Mon train arrivant trop tard à Nancy pour commencer la visite de la ville, j'ai réservé le dîner dans un lieu d'exception : la brasserie l'Excelsior.
L'Excelsior a vu le jour en 1911 à l’initiative de Louis Moreau, comme une vitrine de luxe de sa brasserie de Vézelise, au cœur de l’effervescent quartier de la gare. Combinant un hôtel et une brasserie, il a été construit comme un chef d’œuvre de l’École de Nancy, alliance de l’art et de l’industrie.
La partie hôtelière a été depuis transformée en appartements, mais la brasserie demeure un symbole vivant des grands cafés de la Belle Epoque.
Après avoir échappé aux bombardements de la Seconde Guerre mondiale, la brasserie a failli disparaître pendant les années 1970. Il aura fallu l'intervention du célèbre commissaire-priseur, Maurice Rheims, spécialiste de l'Art nouveau, pour que la municipalité renonce au programme immobilier qui aurait détruit cette merveille, et décrète son classement comme monument historique en 1976.
Si la façade, par sa rigidité et sa verticalité renvoie à l'école viennoise, les lignes courbes du volume intérieur, mêlées aux thèmes végétaux et exotiques, sont celles que l'Art nouveau nancéien affectionne.
L'ensemble décoratif unique est le fruit de la collaboration exemplaire de Louis Majorelle, Jacques Grüber et Antonin Daum. Les vitraux de Grüber ornent les larges baies de fougères, de pins et de feuilles ginkgo biloba.
Le mobilier en acajou massif de Cuba, conçu par Majorelle, associe ses couleurs chaudes à l'essence exotique des lambris en tamarinier.
Trois cents becs lumineux de Daum, des lustres et des appliques en cuivre ciselé éclairent les voussures du plafond où serpentent de grandes fougères en moulures sculptées par Galetier et Burtin.
Au sol, une mosaïque de Pèlerin dessine de larges motifs en queue de paon.
En 1929, en pleine influence Art Déco, la descente d’escalier vers le sous-sol sera livrée à l’inspiration du ferronnier d’art Jean Prouvé qui opta pour l'acier poli.
L'enseigne de la brasserie utilise la police Arnold Böcklin, l'une des plus connues de l'Art nouveau.
Bonheur suprême, l'Excelsior propose un sympathique menu végétarien : betterave et chèvre frais, linguini généreux en cèpes et pour finir, le dessert "Tout Nancy" rassemblant mirabelle, parfait meringué à la bergamote et petits macarons.
Pour le vin, j'ai découvert et aimé le Côtes de Toul rouge de Laroppe, tannique avec une fraîcheur de fruits rouges.
Et pour rester sur la touche locale, j'ai savouré en digestif une succulente eau-de-vie de mirabelle.