Londres - Le thé au Ritz

Dans ma liste des choses à faire, il y avait le fameux afternoon tea anglais dans un lieu de choix.  L'occasion s'est présentée quand j'ai rejoint une amie canadienne venue en Angleterre pour prendre part à un atelier d'aquarelle.

Après avoir écarté les versions à la mode, sur des thèmes comme "Harry Potter", "Dinosaures" et autres  "Alcool à flot",  j'avais opté pour le thé au Ritz de Londres.  Les fameux Harrod's et Fortnum & Mason ne me convenaient pas car leur option végétarienne est par défaut végane et sans gluten.

Hélas, la fatigue du voyage a eu raison de mon amie et c'est donc seule que j'ai finalement pris ce thé réservé de longue date.

Alors que la coutume de boire du thé a été popularisée en Angleterre au 17e siècle, ce n'est qu'au milieu du 19e siècle que l'afternoon tea est apparu.

Au Moyen Âge, un en-cas était mangé au réveil puis le repas principal appelé dîner était pris en milieu de journée par presque tout le monde. Du début au milieu du 17e siècle, il pouvait avoir lieu à tout moment entre la fin de la matinée et le milieu de l'après-midi.

À la fin du 17e siècle et au 18e siècle, ce dîner fut progressivement repoussé vers le soir, créant un intervalle de temps plus important entre le repas du matin et celui du soir. Un nouveau repas, le luncheon fut créé pour le milieu de journée, mais il était léger, consistant principalement en les restes de la veille.

On attribue l'invention de l'afternoon tea à Anna Maria Russell, amie de la reine Victoria, et duchesse de Bedford, qui un jour réclama un goûter pour tenir jusqu'au dîner.  Néanmoins, la reine Victoria, lors de son séjour auprès de la reine Elizabeth de Prusse, écrivait dans son journal, le 15 août 1845 :

"Nous sommes descendus [..] prendre le thé à la manière tout à fait allemande.  Nous, les princesses, étions assises à une table sur laquelle il n'y avait pas de nappe, et d'excellents gâteaux de toutes sortes furent servis, tandis que les dames de la reine préparaient le thé."

On peut donc penser que c'est de là que la coutume fut rapportée en Angleterre.

Anna Maria Russell finit par convier ses amies lors de ce petit goûter dans son boudoir de Woburn Abbey durant l’été. Cette pratique devint si populaire qu'elle continua d’inviter ses amies, un fois de retour à Londres.

Très vite, d’autres dames de l’aristocratie imitèrent la duchesse, rendant cette pause thé suffisamment respectable pour la déplacer des appartements privés au salon.

La tradition se répandit jusque dans les maisons des classes moyennes. Au 19e siècle, l’afternoon tea faisait partie de la journée de toute la population.

On fait aujourd’hui la distinction entre le low tea et le high tea.  Il ne s’agit pas là d’une distinction de classes mais plutôt... d'une hauteur de table.

En effet, alors que dans l'aristocratie le low tea était servi vers 16 h sur des tables basses juste avant une promenade dans Hyde Park, le high tea était pris à la table du dîner vers 17 h ou 18 h par les classes moyennes et, plus copieux, remplaçait souvent le dîner.

C'est cette dernière version que j'ai savourée aujourd'hui, dans un décor kitsch à souhait.

J'ai pu avoir une version végétarienne mais j'ai été déçu d'apprendre que le  thé noir de Ceylan, issu de la plantation Nuwara Eliya était indisponible. 

Je me réjouissais d'en boire car il est en rupture en France depuis des mois, sans que les importateurs s'en expliquent. 

A la place, j'ai commandé un Darjeeling qui s'est avéré délicieux.

Dans une ambiance feutrée, doucement animéee par un harpiste, trois personnes en livrée se  sont occupé de ma table dans un ballet bien réglé : une sorte de maître d'hôtel a pris ma commande, un serveur a apporté  la théière et la nourriture en m'indiquant qu'on viendrait remplir la tasse quand le thé serait à point.

Effectivement, une serveuse est venue verser le thé puis m'a expliqué ce que contenait les sandwiches et les gâteaux.

La nourriture consistait en petits sandwiches garnis de divers mélanges de légumes et fromage, en scones et en petits gâteaux.

Les scones sont servis tièdes et moelleux. Il suffit de faire pivoter la partie supérieure pour les ouvrir. 

On les mange en deux fois, après avoir appliqué sur chaque partie de la crème très ferme et de la confiture de fraise.

Il y a deux écoles : celle du Devon préconise d'étaler d'abord la  crème puis la confiture, celle des Cornouailles préfère étaler d'abord la confiture puis la crème.

Contrairement à feue la reine Elisabeth II, j'ai préféré la première méthode.

Alors que je terminais mes friandises, j'ai eu la surprise qu'on me suggère une part de gâteau supplémentaire, à choisir parmi les deux recettes du jour, au chocolat ou au citron. A mon grand regret, même si j'ai eu un élan de convoitise, mon estomac était trop plein et j'ai dû décliner l'offre.

Cette heure  calme et élégante était un vrai plaisir, et le fait que les clients soient vêtus décemment l'était tout autant, après avoir subi tant de moches en short et claquettes dans mes précédentes pérégrinations.

Avant de quitter les lieux, j'ai voulu voir les toilettes pour dames, ou plutôt "le salon pour se repoudrer", selon l'euphémisme que prisent les lieux de prestigue.

Je n'ai pas regretté car c'est un kitsch qui mérite d'être vu...