La citation était une connivence entre causeurs, un hommage à l’interlocuteur montrant qu’on lui savait la culture nécessaire pour en apprécier la pertinence.
Elle est devenue le prêt-à-porter de la pensée : peu de modèles et beaucoup d’exemplaires, souvent mal ajustés.
Comme un pantalon trop court sur des chaussettes blanches, la citation est tronquée (Carpe diem), mal troussée (Le seul moyen de résister à la tentation c’est d’y céder) voire mal comprise (A bon entendeur, salut).
L'appauvrissement de l'expression est tout autant révélé par l'abus de langage.
Je ne parle pas des argots et jargons, qui font tout le charme d'une culture, mais d’une propension qui fut longtemps le seul apanage des charretiers et autres poissonnières, c'est-à-dire le juron, le gros mot voire l’insulte.
Un seul terme désigne tous les fâcheux : un chauffard ? «c* !», un idiot ? «c* !», un goujat ? «c* !».
Un seul terme souligne toutes les situations, bonnes ou mauvaises : «p* d’exam’ !», «p* de découvert !», «p* de soirée !», «p* de vacances !».
Pauvres coquettes dont les lèvres rutilantes déversent un flot d’insanités ; pauvres gandins trahis par leurs grossièretés... Ils s’en gargarisent et s’y vautrent, comme si la vulgarité était une rébellion, une prise de position, un manifeste d’existence.
En réalité, ils sont comme ces morveux qui braillent «pipi caca» pour attirer l’attention et n'appellent qu'une réplique : Va te frotter la bouche avec du savon !