L’histoire de l’Hôtel Le Vergeur à Reims commence au 13e siècle avec la construction du bâtiment gothique : une grande salle qui accueillait des marchands et des commerçants, installée Place des Marché dans le quartier de la riche bourgeoisie d’affaires.
L’Hôtel s’enrichit vers 1523 de ses parties Renaissance grâce au propriétaire de l’époque, Nicolas Le Vergeur. Il était grainetier du grenier à sel de Cormicy ; sa richesse, ses offices lui permirent d’accéder au rang de la noblesse.
L’Hôtel subit des remaniements au gré des nouveaux propriétaires. Au 19e siècle, il appartient, entre autres, à la célèbre Veuve Clicquot-Ponsardin.
C’est en 1910 que Hugues Krafft, voyageur, collectionneur et cofondateur de la Société des Amis du Vieux Reims, achète l’hôtel à Désiré Belleau pour sauver d’un départ vers les États-Unis le remarquable plafond en bois peint du 18e siècle de la salle gothique, aujourd'hui disparu.
Soucieux de la sauvegarde du patrimoine, il s’attache à préserver de la démolition des façades de maisons, des portails d’églises de Reims qu’il expose par la suite dans son jardin-musée conçu comme un prolongement extérieur à ses collections.
Il achète également des cheminées, des trumeaux, des escaliers de maisons anciennes, sauvant ainsi le patrimoine rémois.
Au rez-de-chaussée, le salon d’honneur, dont le sol en pavement du 15e siècle est encore préservé, présente notamment un impressionnant portrait exécuté par le peintre hollandais Jacob Backer, contemporain de Rembrandt, ainsi qu’une imposante armoire allemande du 17e siècle.
Dans la galerie Renaissance, qui jouxte le corps de logis principal, une sélection de vestiges archéologiques gaulois et gallo-romains permet d’évoquer l’histoire de la cité antique de Durocortorum.
La première guerre mondiale endommage les bâtiments de l’Hôtel. Hugues Krafft consacre une grande partie de sa fortune personnelle et de ses dommages de guerre pour restaurer son hôtel.
En 1930, il affecte le rez-de-chaussée à la Société des Amis du Vieux Reims et à ses collections et réserve les étages pour ses appartements.
Au premier étage, se succèdent les pièces de réception, agencées autour d’un couloir central : le salon dit « des sacres », le fumoir, le boudoir et la salle à manger sont ornés d’un riche mobilier de styles Louis XIII, Louis XV et Louis XVI.
L’histoire des sacres des rois de France au 18e siècle y est retracée à travers diverses peintures et estampes, la grande histoire se mêlant ainsi à celle du lieu.
L’un des salons présente une collection exceptionnelle de 50 gravures d’Albrecht Dürer mais, hélas, le jour de ma visite, elle n'était pas visible.
Viennent ensuite les pièces réservées aux domestiques : la cuisine et l’office. Les cuivres aux initiales du maître de maison « HK », le bel ensemble de porcelaines françaises et étrangères, parmi lesquelles un « service à l’oignon » de Meissen, témoignent de l’art de vivre de la bourgeoisie.
Hugues Krafft a rapporté de ses voyages à travers le monde un grand nombre d’objets, vêtements et plaques photographiques.
À sa mort, ses riches collections ont constitué le cœur du Musée-Hôtel Le Vergeur, enrichies au fil des ans grâce à la générosité de nombreux donateurs.
Malheureusement, la collection de gravures de Dürer n'était pas visible lors de ma visite.
Au second étage, l’atmosphère des pièces privées est plus intimiste. On y découvre l’histoire personnelle et familiale d’Hugues Krafft, au fil des dessins d’enfants, des portraits peints et des photos de famille.
Les objets rapportés de ses voyages autour du monde, son matériel de peinture, ses appareils photo, de même que quelques photographies, parmi les milliers qu’il a réalisées, permettent de mieux saisir la personnalité étonnante et fascinante de ce philanthrope et collectionneur éclairé, qui fut notamment l’une des figures importantes du japonisme en France.
Les différentes facettes de Krafft sont ainsi esquissées, à la fois jeune bourgeois ayant reçu une éducation classique, globetrotter, membre actif de nombreuses sociétés savantes et défenseur du patrimoine local.
Dans la salle gothique, le plafond peint disparu a été remplacé par un plafond en ornement dit "en plis de serviette".
Elle est consacrée à des expositions temporaires.