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Baronne Samedi

Broutilles paraissant le crésudi

Le roi Carotte - Offenbach - Pelly/Mélinand/Aviat

Publié le 23 Décembre 2015 par Baronne Samedi in Art et spectacles, Opéra

Photo du spectacle © Stofleth

Photo du spectacle © Stofleth

Le Roi Carotte est la preuve insensée que la satire politique s'accommode aussi à la sauce féerique : voici un ouvrage dont Offenbach et Sardou avaient fait une folie avec cent vingt personnes sur scène, des dizaines de décors et des centaines de costumes...

Bien avant les écrans verts et les effets spéciaux de cinéma, on peut dire qu'ils avaient mis le paquet, donnant près de 200 représentations triomphales à Paris, Londres, New York et Vienne. Puis le coût pharaonique de la production l'a rendue ingérable et la magie est retournée dans les cartons.

C'est à Laurent Pelly que nous devons la renaissance du Roi Carotte.  En découvrant le livret, il s'est senti inspiré par : "...cette construction impossible, opératique et délirante..."

Mais quel public pourrait aujourd'hui suivre une fantasmagorie de six heures, dont l'écriture  fut marquée par la guerre de 1870, la Commune et la chute du Second empire ? Et surtout, quelle structure aurait le budget nécessaire à une superproduction digne de Bollywood ?

Pour tirer de l'oeuvre sa quintessence, Pelly a travaillé avec Agathe Mélinand, sa codirectrice du Théâtre national de Toulouse, qui a choisi l'humour et le second degré pour donner une sorte d'unité à cette oeuvre multiple.  

Le chef d'orchestre, Victor Aviat,  a relevé un vrai défi car l'opéra n'ayant pas été joué depuis sa création, il  fallait trouver l'équilibre entre le texte et une musique endiablée, sans s'appuyer sur une tradition établie, d'autant qu'il n'y a encore aucun enregistrement.

Photo du spectacle © Stofleth

Photo du spectacle © Stofleth

L'argument est somme toute une histoire d'amour et de pouvoir, prétexte à de nombreux rebondissements : le frivole roi  Fridolin veut épouser la capricieuse Cunégonde pour sa dot. Or la princesse Rosée-du-Soir, prisonnière de la sorcière Coloquinte, est amoureuse de lui.

Le génie Robin-Luron la fait évader tandis que pour nuire à Fridolin, la sorcière transforme une carotte en roi et, bien qu'il soit un rustre, convainc tout le monde, par enchantement, que c'est un homme meilleur que Fridolin, qui se fera destituer.

Après bien des péripéties, le Roi Carotte redeviendra légume et Cunégonde retournera chez son père tandis que Fridolin, retrouvant l'estime de son peuple, épousera la douce Rosée du Soir.

Photo du spectacle © Stofleth

Photo du spectacle © Stofleth

Le Choeur de l'Opéra, très sollicité, se transforme au gré de l'histoire, dans des costumes allant des habits de cour à l'uniforme de radis, en passant par les masques de fourmis et les toges romaines. C'est aussi l'occasion pour ces chanteurs de faire la preuve de leurs talents de comédiens.

Tout ce beau monde rit, pleure, complote et séduit, voyageant dans l'espace et le temps,  côté cour (de Fridolin), côté jardin (potager) et  jusqu'à Pompéi. 

Photo du spectacle © Stofleth

Photo du spectacle © Stofleth

Louis Jouvet  disait que le décor est le total des sentiments qui animent la représentation : la scénographe Chantal Thomas en fait la brillante démonstration en utilisant tout l'espace de la grande et haute scène de l'opéra pour faire surgir des accessoires extraordinaires, emblématiques de chaque rebondissement. 

Le rideau s'ouvre sur les deux étages d'une bibliothèque-laboratoire, tandis qu'une conteuse annonce ce que nous devons imaginer.

Cette astucieuse économie de moyens pourrait décevoir si elle s'arrêtait là... mais, à mesure de l'histoire, la scène se transforme grâce  aux  accessoires les plus extraordinaires : une cohorte d'armures descend des cintres,  l'armée de légumes pousse du sol,  des coulisses arrive un immense grimoire, tandis que les armoires deviennent colonnes ou échoppes, les insectes grouillent sur des images agitées par le choeur et le Roi Carotte dort dans une énorme cagette.

Il y a bien plus à voir, mais ce serait gâcher de merveilleuses surprises que de tout raconter ici.

La partition alterne valses et galops avec beaucoup d'entrain, laissant tout de même place à de très beaux soli, dont ceux de Rosée-du-soir prisonnière à qui Chloé Briot donne une sensibilité  et une puissance qui ne font pas mentir son nom.

La mezzo-soprano Antoinette Dennefeld se taille la part du lion dans le rôle omniprésent de Cunégonde. Au coquin Rondeau, bien enlevé, elle donne une verve impertinente qui sert bien le propos et ses Couplets du panache sont particulièrement revigorants.

Cette belle représentation a été chaudement applaudie, donnant raison à  l'Opéra de Lyon d'avoir voulu nous faire découvrir cette féerie potagère.

Photo du spectacle © Stofleth

Photo du spectacle © Stofleth

Du 12 décembre 2015 au 1e janvier 2016 à l'Opéra de Lyon

Le Roi Carotte  - Jacques Offenbach (1872)
Opéra-bouffe-féérie en 3 actes  sur un livret de Victorien Sardou d’après un conte d’Hoffmann

Adaptation du livret et nouvelle version des dialogues  Agathe Mélinand
Mise en scène et costumes Laurent Pelly Décors Chantal Thomas  Lumières  Joël Adam

Le Roi Carotte Christophe Mortagne Fridolin XXIV Yann Beuron Robin-Luron Julie Boulianne
Truck  Boris Grappe Pipertrunck Jean-Sébastien Bou  Cunégonde Antoinette Dennefeld Rosée du soir Chloé Briot La sorcière Coloquinte  Lydie Pruvot

Orchestre, Choeurs et Studio de l’Opéra de Lyon - Direction musicale  Victor Aviat
Chef des Choeurs Philip White - Directeur artistique du Studio : Jean-Paul Fouchécourt

Durée : 3h00 environ, entracte compris.

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