J'ai appris au Musée basque que le Pays basque a longtemps été un grand producteur de sagarno, un cidre local et, bien sûr, j'ai tenu à en goûter.
C'est donc sous l'influence de 6° d'alcool que j'écris cette chronique...
Le sagarno, littéralement "vin de pomme", est considéré comme descendant de la "pitarra", breuvage fermenté issu d'une macération de pommes tranchées et séchées, consommée par les Basques dès le Néolithique.
Bien qu'on parle de cidre basque, le sagarno n’est pas pétillant et ne reçoit aucun ajout de sucre.
Les pommiers occupaient au Pays basque une place privilégiée du fait d'un micro-climat particulièrement propice à la culture de la pomme, et le sagarnoa y était fabriqué depuis l'Antiquité.
Au 6e siècle, les marins basques, embarquaient des tonneaux de cidre comme source de vitamine C pour lutter contre le scorbut, avant de rejoindre les eaux froides de l’Atlantique pour pécher la morue et chasser la baleine. Les contrats stipulent d’ailleurs que chaque membre d’équipage devaient en boire entre deux et trois litres chaque jour. Les marins basques firent ensuite connaître le breuvage aux marins bretons et normands.
Les documents écrits les plus anciens datent de 1189 : règlement écrit sur les pommeraies, ordonnances, décrets royaux sur les pommiers et le cidre.
Dès cette époque, les pèlerins de Saint Jacques de Compostelle, traversant le pays, s'étonnèrent de la densité des pommeraies et de la place importante que tenaient les pommes et le vin de pommes dans la vie communautaire basque.
La fabrication se fit à grande échelle jusqu'au 18e siècle. A partir de cette époque, la production de pommes chuta considérablement. Les rares vergers existants encore étant tous de vieux vergers, ils disparaissaient les uns après les autres, emportant avec eux de nombreuses variétés traditionnelles de pommiers locaux.
L’âge d’or du sagarno atteignit son apogée au 16e siècle puis l’introduction progressive de nouvelles cultures, dont celle du maïs, grignotèrent les pommeraies. Au 20e siècle, la guerre civile espagnole et l’essor industriel relèguent la boisson basque à un moindre niveau de production et de consommation.
Si la culture de la pomme et la fabrication du cidre se développent beaucoup à partir du Moyen-Age, elles connaissent un déclin important durant le 18e siècle qui s’accentue jusqu’au milieu du 20e siècle, notamment du fait de l’apparition du vin dans les habitudes alimentaires au détriment du sagarno. Ainsi dans les premières décennies du siècle, sa production ne subsiste qu’en Guipúzcoa, au Pays basque, côté espagnol. De là, partira la reconquête…
Le Guipúzcoa est en effet à l’origine de la nouvelle impulsion donnée à la production et la consommation du sagarno après la mort de Franco.
Ainsi, en 1977 est créée l’association des producteurs de sagarno du Guipúzcoa. Elle invite le public à venir goûter le cidre nouveau. Le principe est de proposer aux clients d’apporter leur viande, alors que le producteur de cidre fournit l’accompagnement et la boisson. Ce système est à l’origine du succès des sagarnotegi ou cidreries actuelles, les producteurs de sagarno étant devenus également des restaurateurs. Le sagarno mis en bouteille est commercialisé et même exporté. Aujourd’hui, la demande est telle que, pour le moment, une partie des pommes est importée pour permettre une production suffisante.
Si le Guipúzcoa et la région d’Astigarraga (d'où provient le Topa que j'ai bu) sont aujourd’hui encore les principaux producteurss, la fabrication a repris quasiment partout en Pays basque.
Dans les années 1990, l'association Eztigar a été fondée par des producteurs locaux. Amoureux de leur territoire, fiers de leurs valeurs, ils se sont investis sans compter pour protéger leur patrimoine et tradition en relançant la culture des pommes au Pays basque, côté France.