'elle est "la servante magistrale d'une chair féminine au pinceau subtil, sans artifices et guidé par une lucide passion."
La peintre s'est ici inspirée d'une photo de celle qui fut son amie et amante.
Camille Claudel immortalise dans un tourbillon l'amour charnel qui l'unit à Rodin, avant de devenir une passion destructrice.
Cette œuvre majeure, créée en 1883, suscite le scandale car elle évoque le désir réciproque des deux danseurs. Afin de pouvoir l'exposer, Claudel doit vêtir le corps de la danseuse...
L'historique est ici : http://www.museecamilleclaudel.fr/fr/collections/la-valse