Le mont Cindre, au nord-ouest de Lyon est situé sur le territoire de la commune de Saint-Cyr-au-Mont-d'Or, culminant à 470 m.
Le site de l'Ermitage venant d'être restauré, j'ai eu envie de visiter son jardin de rocailles.
A cause d'une traîtrise des transports en commun, j'ai dû emprunter la bien-nommée montée du Grimpillon. Mon coeur battait la chamade, non par ferveur religieuse, puisque je suis athée, mais parce que la canicule n'a pas facilité les choses !
Ladite montée était aussi appelée Grappillon car les passants avaient une fâcheuse tendance à se servir dans les vignes et vergers au grand dam des paysans.
Pour l'anecdote, au début du 19e siècle, la vallée du Rhône était grande pourvoyeuse de fruits, et l’abricot d’Ampuis, au sud de Vienne bénéficiait d’une solide réputation. C’était avant que Pierre Bergeron, natif de Saint-Cyr-au-Mont-d’Or ne vienne séduire les papilles des Lyonnais avec un nouveau semis, obtenu en 1926, par pur hasard : le "Gabrielle-Bergeron".
La fondation officielle de l’Ermitage daterait de 1341, avec la construction d'une récluserie. En 1511, le frère Isaac la reprend et la place sous l’invocation de Notre Dame des Remèdes.
Plus d’un siècle s’écoule sans laisser de traces et on retrouve l’ermitage vacant au 17e siècle mais les paroissiens pensent que les prières de l’ermite, qui n’a que ça à faire, sont les plus efficaces pour avoir de bonnes récoltes et se protéger des épidémies. Ils réclament donc un prêtre pour la paroisse, et les ermites se succèdent.
En 1791, le site est pillé. Sous la Restauration, le diocèse rend sa vocation à la chapelle qui, en 1820, est consacrée sous son nom actuel de Notre Dame de Tout Pouvoir. L’ermite est alors Pierre Grataloup qui agrandit le jardin et creuse une grotte.
Par tradition, les ermites vendaient aux visiteurs du vin et des victuailles mais le frère Morisot, qui lui succède de 1835 à 1875, supprime ce petit commerce.
Il passe le temps en contemplant la nature ou en dormant sur un rocher. Il prétend que l’eau de la source étant trop crue et nuisible à sa santé, il doit conserver son vin. Selon le baron Raverat "C'est un ermite partisan de la dolce farniente". A sa mort, l’ermitage reste vide pendant deux ans faute d'un bon candidat malgré les nombreuses propositions.
Enfin, en 1878, Emile Damidot, dit Frère François, s’installe au Mont-Cindre. Avec un bon sens de la mercatique, il porte le froc de bure, la longue barbe, un énorme chapelet et une croix pectorale... alors qu'il n'est pas un religieux, quoique travailleur et de bonnes moeurs. Il a été tailleur puis concierge et n'a quitté cet emploi que pour occuper, sur les conseils du curé de Saint-Cyr, l'Ermitage du Mont-Cindre. Il mourra en 1910, dernier ermite du Mont-Cindre.
Pour gagner de l'argent et subvenir aux besoins de son père, il a l'idée de vendre des cartes postales. A cet effet, il emploie même Charles Boyer qui porte un "uniforme" pendant son gardiennage.
La chapelle n'a néanmoins jamais cessé d'être un lieu de pèlerinage.
En 1952, Louis Touchagues, artiste-peintre né à Saint-Cyr et déjà très renommé à Paris, peint "Le Couronnement de la Vierge" au-dessus de l’autel.
Il décore aussi le porche et l’abside de la chapelle. Les personnages, peints à fresque, sont des habitants de Saint-Cyr ou des amis lyonnais, dans un décor champêtre cher au peintre, avec à gauche, les hommes et à droite les femmes.
A l'entrée, parmi les ex-voto, on trouve étrangement une maquette de bateau, comme on en voit suspendues au plafond des chapelles en bord de mer. C'est un don à Notre Dame de Tout Pouvoir de l’amiral Pellion, en 1850, en remerciement d’un sauvetage lors du naufrage de l’Uranie.
Admirateur de Napoléon Bonaparte, il a choisi de représenter La belle Poule, qui a ramené les cendres de Napoléon de l’Ile d’Elbe.
Il faut traverser la chapelle pour atteindre le jardin de rocailles.
Pour le construire, Frère François ramasse les pierres des chemins comme le fait en même temps que lui, à une centaine de kilomètres, le facteur Cheval construisant son Palais Idéal.
Du matin au soir, il déblaie, maçonne et construit des bassins, des chapelles, des grottes miniatures, des crèches naïves et une quantité de statues.
Avec des fils de fer de récupération, il arme ses structures et les recouvre de mortier qu’il pétrit à la main.
Les pélerins et paroissiens apportent aussi des matériaux au frère François : pierres de chirats, pierres grises, calcaire à gryphées des carrières de La Ferlatière ou de Saint-Fortunat, et quelques pierres de choin bâtard.
En s’appuyant contre les murs de la chapelle, l’habitation, la grange du voisin et la carrière, il restucture l’espace pour en faire son jardin de prières.
C'est une visite très agréable car le jardin de rocailles est planté de fleurs et de plantes odorantes qui embaument l'atmosphère.
Par ci, par là, il y a des oeuvres d'art contemporaines, dans le cadre d'une exposition temporaire.
Sur le rocher creusé par le frère Grataloup, Frère François a contruit, en 1878, un belvédère de 12 mètres de haut, surplombant les cinq chapelles avec clochetons et vitraux, les centaines de niches et oratoires.
On voit très nettement la délimitation entre la zone très urbaine de Lyon, contrastant avec la campagne verdoyante des Monts d'Or.
Quand on est dans les étroites allées du jardin, on n'a pas de vision globale de sa disposition donc c'est intéressant de le voir en surplomb.
Lorsque le site a été laissé à l'abandon, les statues et objets religieux ont été volés ou endommagés. En outre, la croissance des racines des arbres alentour a ébranlé la structure du jardin.
La nécessaire remise en sécurité des lieux et la préservation du patrimoine ont conduit la ville de Saint-Cyr-au-Mont-d’Or à programmer de grands travaux de conservation.
Après la consolidation du belvédère en 2018 et du cheminement en 2020, ç'a été le tour de la restauration du jardin et tout a été terminé fin 2023.
Depuis, la visite est autorisée mais uniquement avec une guide de l'Office du tourisme de Lyon, sur réservation.