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Baronne Samedi

Broutilles paraissant le crésudi

L'apprentissage de Duddy Kravitz - Ted Kotcheff

Publié le 15 Octobre 2014 par Baronne Samedi in Art et spectacles, Festival Lumière

Ted Kotcheff est un réalisateur canadien qui, bien que très actif depuis 1958 à la télévision, au théâtre et au cinéma, est surtout (in)connu pour son film « Rambo ». Grâce au Festival Lumière de Lyon 2014, nous découvrons son film « L’apprentissage de Duddy Kravitz » dont il a conté lui-même la genèse, le 14 octobre.

Atteint du « syndrome Hemingway » qui veut qu’un auteur ne soit sérieux que s’il a vécu en Europe, Kotcheff était venu séjourner en 1957 chez un ami à Tourette-sur-Loup. Il a rencontré le jeune romancier canadien Mordecai Richler. Issus tout deux de familles pauvres, ils avaient 26 ans tous les deux et l’ambition d’être connus l’un pour ses films et l’autre pour ses romans.

Ils partagèrent un appartement à Londres où Kotcheff tournait pour la télévision britannique. En 1959, Richler lui fit lire un manuscrit dont Kotcheff déclara que c’était le meilleur roman canadien et qu’il en ferait un jour le meilleur film canadien. Ils en rirent, dans la mesure où il n’y avait pas alors d’industrie du cinéma au Canada.

Durant des années, Kotcheff chercha des fonds auprès des studios hollywoodien pour adapter le roman mais se heurta a tous les obstacles : l’un voulait que le héros soit grec et non juif ; un autre bien que juif ne voulait pas qu’on porte un tel protagoniste à l’écran, et enfin un autre voulait que l’histoire se passe à Pittsburgh alors que justement l’intrigue repose sur un gamin issu d’une enclave juive prise dans la très catholique Montréal.

Finalement en 1973, un fonds de développement canadien permit de financer le film sans trahir le roman et louant une villa à Roquebrune, Richler et Kotcheff travaillèrent à l’adaptation. Au même moment, pendant le festival de Cannes, ils découvrirent l’actrice Micheline Lanctôt dont ils décidèrent ensemble qu’elle était parfaite pour le rôle d’Yvette.

Il est dommage qu’il n’ait pas aussi évoqué ce qui avait présidé au choix de Richard Dreyfuss, en Duddy survolté et Randy Quaid en agneau du sacrifice.

L'apprentissage de Duddy Kravitz - Ted Kotcheff

Ours d'or de la Berlinale 1974, "L'apprentissage de Duddy Kravitz" est un film frénétique et truculent. Au sein d’une famille juive de la classe moyenne, Duddy Kravitz vient de finir le lycée. Son père Max, veuf, est un chauffeur de taxi qui donne aussi dans le proxénétisme pour pouvoir élever ses fils. L’aîné, en école de médecine, est le favori de tous et en particulier de l’oncle Benjy (Joseph Wiseman) qui finance ses études.

Duddy, lui, est laissé pour compte et rêve de se tailler une place au soleil. Son grand-père étant le seul à lui montrer un peu de respect, il adopte sa conviction « qu’un homme sans terre n’est personne ».

Bercé d’anecdotes sur un certain « Wonder boy » qui aurait fait fortune en commençant par traficoter des tickets de bus, il s’embarque dans une série de combines qui le feront quitter la candeur du rêve pour s’enfoncer dans la boue de la cupidité, au détriment de ceux-là mêmes qui lui ont tendu la main et qui l’aimaient.

Le film est jalonné de personnages cocasses dont Friar, un réalisateur alcoolique et facétieux interprété par l'hilarant Denholm Elliott et Farber, un ferrailleur rendu plus vrai que nature par Joe Silver.

Mais c’est aussi un drame car l’apprentissage de Duddy est un cheminement aussi abject que fascinant. Certes, Dreyfuss nous fait ressentir la somme des humiliations subies, sur fond d’antisémitisme et de privilèges de classe, mais à mesure que Duddy repousse les limites de l’acceptable, la démesure de son ambition nous fait oublier qu’il était avant tout un gamin qui a dû grandir trop vite. 

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