Quelle meilleure façon de commencer l'année qu'une superbe représentation à l'Opéra de Lyon ?
Avec Giulio Cesare et Tamerlano, Rodelinda est considérée comme une des meilleures oeuvres de Haendel. C'est un "opera seria", c'est-à-dire que le registre est dramatique, mais tout le monde ne meurt pas à la fin.
En revanche, complot, manigances, chantages et autres trahisons ne manquent pas dans ce récit haletant :
Grimoaldo, comte de Bénévent s’en est pris à Bertarido, roi de Lombardie, pour usurper le trône de Milan. Le roi déchu s’enfuit pour chercher des appuis, laissant sa femme Rodelinda et leur fils Flavio dans le palais de l’usurpateur.
Pour trouver le moyen de revenir les délivrer par la ruse, Bertarido fait courir la rumeur qu’il est mort en exil.
Cependant, Grimoaldo ne se contente pas de la couronne ; dédaignant Eduige, il convoite désormais Rodelinda…
Celle-ci est interprétée par la soprano Sabina Puértolas, dont le jeu habité n'altère en rien la clarté de la voix, qui exprime avec le même talent la tendresse et la fureur.
Claus Guth a planté le décor sur un plateau tournant, avec en fond un ciel changeant. Telle une maison de poupées, et sur deux étages, la demeure entièrement blanche est ouverte, montrant selon les scènes, façade, salon, chambre, palier...
Comme un théâtre d'ombres, les projections l'habillent de feuillages ou de dessins d'enfant quand Flavio exprime ce qu'il voit. Le metteur en scène a donné à ce rôle muet une place centrale : il est constamment présent, tantôt sujet, tantôt témoin impuissant, comme peut l'être un enfant confronté au drame.
L'expressivité de Fabián Augusto Gómez Bohórquez lui donne une intensité encore accrue par l'apparition périodique d'un personnage grotesque symbole de sa crainte.
Les rôles de Bertarido et son conseiller Unulfo sont magnifiquement chantés aussi mais j'avoue que pour une oreille contemporaine, le contre-ténor nuit à la virilité des personnages.
J'ai été éblouie par les variations de Lawrence Zazzo... avec parfois l'impression d'entendre une voix de comédie. Le costume y était pour beaucoup car si je l'avais vu en habit à frous-frous du 18e siècle, je n'aurais probablement pas été aussi décontenancée.
L'oeuvre déjà très belle est magnifiée par le rythme parfait donné aux scènes, enrichies de procédés comme des passages avec mouvements au ralenti, d'autres en tableaux vivants et, pour tous les personnages, une gestuelle parfaitement chorégraphiée.
L'Orchestre de l'Opéra de Lyon est mené avec vivacité par Stefano Montanari qui montre ainsi sa grande connaissance de la musique baroque.
Une telle réussite mérite d'être vue plusieurs fois et en attendant que l'Opéra de Lyon la montre de nouveau, France Musique et francemusique.fr diffuseront le spectacle le 20 janvier 2019 à 20h.
Rodelinda - Opéra en trois actes de Georg Friedrich Haendel (1725) sur un livret de Haym d’après d’Antonio Salvi et Pertharite de Pierre Corneille - Durée : 3 h
Mise en scène Claus Guth - Direction musicale Stefano Montanari
Dramaturgie Konrad Kuhn - Chorégraphie Ramses Sigl
Décors et costumes Christian Schmidt - Lumières Joachim Klein - Vidéo Andi Müller
Avec
Sabina Puértolas Rodelinda, femme de Bertarido (soprano)
Lawrence Zazzo Bertarido, roi des Lombards (contre-ténor)
Krystian Adam Grimoaldo, conquérant du royaume lombard contre Bertarido (ténor)
Jean-Sébastien Bou Garibaldo, duc de Turin (basse)
Lidia Vynies Curtis Eduige, sœur de Bertarido (alto)
Christopher Ainslie Unulfo, seigneur lombard (contre-ténor)
Fabián Augusto Gómez Bohórquez Flavio (rôle muet)
Orchestre de l’Opéra de Lyon
Coproduction avec le Teatro Real - Madrid