Enfant survivant du génocide des Arméniens de 1915, mon grand-père avait été enlevé dans une colonne de déportation du désert de Deir ez-Zor par des Kurdes qui raflaient les garçons pour en faire des bergers.
Les Kurdes avaient la vie dure et même si mon grand-père m'a dit ne pas avoir été maltraité, il était esclave-berger dans des conditions difficiles et traumatisé par la perte de sa famille.
Au bout de quelques temps (mois ? année ? il ne savait plus), voyant un cavalier à l'allure prospère traversant la montagne, il avait couru vers lui en criant "Sauvez-moi, je suis Arménien, je suis chrétien".
C'était un émissaire syrien qui le prit en croupe et le déposa dans un orphelinat de la Croix-Rouge française où il fut bien soigné et apprit le métier de cordonnier. Dans les années 20, quand la France eut besoin de main d'oeuvre après le désastre de la guerre, il se porta volontaire pour émigrer, avec un contrat de travail, pour l'usine de chaussures Clerget de la Tour-du-Pin.
Par la suite, il se mit à son compte comme cordonnier puis monta son atelier de pantoufles puis sandales "Niny". J'y ai passé de belles heures d'enfance et c'est lui, d'ailleurs, qui me chaussait l'été, sur mesure.
En rangeant un débarras, je viens de retrouver ce vestige du passé, un ruban à découper pour signer ses pantoufles...
Par curiosité, j'ai cherché en quoi consistait le "procédé Neycaphot" de la maison de tissage Neyret.
Si je ne l'ai pas trouvé, j'ai eu néanmoins la surprise de découvrir que cette maison établie dans la Loire en 1823 a continué son développement et se targue aujourd'hui d'une clientèle de luxe.