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Baronne Samedi

Broutilles paraissant le crésudi

Moussorgski et Tchaïkovski/Daniele Rustioni - Opéra de Lyon

Publié le 24 Septembre 2017 par Baronne Samedi in Art et spectacles, Musique, Lyon

C'est en beauté que Daniele Rustioni a ouvert sa premère saison de concerts. A seulement 35 ans, il est le nouveau chef d'orchestre permanent de l'Opéra de Lyon, dans la lignée de sa brillante carrière.

Il abordait ce nouveau défi avec enthousiasme, déclarant à Hugh Canning, critique et  rédacteur en chef pour la musique classique au Sunday Times de Londres :

À Lyon, j’ai rencontré une autre « famille » musicale. J’ai une relation privilégiée avec Serge Dorny, nous voulons construire des ponts entre chef d’orchestre et directeur, établir une vraie collaboration musicale et théâtrale. Par ailleurs, je voudrais m’inspirer à Lyon de l’âge d’or de l’opéra, où le chef d’orchestre assumait le travail des répétitions du début à la fin, ce qui – je le déplore – n’est plus souvent le cas aujourd’hui.

Aujourd'hui, bien qu'impeccablement vêtu d'un habit à queue de pie et de souliers vernis, Rustioni était un farfadet bondissant qui semblait même danser certaines mesures.

Sa passion contagieuse a tétanisé le public et je n'ai jamais vu un orchestre sourire autant !

Photo (c) Blandine Soulage Rocca

Photo (c) Blandine Soulage Rocca

La programme a commencé par Une nuit sur le Mont Chauve, de Moussorgski.

 

Issu d'une famille de propriétaires terriens, le compositeur abandonne en 1859 la carrière militaire pour se consacrer à la musique.  Excellent pianiste, beau et mondain, il est recherché dans tous les salons et rejoint, comme son ami Rimski-Korsakov le Groupe des cinq, des compositeurs soucieux de préserver la musique et le folklore russes.

 

Cet épanouissement artistique contraste avec ses difficultés quotidiennes : ruiné par l'abolition du servage, il doit travailler comme fonctionnaire subalterne et ne sera pas plus heureux en amour. Artiste maudit, malgré ses dons immenses, son existence misérable se terminera tôt, submergée par l'alcool.

Modeste Moussorgski (1839 - 1881)

Modeste Moussorgski (1839 - 1881)

Le poème symphonique Une nuit sur le mont Chauve fut publié en 1867, inspiré d'une nouvelle de Nicolas Gogol, La Nuit de la Saint-JeanAu cours de cette nuit, les paysans de Petite Russie plaçaient à leur fenêtre des orties pour chasser la sorcière Baba-Yaga et ses consœurs célébraient le diable en dansant le sabbat sur le Mont Chauve, près de Kiev

 

Les Russes du 19e siècle adoraient ce genre de légendes et les sorcières faisaient partie des personnages préférés des Romantiques. Moussorgski retravailla son orchestration plusieurs fois  mais elle fut jamais jouée de son vivant. C'est la ré-orchestration par Rimski-Korsakov qui reste la plus connue, alors qu'il en a supprimé toutes les références trop évidentes à la musique russe, oubliant la vocation du Groupe des cinq, et qu'il a rendu le final presque mièvre.

 

Pourtant, Moussorgski disait de sa propre version : «Je crois que cela correspond bien au caractère du sabbat, qui est tout en cris et en appels dispersés, jusqu’au moment où la racaille diabolique se mélange dans une confusion totale ». 

Vues du sabbat, par Johannes Praetorius, 1668

Vues du sabbat, par Johannes Praetorius, 1668

Et, de fait,  la partition d'à peine un quart d'heure fait un barouf d'enfer, à grand renfort de cuivres, de cymbales et de grosse caisse !   Il y a des métalleux qui pourraient en prendre de la graine...

 

Mais il y a aussi de belles nuances à préserver, avec des touches de harpe et de flûte. C'est ce qu'a vraiment réussi l'Orchestre de l'opéra, emmené par son nouveau chef. La musique était nette, très articulée, laissant tout entendre, quelles que soient les variations de volume et de rapidité.

Après cette tempête fantastique, c'est à la terrible réalité de la vie du peuple qu'on est revenu, avec Chants et danses de la mort, une oeuvre écrite pour voix et piano en 1870 et fondée sur les poèmes d'Arseny Golenishchev-Kutuzov.

C'est l'orchestration des quatre mélodies par Chostakovitch en 1962 qu'a dirigée Daniele Rustioni, aujourd'hui.

Avec la Berceuse, la Mort déguisée en nourrice entraîne un bébé dans le sommeil éternel, puis c'est une jeune fille malade qu'elle emmène, lui chantant une Sérénade pour la séduire.

La Mort et la Jeune fille - Niklaus Manuel Deutsch - 1517

La Mort et la Jeune fille - Niklaus Manuel Deutsch - 1517

En dansant quelques pas de Trepak, un paysan ivre trébuche et s'endort sous une mortelle couverture mortelle de neige en rêvant d'une colombe dans un  champs d'été.  Pour finir, la Mort est dépeinte en Chef d'armée inspectant les troupes après une bataille terrible.

Il est bien dommage que les paroles russes n'aient pas été sur-titrées mais la mezzo-soprano Elena Zhidkova, sensible et habitée, a su nous en faire passer toute l'émotion, dirigée avec une délicatesse attentive par Daniele Rustioni.

L'entracte a été presque un choc, tant le soleil inondait le foyer,  faisant chatoyer l'or des lustres.

Moussorgski et Tchaïkovski/Daniele Rustioni - Opéra de Lyon

Pour la seconde partie, c'est Tchaïkovski qui était à l'honneur.

 

Ecrite après le marasme causé par un mariage désastreux, la 5e symphonie fut donnée pour la première fois à Saint-Pétersbourg en 1888, sous la direction du compositeur lui-même.

Piotr Tchaikovski (1840 - 1893)

Piotr Tchaikovski (1840 - 1893)

D’après les notes du compositeur, le thème abordé par la symphonie est celui du destin et de la prédestination. Il faut dire que l'homme connaissait des hauts et des bas dans sa carrière.


L’œuvre est très belle dans son lyrisme, avec de belles couleurs orchestrales. Les mouvements sont traversés d’un motif récurrent qui, s’il a une résonance funèbre au premier, se transforme progressivement en une marche triomphante au quatrième.

 

Au deuxième mouvement, certains crescendos étaient d'une frénésie qui confinait à la violence  et j'avoue que mon coeur a été bien secoué puis ému par la finesse de la transition complexe vers la suite.  Le troisième mouvement est un curieux alliage de valse et de scherzo, avec un passage fugace de clarinette presque jazzy... Surprenant mais très séduisant.

 

En conclusion, ce concert augure bien de ce que l'Opéra de Lyon nous présentera pour la nouvelle saison : dépêchez-vous de consulter le programme !

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