Je suis la preuve vivante que le ridicule ne tue pas

J'aime le noir. C'est valable pour le chocolat, le café, les idées et les vêtements.

D'ailleurs, je n'ai longtemps porté que du noir. En matière de garde-robe, ce n'est pas de la modestie car j'ai l'austérité ostentatoire, mais du sens pratique.

Sac, chaussures, jupe, chandail, robe... tout est  assorti et  n'importe quelle touche de rouge  prend une intensité remarquable (ostentatoire, disais-je).

Les préoccupations de mode ou de lessive m'étaient totalement étrangères, et peu importait si ma manche passait sur de l'encre fraîche ou si je devais graisser un gond.

Pourtant, dans un élan inexplicable, j'ai acheté une robe couleur ivoire.

Le fait est que sur une brune, c'est une fort jolie teinte et que de miroir complaisant en vitrines complices, je me suis pavanée toute la journée comme une enfant étrennant un nouveau jouet.

J'ai suscité un émoi considérable (ostentatoire, je vous dis...), inondée de compliments comme si soudain la chenille devenait papillon.

C'était une journée glorieuse et pour célébrer ça, entre deux navettes à la photocopieuse je savourais béatement des chocolats qu'on m'avait offerts à l'heure du déjeuner.

Pas peu fière d'avoir innové, je suis rentrée chez moi, heureuse de n'avoir pas causé aucune tache de sauce ni de rouge à lèvres.

Seulement, quand j'ai ôté la robe pour la mettre au lavage, j'ai découvert avec horreur qu'une miette de chocolat que j'avais cru tombée dans la corbeille , lorsque je me suis levée, avait en réalité atterri sur mon siège et que je m'étais assise dessus.

Je suis la preuve vivante que le ridicule ne tue pas.