Tim m’a emmenée à Talin, une petite ville dans laquelle une femme de cœur, Gayaneh, a eu l’idée de créer un atelier rassemblant des femmes sans travail pour produire des objets qui pourraient être vendus aux visiteurs du pays, au profit des enfants les plus démunis.
Elles sont traductrices, institutrices ou musiciennes mais soit il n'y a pas d'emploi soit le salaire est insuffisant pour les faire vivre quand elles sont seules avec leurs enfants.
Début 2012, ayant entendu parler du projet, Tim s’est rendu sur place pour suggérer que les femmes valorisent leurs talents de tricoteuses/crocheteuses en fabriquant des poupées en costumes, divers selon les régions :
Il n'existait aucun patron donc il a recherché des images plus détaillées, afin que les femmes aient des modèles à partir desquels travailler pour concevoir les modèles de poupées :
Lors de ma visite, en partageant un délicieux repas de fruits et légumes locaux, copieusement arrosé de vin et jus de cerises fait maison, les créatrices, hilares, m’ont raconté anecdote sur anecdote quant au lent chemin pour aboutir à la qualité qu’il escomptait.
Elles ne comprenaient pas qu’il veuille des poupées plus rondelettes et durent s'y prendre à plusieurs fois pour obtenir les bonnes proportions de la tête et la taille. Par ailleurs, il était difficile de restituer en laine l’esprit de vêtements très ouvragés.
Après le repas, j'ai pu observer la réalisation, pendant que des Volontaires de la Paix discutaient avec Gayaneh sur la nature de sa fondation.
Je me suis engagée à leur faire parvenir des fils dorés et argentés pour embellir les "petites dames", comme elles les appellent (տիկնիկներ).
Chaque femme a opté pour une région et, peu à peu, elles ont acquis un savoir-faire à même de leur rapporter un revenu. Régulièrement, une nouvelle région est représentée et les messieurs se sont ajoutés aux petites dames.
Il faut douze à dix-sept heures de travail par poupée. Depuis deux mois, elles sont vendues lors d’expositions et mises en dépôt dans deux boutiques de la capitale au prix de 25 euros environ.
Il y a chez les femmes de Talin tant de plaisir et de fierté à se faire connaître que j’ai rempli ma valise en raflant 12 poupées. J’en ai offert 4 aux propriétaires de mon auberge et leurs employées, et je les ai mis en rapport avec le collaborateur de Tim pour organise un dépôt-vente dans la salle commune.
Tim Straight réfléchit à un site de vente en ligne pour ces poupées ainsi que pour d'autres productions que je vous présenterai ultérieurement.
Le tricot, comme la broderie, a toujours fait partie des talents arméniens.
Pour mémoire, la créatrice de mode excentrique Elsa Schiaparelli qui s’était rendue célèbre avec le rose shocking et le chapeau en forme d’escarpins, présenta en 1927 des tricots ornés de grands motifs en trompe-l’oeil.
Elle avait vu un chandail tricoté selon une technique remarquable qui l’avait inspirée pour une nouvelle collection. Cherchant la créatrice, elle était remontée jusqu’à une Arménienne qu’elle embaucha pour concrétiser ses idées. La collection fut un succès et d’autres Arméniennes furent embauchées pour produire plus de tricots, selon ce qui s’appelait alors «la technique arménienne».
Le savoir traditionnel au secours d'une économie chancelante, c'est une bonne option. En outre, il faut savoir travailler de ses mains comme le dit l'histoire de la reine Anahid, que je vous raconterai si vous êtes sages.