C'est un programme d'exception que j'ai eu le privilège de voir hier à l'Opéra de Lyon.
Avant Demain se compose de trois superbes chorégraphies de Jiří Kylián dansées avec une grâce infinie par le Ballet de l'Opéra de Lyon.
La rencontre de la danse contemporaine et la musique classique est très séduisante.
Initialement inspiré par les performances acrobatiques du cirque Busch, Jiří Kylián né en 1947, débute sa carrière à l’école du Ballet national de Prague à l’âge de 9 ans. Admis au conservatoire en 1962, il fait ses premiers pas en tant que chorégraphe.
Grâce à une bourse, il rejoint la Royal Ballet School de Londres où il rencontre le chorégraphe John Cranko qui l'amène au Ballet de Stuttgart.
En 1976, il devient directeur artistique du Nederlands Dans Theater (NDT), où il crée une deuxième compagnie pour danseurs plus jeunes (NDT II) puis en 1992, une compagnie de chambre pour danseurs de plus de 40 ans (NDT III).
Explorer les recoins de l'âme humaine et entraîner ses danseurs dans cette quête, est le fil rouge de l'œuvre de Jiří Kylián dont le Ballet de l'Opéra de Lyon est un interprète accompli. Non seulement, la compagnie en approfondit le style depuis les années 1980 mais elle s'est enrichie de la résidence du chorégraphe à l'Opéra initiée en 2016 et qui s'achève ici.
Dans ce programme, le chorégraphe offre aux danseurs trois oeuvres.
Le titre Wings of wax est une référence au mythe d'Icare, pourtant ce sont neuf artistes qui évoluent ensemble ou en partie. L'aile est présente dans les mouvements de grande ampleur et les portés, bras déployés. Merveilleusement synchrones, hommes et femmes se croisent et se complètent, dans une fluidité fascinante ponctuée de mouvements rapides qui ne cèdent jamais à la contorsion.
Chez les hommes, dans la légèreté des réceptions et dans les mouvements de hanches, il y a un soupçon de Broadway que n'aurait pas renié un Gene Kelly farfadet.
L'oeuvre de 20 mn paraît trop courte, tant chaque figure est un enchantement, la musique étant elle-même particulièrement envoûtante.
Wings of Wax - 8 danseur/ses - 23 minutes - Création le 23 janvier 1997, Lucent Danstheater, La Haye, Nederlands Dans Theater, entrée au répertoire du Ballet de l’Opéra de Lyon en 2019 Choréographie Jiří Kylián reprise par Ken Ossola et Urtsi Aranbur - Musique Heinrich von Biber, Passacaille pour violon solo (1676); John Cage, OEuvres pour piano préparé (1946/48); Philip Glass, Quatuor à cordes n°5 troisième mouvement (1991); Jean-Sébastien Bach, Variation Goldberg n°25 BWV 988 arrangement pour trio à cordes par Dimitri Sitkovetsky (1742) - Costumes Joke Visser - Décors et conception des lumières Michael Simon Adaptation (2008): Kees Tjebbe
Distribution du 18 avril : Caelyn Knight, Marco Merenda, Kirstina Bentz, Adrien Delépine, Lore Pryszo, Giacomo Luci, Coralie Levieux et Raùl Serrano Nuñez.
Bella figura est selon Kylián "une sorte de parabole sur la relativité de la sensualité, de la beauté et de l'esthétique en général".
La chorégraphie débute sans musique, avec chaque danseur/se dans un mouvement, comme à l'échauffement. La musique arrive et peu à peu, grâce à un jeu de rideaux noirs et de lumières, l'accent est mis sur des compositions en solo ou à plusieurs, dont un intéressant "pas de trois".
Les glissés évoquent le patinage artistique, et en filigrane, presque de manière subliminale, il affleure brièvement des gestuelles d'acrobate et de mime, empreintes d'humour et de poésie.
Les costumes sont d'ailleurs plutôt gymniques au début, et même à l'arrivée des jupes rouges flamboyantes, les mouvements de bras évoquent la précision d'un art martial plus que l'évanescence d'un coquelicot.
Le Ballet de l'Opéra de Lyon prouve toute l'étendue de ses capacités, rendant avec justesse jusqu'aux frémissements de mains.
Bella Figura - 9 danseur/ses - 33 minutes - Création le 12 octobre 1995, AT&T Danstheater, La Haye, Nederlands Dans Theater I, entrée au répertoire du Ballet de l’Opéra de Lyon en 2007 Choréographie, décors et conception des lumières Jiří Kylián - Reprise par Ken Ossola et Urtsi Aranburu - Musique Lukas Foss, Lento et andante, extraits de Salomon Rossi Suite – 1975 ; Giovanni Battista - Pergolesi, Ouverture et quando corpus, extraits du Stabat Mater – 1736; Alessandro Marcello, -Andante extrait du concerto pour deux mandolines et cordes RV 532 – vers 1720 ; Antonio Vivaldi, Grave extrait du concerto grosso Op. 8 n°6 - 1698 Costumes Joke Visser - Lumières Tom Bevoort, Kees Tjebbes
Distribution du 18 avril : Jacqueline Bâby, Aurélie Gaillard, Tyler Galster, Caelyn Knight, Edi Blloshmi, Julia Carnicer, Samuel Pereira, Julia Weiss et Albert Nikolli.
Gods and dogs nous propulse dans un tout autre registre, celui de l'inquiétude. Pour le chorégaphe "Les danseurs sont sujets plus que les autres aux blessures mentales, physiques et émotionnelles, car ils sont obligés d'exposer leur corps comme une oeuvre d'art".
Un danseur, seul, ouvre la scène. Il est seulement vêtu d'un pantalon gris informe. Son bras droit légèrement tendu devant son torse lui donne une posture de mendiant mais, sur le fond de scène, son ombre semble celle d'une statue de sénateur romain.
Dans l'éclairage blafard, la danse est plus heurtée, les duos plus empêtrés qu'entremêlés, les corps plus souvent ramassés au sol.
Le rideau se ferme sur un homme d'abord effacé par la lumière dans le décor, puis en noir de contre-jour, comme s'il n'était plus que l'ombre de lui-même.
C'est la folie qui s'est emparée de la grâce, et l'expressivité de cette pièce, pour dérangeante qu'elle soit, la rend totalement fascinante.
Gods and Dogs - 8 danseur/ses - 25 minutes - Création le 13 novembre 2008, Lucent Danstheater, La Haye, Nederlands Dans Theater 2, entrée au répertoire du Ballet de l’Opéra de Lyon en 2019 Choréographie et décors Jiří Kylián, reprise par Ken Ossola et Urtsi Aranburu Musique Jiří Kylián (concept), Dirk Haubrich (composition), Ludwig van Beethoven, Quatuor à cordes, opus 18 en fa majeur, adagio affettuoso ed appassionato Projections Tatsuo Unemi, Daniel Bisig - Vidéo Dag Johan Haugerud, Cecilie Semec Costumes Joke Visser - Lumières et réalisation technique : Kees Tjebbe Supervision projection et vidéo Thijs Scheele
Distribution du 18 avril : Aurélie Gaillard, Leoannis Pupo-Guillen, Noëllie Conjeaud, Tyler Galster, Marissa Parzei, Marco Merenda, Chiarra Paperini et Raùl Serrano Nuñez.