Dom Juan - Molière/Makeïeff

C'est du bon théâtre dont nous ont régalés Macha Makeieff et son équipe avec un décor pertinent, des déplacements au cordeau et un texte interprété avec beaucoup de finesse. Brisant allègrement le quatrième mur, la troupe s'est emparée du public qui s'offusquait et riait tour à tour.

La pièce de Molière relate sur le mode de la comédie le destin épouvantable d'un jeune débauché, libertin dans une époque confite en religion.

Souvent représenté en homme vieillissant, Dom Juan n'a pourtant que la vingtaine comme l'indiquent plusieurs répliques, dont dès le premier acte l'explication, par son valet, de son refus d'engagement :  " [...] c'est qu'il est jeune encore, et qu'il n'a pas le courage."

L'impression du grand âge vient de ce que sa débauche use son âme prématurément : bientôt blasé, il court encore car c'est dans sa nature de jouisseur mais il sent que l'étau des conventions se resserre.

C'est la force de Xavier Gallais d'avoir montré toutes les facettes du personnage, du sale gosse qui nargue son père au faux repenti qui se prépare à sa damnation, en passant par le menteur prédateur.

Plus saisissant encore, il y a sa façon de délivrer sa tirade à la scène 2 de l'acte 1 : "... il n'est rien de si doux que de triompher de la résistance d'une belle personne, et j'ai sur ce sujet l'ambition des conquérants, qui volent perpétuellement de victoire en victoire, et ne peuvent se résoudre à borner leurs souhaits...". Tout comme dans sa dernière rencontre avec Done Elvira, blême et vêtu de noir, il évoque l'animalité du vampire.

Pour autant, Vincent Winterhalter est un Sganarelle si formidable qu'il tire la couverture en révélant tout la complexité du rôle.

A la manière de la Commedia dell'arte, il étourdit le public alternant verbiage et pantomime comique.

Ce Sganarelle, fasciné par son maître autant qu'il le méprise, a parfois des élans de tendresse, qui rappellent la jeunesse de Dom Juan.

Très à l'aise dans la rigueur de Dom Louis, Pascal Ternisien était délicieux dans le ridicule M. Dimanche ; Joaquim Fossi en Dom Alfonse et en Pierrot était désopilant, autant qu'Anthony Moudir en Dom Carlos.

Le jeu de Xaverine Lefèbvre et son physique atypique conféraient au rôle de Charlotte beaucoup de drôlerie.

Le seul bémol aura été pour moi le traitement du Commandeur mais au regard de l'excellence de la représentation, ce n'est qu'un détail.

Dom Juan (1665) - Comédie de Molière

Mise en scène, décor et costumes Macha Makeïeff
Assistanat :  mise en scène Lucile Lacaze ; scénographie Nina Coulais ; costumes Laura Garnier

Dom Juan Xavier Gallais
Sganarelle Vincent Winterhalter
Dom Louis/M. Dimanche Pascal Ternisien
Elvire Irina Solano  
Dom Alfonse/Pierrot/le cuisinier Joaquim Fossi
Dom Carlos/Gusman/le Gilles Anthony Moudir
Mathurine/une libertine Khadija Kouyaté
Charlotte/une libertine/le Commandeur Xaverine Lefebvre
Mezzo-soprano Jeanne-Marie Lévy,   

Lumière Jean Bellorini assisté de Olivier Tisseyre
Son Sébastien Trouvé assisté de Jérémie Tison
Maquillage, perruques Cécile Kretschmar
Mouvement Guillaume Siard
Toile peinte (clavecin) Félix Deschamps Mak
Régie générale André Neri - Régie plateau Marine Helmlinger - Machiniste accessoiriste Jeanne Doireau

Coordination Mathieu Gerin - Administration Pauline Ranchin
Diffusion Pascale Boeglin-Rodier

Construction des décors et confection des costumes Les ateliers du TNP
Construction des accessoires DTMS Machiniste Constructeur du Lycée professionnel Jules Verne – Sartrouville